Accueil Actu

Au procès Tarnac, des prévenus rejettent la "suspicion" sur leur vie communautaire

"Je refuse de me soumettre à la question": des prévenus du procès Tarnac, dont Julien Coupat, ont refusé mercredi de s'étendre sur leur projet communautaire, préférant contester le "récit" sur leur dangerosité forgée, selon eux, de toutes pièces par l'antiterrorisme.

A deuxième jour du procès, le tribunal correctionnel de Paris s'est penché sur le projet de ferme du "groupe de Tarnac", dépeinte par les services antiterroristes comme une "base logistique", et sur la participation de deux des principaux prévenus, Julien Coupat et Yildune Levy, à une réunion d'activistes à New York. Des éléments retenus par l'accusation pour établir une participation à une association de malfaiteurs.

"Je refuse de me soumettre à la question" sur la ferme dite du Goutailloux, a lancé à la barre un autre prévenu, Benjamin Rosoux, rappelant comment il avait, durant l'enquête, été mis en cause pour terrorisme avant d'être finalement poursuivi pour un simple refus de prélèvement d'ADN.

"Mais personne ici n'entend vous torturer. Je trouve simplement dommage que vous ne permettiez pas au tribunal d'avoir un autre regard sur l'affaire", regrette la présidente Corinne Goetzmann.

Après avoir été poursuivis pendant neuf ans pour terrorisme, les huit prévenus, membres de la communauté libertaire de Tarnac, sont aujourd'hui jugés pour une association de malfaiteurs de droit commun, la dégradation d'une ligne SNCF, le recel de documents ou le refus de se soumettre à un prélèvement biologique. Ils sont passibles de peines allant de un à cinq ans de prison.

Installé au premier rang sur le banc des prévenus, Julien Coupat écoute, sourire aux lèvres, la présidente détailler les principaux éléments du dossier.

Quel était votre projet au Goutailloux?, demande la magistrate après avoir rappelé que le groupe a fait l'objet d'une enquête, classée sans suite, de Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, sur le financement de la ferme acquise pour 210.000 euros en 2004.

"Nous avons mis notre argent en commun pour vivre ensemble", répond M. Coupat. "Je ne vais pas me défendre d'un récit délirant d'un bout à l'autre. La suspicion est dans le regard qu'on a porté sur nous, je vous engage à changer de regard", dit-il.

- 'Post-hippie' -

Interrogé à son tour sur cette communauté qu'il avait décrite comme "post-hippie", un de ses co-prévenus Mathieu Burnel explique qu'il avait forcé le trait: "Que voulez-vous répondre aux policiers qui vous demandent si on fait partie de la secte du gourou Coupat? On ne va pas aujourd'hui rejouer cette mauvaise pièce de théâtre", dit-il.

Depuis le début du procès, la présidente réagit avec flegme aux provocations de certains prévenus. Après avoir repris Julien Coupat mardi sur sa dégustation d'une barre aux céréales --"est-il indispensable que vous preniez votre goûter à l'audience?", lui avait-elle lancé--, la magistrate l'a taquiné mercredi sur le maté qu'il sirote.

"Alors, aujourd'hui, c'est la boisson!", a-t-elle lancé au prévenu, surpris. "Oui, on peut boire M. Coupat, mais vous n'avez pas le monopole de l'ironie", a glissé la magistrate.

Changement de registre avec l'audition de Yildune Levy sur son voyage avec Julien Coupat, alors son compagnon, au Canada en janvier 2008. Le couple a passé la frontière clandestinement et participé à une réunion de militants présentés par le FBI comme des anarchistes.

"C'est pas quelque chose de facile pour moi de prendre la parole et encore moins ici", explique la jeune femme, voix grave, cheveux mi-longs.

"Il y a quelque chose d'assez fou dans la façon dont on a arraché un bout de ma vie dans ce qui n'était qu'un voyage amoureux", dit-elle. Elle présente son passage clandestin de la frontière --qu'elle justifie par le refus de se soumettre au fichage biométrique américain-- comme "une balade dans la forêt enneigée". "Pour moi, voyager, c'est voir des musées mais aussi rencontrer des gens, comprendre la vie sociale d'un pays", dit-elle.

"A New York, quand on fait partie des mouvements antiglobalisation, on a des contacts mais ce n'était pas une réunion, simplement des échanges d'idées", dit-elle mettant en cause la présentation, selon elle, exagérée de cette rencontre par un policier anglais alors infiltré dans le mouvement, Mark Kennedy.

À lire aussi

Sélectionné pour vous