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Yves Coppens, chasseur de fossiles et conteur de préhistoire

Découvreur de plusieurs fossiles d'hominidés, dont la célèbre australopithèque Lucy, le paléontologue Yves Coppens, décédé mercredi à l'âge de 87 ans, a eu à coeur de faire découvrir à un large public la fabuleuse histoire des origines de l'Homme.

Livres, conférences, interviews, mais aussi supervision scientifique de documentaires: ce formidable passeur, professeur émérite au Collège de France, n'a eu de cesse de raconter avec verve l'épopée humaine. Une histoire en constante évolution au gré des découvertes de nouveaux fossiles.

Souriant, doté du sens de l'humour et de la formule, parfois gentiment provocateur, le paléoanthropologue à la barbe et moustache blanches professait sa confiance en l'avenir de l'homme.

Né le 9 août 1934 à Vannes (Morbihan), ce fils d'un physicien nucléaire se passionne tout jeune pour les fouilles. "Dès l'âge de sept ou huit ans, j'ai eu envie de devenir archéologue", racontait-il à l'AFP fin 2016.

"Toutes mes vacances étaient occupées par des fouilles". Le jour de ses 20 ans, occupé à travailler sur un tumulus, il refuse de rentrer chez lui. C'est sa famille qui devra se déplacer jusqu'au chantier de fouilles pour y fêter son anniversaire, se souvenait-il avec malice.

Bachelier en sciences expérimentales, le jeune Breton obtient une licence ès sciences naturelles puis un doctorat de paléontologie. Il fait sa thèse sur les proboscidiens, mammifères à trompe dont il ne reste aujourd'hui que les éléphants.

Il entre au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) en 1956, alors qu'il n'a que 22 ans.

- 52 fragments d'ossements -

Homme de terrain, Yves Coppens part en expédition en Afrique à partir de 1960. Il commence par l'Algérie et le Tchad.

En 1967, il découvre un fossile d'hominidé bipède vieux de 2,6 millions d'années, dans la vallée de la rivière Omo (Ethiopie).

En 1974, c'est avec un ami géologue Maurice Taieb qu'il part fouiller dans la dépression de l'Afar, en Ethiopie, dans le cadre d'une expédition internationale comprenant également l'Américain Donald Johanson.

L'équipe met au jour 52 fragments d'ossements. C'est à l'époque le fossile d'hominidé le plus complet jamais trouvé. Les chercheurs le surnomment Lucy, car ils écoutaient la chanson des Beatles "Lucy in the Sky with Diamonds" en étiquetant les os. Il s'agit d'un Australopithecus afarensis, âgé de 3,2 millions d'années.

Du fait de sa bipédie, les scientifiques ont longtemps cru que Lucy était notre ancêtre directe (et Donald Johanson continue à la présenter comme telle). Mais pour Yves Coppens et d'autres paléontologues, il s'agit plutôt d'une très ancienne cousine de l'Homme.

Coppens, qui se présentait comme l'un des "papas" de Lucy avec Johanson et Taieb, a également fouillé en Mauritanie, aux Philippines, en Indonésie, en Sibérie, en Chine, en Mongolie. Au total, il est cosignataire de six hominidés.

Parallèlement Yves Coppens gravit les échelons. Le professeur est nommé sous-directeur du Musée de l'Homme en 1969 puis directeur de ce musée en 1980.

Il est ensuite élu titulaire de la Chaire de paléanthropologie du Collège de France en 1983. Il l'occupera jusqu'en 2005.

- Lascaux et les mégalithes -

Ce passionné de préhistoire se préoccupe aussi de l'avenir. Il prépare en 2002 la Charte de l'Environnement voulue par le président Jacques Chirac et qui sera intégrée dans la Constitution française en 2005.

Nicolas Sarkozy fait appel à lui en 2010 pour présider le conseil scientifique chargé de la conservation de la grotte de Lascaux, dont l'état s'est fortement dégradé. La grotte va mieux et Yves Coppens passe le flambeau à l'été 2017.

Il en saisit aussitôt un autre: le Breton cherche à faire rentrer les mégalithes du Morbihan au patrimoine mondial de l'Unesco.

Yves Coppens était membre de l'Académie des Sciences, de celle de médecine, et de nombreuses académies étrangères. En revanche, il a échoué à rentrer à l'Académie française en 1998.

Il est l'auteur de plus d'un millier d'articles scientifiques et de plusieurs livres. Dans son avant-dernier, "Origine de l'Homme, origine d'un homme", paru en 2018, il avait choisi de se prendre comme nouvel objet d'étude, sous l'amicale impulsion de son éditrice.

"Odile Jacob a dû se dire +ouh là là, il vieillit; il est temps qu'il écrive ses mémoires", plaisantait-il dans un entretien à l'AFP. Pudique, il n'y livrait que "le pan professionnel" de ses mémoires. Tout juste confessait-il un véritable "amour de la musique", transmis par sa mère.

En dehors de Lucy, sa véritable fierté était d'avoir "incontestablement relié l'émergence de l'Homme au changement climatique", en 1975. La forêt a cédé la place à la savane, l'Homme a cessé de grimper aux arbres et s'est redressé, son cerveau s'est développé pour résister aux carnivores.

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