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Les Polonais endettés en francs suisses espèrent dans la justice européenne

Comme quelques centaines de milliers de Polonais, Piotr Zientala attend avec impatience un verdict de la justice européenne jeudi, espérant retrouver la stabilité financière, perdue à cause de son crédit hypothécaire en francs suisses.

Cet arrêt de la Cour de Justice de l'UE (CJUE) pourrait toutefois coûter cher aux banques et à l'économie polonaises.

Piotr Zientala, 42 ans, a voulu acheter en 2008 un appartement pour sa famille. "J'ai voulu prendre un crédit en zlotys, mais la banque me l'a refusé, puis m'a proposé un prêt libellé en francs suisses", explique-t-il à l'AFP.

"Son conseiller m'a convaincu, chiffres et graphiques à l'appui, que c'était avantageux et sans risques pour moi", raconte-t-il.

"Six mois plus tard, le cours du franc est passé de 2,03 zlotys à plus de 3 zlotys. En 2015, le cours du franc a été libéré et a atteint 5 zlotys, alors j'ai cessé de payer les traites". Aujourd'hui, le franc est à environ 4 zlotys.

Dix ans après avoir pris le crédit, M. Zientala doit rembourser quelque 600.000 zlotys (137.000 euros), soit le double de ce qu'il a emprunté.

"J'ai trouvé dans mon contrat des clauses abusives et je suis en procès contre ma banque". Il espère l'emporter: "mon contrat est pratiquement le même que celui qui est devant la CJUE".

- Clauses abusives -

La Cour, basée à Luxembourg, doit statuer jeudi sur un prêt contracté par la famille Dziubak qui contient des clauses abusives, dont celle permettant à la banque de fixer librement le cours du franc.

Si la Cour confirme l'avis donné par son avocat général en mai, la famille pourrait elle-même décider si elle veut maintenir le crédit aux termes actuels, le clore, ou le convertir en zlotys polonais mais aux taux d'origine, bien plus bas que les taux actuels.

Une telle décision devrait réjouir des milliers de Polonais, mais faire grincer les dents aux créanciers. Les banques pourraient perdre entre 40 et 60 milliards de zlotys (9,15-11,4 mds EUR), selon les estimations.

La Pologne n'est pas seule concernée. La Hongrie, la Roumanie ou la Croatie ont déjà résolu ce genre de problème en introduisant une législation spéciale.

Attirés par des taux bancaires très bas et un zloty fort, quelque 700.000 ménages polonais ont pris des crédits en devises entre 2000 et 2012.

La crise mondiale de 2008 et la libération en 2015 du cours du franc a doublé la valeur de la monnaie suisse par rapport au zloty.

Des gens découvrent "qu'à moyen terme ils risquent la faillite personnelle", observe Marek Rzewuski, responsable d'une association de débiteurs ayant porté plainte contre leurs banques.

- Otage dans son appartement -

Ils ont compris "qu'ils ne pourront plus payer leur dette et que cette dette dépasse la valeur de tout leur patrimoine, non seulement de leur appartement", ajoute-t-il.

C'est le cas de M. Zientala. "Je suis otage dans mon appartement, car je ne peux pas le vendre. La vente ne rembourserait pas le crédit", explique-t-il.

Si le verdict ne concernera directement que la famille Dziubak, des juges chargés d'affaires similaires sauront comment les traiter, explique M. Rzewuski.

Aujourd'hui, il reste à rembourser quelque 500.000 prêts en francs suisses, soit 20% de tous les crédits hypothécaires, pour une somme évaluée à plus 100 milliards de zlotys (22,85 mds EUR).

Les experts craignent que l'arrêt pourrait toucher l'ensemble du secteur bancaire et par conséquent l'économie polonaise et ralentir la croissance, une des plus élevées en Europe.

"Dans une hypothèse pessimiste, les banques peuvent perdre environ 50 milliards de zlotys, alors que les bénéfices annuels du secteur s'élèvent à 15 milliards", explique l'économiste Witold Orlowski. "Certaines banques pourraient faire faillite".

"Pour éviter une crise bancaire et stabiliser le secteur, l'Etat devrait renflouer ces banques avec de l'argent du contribuable", ajoute-t-il.

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