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Crise du logement: New York vote pour enrayer la flambée des loyers

L'Etat de New York a adopté vendredi une loi censée enrayer la disparition des logements à prix abordables et une gentrification galopante, un texte jugé "historique" par beaucoup et témoin d'une prise de conscience croissante de la crise du logement.

Le vote est l'aboutissement de longues années de bataille entre le puissant lobby des propriétaires immobiliers et les associations de défense du droit au logement.

Ces dernières ont finalement obtenu gain de cause grâce au changement de majorité intervenu au Parlement de l'Etat de New York après les élections de novembre: ses deux chambres, qui siègent à Albany, sont désormais acquises aux démocrates, dont beaucoup ont fait de la crise du logement un cheval de bataille à l'approche de la présidentielle 2020.

Le texte, entériné immédiatement par le gouverneur démocrate Andrew Cuomo, supprime une série de dispositions qui permettaient aux propriétaires de contourner l'encadrement de centaines de milliers de loyers à l'occasion d'un changement de locataire ou de travaux de rénovation.

Depuis 1994, ces dispositions se sont traduites par la disparition d'environ 300.000 appartements du parc de logements à loyers régulés à New York même, selon des chiffres officiels. Poussant au déménagement les familles modestes et alimentant la gentrification de la première métropole américaine, une des 10 villes les plus chères au monde.

Si les chiffres varient selon les quartiers, le loyer moyen d'un deux-pièces à New York est ainsi passé de 1.938 dollars en janvier 2011 à 2.831 dollars en janvier 2019, selon le cabinet Rainmaker Insights.

Ce texte complexe devrait affecter directement quelque 2,4 millions de New-Yorkais, sur une population totale d'environ 8,5 millions d'habitants, qui vivent dans près d'un million d'appartements aux loyers toujours encadrés aujourd'hui.

Il ne concerne cependant que les logements anciens: uniquement les bâtiments construits avant 1974, comprenant six logements ou plus.

Au-delà des grandes zones urbaines, les plus concernées, le texte de 74 pages prévoit des protections pour tous les locataires de cet Etat de 20 millions d'habitants - jusqu'aux locataires de mobile homes - pour éviter notamment les hausses de loyer trop fortes, les évictions abusives ou les demandes de caution excessives.

Il ouvre la possibilité d'instaurer un système de loyers régulés dans toutes les localités, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

- Locataires désespérés -

"C'est un succès remarquable qui va mettre fin aux déplacements, au harcèlement et aux évictions injustes, et aidera les familles qui travaillent à rester dans les logements qu'elles aiment", s'était félicité en début de semaine le maire démocrate de New York, Bill de Blasio, candidat à la présidentielle 2020, alors qu'avait émergé un accord pour adopter le texte avant l'été.

De nombreux sénateurs favorables à la loi ont souligné vendredi combien de témoignages de locataires désespérés ils entendaient depuis des années et cité le nombre croissant de sans-abris.

"Tous les jours je parle à des gens qui disent +Où vais-je pouvoir habiter?+ On ne peut plus prétendre qu'il n'y a pas de crise, le manque de logements abordables est un problème partout (...) pas seulement à New York", a déclaré Andrea Stewart-Cousins, leader démocrate du Sénat.

"Si nous ne montrons pas notre détermination quant aux choses qui comptent pour les gens, personne ici n'aura l'impression d'avoir réussi", a-t-elle ajouté, très applaudie.

Les propriétaires immobiliers ont combattu jusqu'au bout, arguant que le texte se traduirait par une dégradation des immeubles aux loyers encadrés, en supprimant les hausses de loyers substantielles qui leur permettaient d'amortir rapidement toute rénovation.

- Distorsion du marché -

"Les réformes proposées vont en substance éliminer les outils dont dépendent les propriétaires, investisseurs et prêteurs pour financer les rénovations, sans offrir de solution de rechange", a déclaré Kathryn Wylde, présidente de Partnership for New York City, qui rassemble de nombreux propriétaires immobiliers.

Elle a brandi le spectre d'un désinvestissement comparable à celui qui a fait la triste réputation du parc de HLM géré par la ville de New York, connu pour ses rats, ses cafards ou ses pannes de chauffage.

De fait, les détracteurs du texte ont souligné que les nouvelles mesures pourraient avoir des effets de distorsion du marché contraires aux objectifs affichés.

Au-delà d'une détérioration possible des bâtiments, aucune mesure n'est prévue pour garantir que ce soient bien des personnes aux revenus modestes qui bénéficient des loyers modérés, a notamment déploré le sénateur républicain George Amedore.

A ces critiques, la sénatrice Stewart-Cousins a fait valoir qu'une commission évaluerait les effets de la loi régulièrement, "pour être sûr" qu'elle a les effets souhaités.

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