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A son procès pour "escroquerie", Tapie rejoue le feuilleton de la revente d'Adidas

"Qui sont les escrocs?": au deuxième jour de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris dans l'affaire de l'arbitrage frauduleux de 2008, Bernard Tapie a rejoué mardi le feuilleton de la revente d'Adidas dans les années 1990, réaffirmant avoir été "volé" par le Crédit Lyonnais.

"Je veux repartir du tout début pour qu'il n'y ait pas de confusion dans les esprits et parler d'Adidas", lance-t-il d'emblée, en costume-cravate noirs, après s'être assuré que le micro était bien ouvert.

Le tribunal fait un grand saut dans le passé, en 1992. Bernard Tapie, qui à 76 ans lutte aujourd'hui contre deux cancers, est alors un flamboyant homme d'affaires s'étant fait un nom et une fortune en reprenant des entreprises en difficulté. L'équipementier sportif allemand Adidas, acquis deux ans plus tôt grâce à un prêt de sa banque "depuis 17 ans", le Crédit Lyonnais, est sa plus belle prise.

Sous son patronage et après une importante restructuration, l'Adidas "devient une marque à la mode", signant des contrats publicitaires avec "Madonna et Michael Jackson", s'enorgueillit-il.

"Appelé par le président Mitterrand" à entrer au gouvernement - il "accepte d'être ministre (de la Ville), un peu guidé par (sa) vanité et (ses) origines" modestes - Bernard Tapie se voit "contraint de vendre" Adidas, une vente qui sera effective en février 1993.

"Il n'y a pas d'autre raison, on n'était pas à l'agonie", martèle le prévenu.

Pour l'accusation, Bernard Tapie, étranglé financièrement, n'avait pas eu d'autre choix que de revendre Adidas, indépendamment de son poste ministériel. La présidente du tribunal Christine Mée tente d'évoquer des "éléments dans le dossier qui tendent à démontrer" la mauvaise santé financière des sociétés de M. Tapie.

"Mais pas du tout, (...) la réalité elle est claire. Si j'avais un tableau, je vous expliquerais", rétorque-t-il, réitérant avoir été floué.

- "Une rigolade" -

Adidas avait été rachetée en 1994 au double du prix par Robert-Louis Dreyfus. Bernard Tapie, qui accuse le Crédit Lyonnais de "montage frauduleux", avait alors engagé une longue bataille judiciaire contre l'ex-banque publique.

"On a véhiculé l'idée que j'avais pillé l'Etat (avec l'arbitrage contesté, NDLR), mais j'ai récupéré seulement moins de 10% de ce que la banque a gagné", s'emporte à la barre Bernard Tapie. "Mais c'est une rigolade!", lâche-t-il, en accusant l'ex-banque publique d'avoir caché le "fric à 80% dans des +offshore+, des paradis fiscaux".

Prenant le public à témoin, il lance: "Qui sont les voyous, qui sont les escrocs?". Emporté dans son élan, il refuse une pause au bout d'une heure de plaidoyer. "Je suis tellement content de vous expliquer", dit-il tout sourire à la présidente, déclenchant des rires dans la salle.

De temps à autre, Bernard Tapie se tourne vers ses avocats ou son ancien conseil et co-prévenu, Maurice Lantourne, pour demander une précision. "Il y a des traitements qui font perdre et les cheveux et la mémoire. Les cheveux sont repoussés, pas la mémoire", glisse-t-il au tribunal, qui abrégera l'audition de Bernard Tapie après un peu moins de deux heures.

Elle doit se poursuivre mercredi après-midi.

Bernard Tapie, qui a déclaré pour ce procès pénal la profession "d'acteur", est jugé pendant quatre semaines pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics", aux côtés de cinq prévenus, dont le patron d'Orange Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde lors de l'arbitrage contesté.

Il est reproché à Bernard Tapie, à Maurice Lantourne et à un des trois juges-arbitres Pierre Estoup d'avoir "truqué" la sentence arbitrale en faveur de l'ancien patron de l'Olympique de Marseille. M. Richard et deux autres hommes comparaissent pour "complicité d'escroquerie".

Le tribunal arbitral avait accordé à Bernard Tapie en 2008 plus de 400 millions d'euros, dont 45 au titre du préjudice moral. La sentence a été annulée au civil pour "fraude" et M. Tapie a été condamné à rembourser les sommes perçues, qui font l'objet de contestations.

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