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Fin du procès de France Télécom et de ses ex-dirigeants pour "harcèlement moral", jugement le 20 décembre

Le tribunal correctionnel de Paris rendra le 20 décembre son jugement dans le procès de France Télécom et de ses ex-dirigeants, dont l'ancien PDG Didier Lombard, jugés pendant plus de deux mois pour "harcèlement moral", dix ans après les suicides de plusieurs salariés.

Avant de clore 46 jours d'un procès inédit - qui voit pour la première fois une entreprise du CAC 40 être jugée pour un harcèlement moral institutionnel - la présidente Cécile Louis-Loyant a salué "une oeuvre de justice commune et collective".

"Le tribunal a aimé écouter, essayé de comprendre", a-t-elle déclaré, avant de céder la parole une dernière fois aux prévenus. L'ex-numéro 2, Louis-Pierre Wenès, s'est dit "profondément désolé" envers ceux "qui ont vécu malaise et souffrance". L'ex-DRH, Olivier Barberot, a eu "le sentiment d'avoir été écouté". Didier Lombard ne s'est pas exprimé.

Contre ce qu'il qualifie de harcèlement érigé "en stratégie" dans l'une des plus grosses sociétés du pays, le parquet a requis "le maximum" prévu par la loi: 75.000 euros d'amende contre France Télécom, un an d'emprisonnement et une amende de 15.000 euros contre ses ex-dirigeants.

M. Lombard, PDG de 2005 à 2010, M. Wenès et M. Barberot sont soupçonnés d'avoir mis en place "une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés et à créer un climat anxiogène", alors qu'ils voulaient supprimer des milliers d'emplois.

Huit mois d'emprisonnement et 10.000 euros d'amende ont été demandés contre quatre autres anciens responsables poursuivis pour "complicité de harcèlement moral".

La défense a plaidé la relaxe, demandant au tribunal de faire "du droit" et de ne pas rendre "une décision pour l'exemple".

France Télécom (rebaptisée Orange en 2013) était devenue le symbole de la souffrance au travail et faisait la Une des médias il y a dix ans, alors que plusieurs salariés se suicidaient. Michel Deparis, qui s'est donné la mort le 14 juillet 2009, avait écrit dans une lettre: "Je me suicide à cause de France Télécom. C'est la seule cause".

Deux mois plus tard, le syndicat SUD déposait plainte, donnant un tournant judiciaire à l'affaire. Les juges ont retenu 39 cas de salariés, dont 19 se sont suicidés. Environ 120 autres personnes se sont constituées partie civile depuis le début du procès le 6 mai.

- "Maladresse" -

Les parties civiles ont vertement reproché aux ex-dirigeants leur "déni", ainsi que leur absence de regrets. Ils ont déploré une "compassion factice".

"La pudeur n'est pas mépris et la défense n'est pas déni", a souligné l'une des avocates de M. Lombard, Me Bérénice de Warren. "Quand on subit un drame, on a besoin d'un responsable. C'est de la vengeance, pas de la justice", a-t-elle poursuivi.

L'ancien PDG a sans cesse mis en avant la situation de "péril" de l'entreprise. En 2006, en pleine révolution technologique et face à une concurrence exacerbée, il s'était engagé à faire partir 22.000 salariés en trois ans, sur environ 120.000.

Devant des cadres, il avait dit vouloir faire ces départs "par la fenêtre ou par la porte". Son conseil Jean Veil a plaidé "une maladresse".

L'entreprise était devenue privée, mais la majorité des employés étaient encore fonctionnaires et ne pouvaient donc être licenciés.

Ce vaste programme de restructuration (les plans NExT et Act) a été au centre des débats. Pour les prévenus, il devait s'agir de départs "volontaires", "naturels". Pour les parties civiles, la pression a été mise sur les salariés pour les pousser à partir.

"L'obsession" de ces départs et de 10.000 mobilités était "devenue le cœur de métier des dirigeants de France Télécom", ont estimé les représentantes du parquet.

Les prévenus ont reconnu qu'ils savaient que s'adapter à ces réorganisations serait dur pour des salariés, mais ils contestent tout harcèlement moral, défini dans le code pénal comme "des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail".

"Dans ce qui a été défini comme politique d'entreprise et dans son application, il n'y a rien qui ressemble à ce qu'on nous reproche", avait affirmé l'ex-numéro 2, Louis-Pierre Wenès.

"Nous contestons l'idée d'un harcèlement organisé généralisé passible de sanctions pénales", a déclaré Nicolas Guérin, secrétaire général d'Orange, qui représente France Télécom au procès.

"Pour autant, nous reconnaissons que les transformations de France Télécom ont généré des cas de souffrances individuelles", a-t-il ajouté dans un message lu à l'audience, annonçant le lancement d'une réflexion sur une procédure d'indemnisation de préjudices individuels.

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