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Dépression, cauchemars, gloutonnerie, absence de stimulation intellectuelle: les enfants de djihadistes rentrent en Occident traumatisés

En Syrie ou en Irak, ils ont vécu la guerre. Beaucoup ont perdu un parent. A leur retour en France, les enfants de jihadistes, "brutalement" séparés de leurs mère, souffrent de "dépression" et font des "cauchemars terrifiants", racontent les psychiatres et magistrats qui les suivent.

A leur arrivée à Paris, les enfants, souvent très jeunes, ont "des troubles de stress aigu ou des troubles de l'adaptation et des symptômes qui peuvent ressembler à des retards de développement", détaille le professeur de psychiatrie de l'enfant Thierry Baubet lors des "Etats généraux psy sur la radicalisation" organisés cette semaine à Paris.

A ce jour, près de 260 adultes et 77 mineurs sont rentrés en France après avoir rejoint les zones contrôlées par le groupe Etat islamique en Syrie ou en Irak, selon le gouvernement français.


"Brutalement" séparés de leur mère à leur arrivée en France

Le processus est immuable: dès que l'avion a atterri, la séparation de la mère et de ses enfants "s'effectue sur le tarmac de Roissy" et "la mère est placée en garde à vue", indique Thierry Baranger, juge des enfants à Bobigny (Seine-Saint-Denis). "Ces enfants étaient visiblement collés en permanence à leur mère pendant plusieurs années. Cette séparation est extrêmement brutale", dit-il.

D'autant qu'elle est "parfois associée à un sevrage brutal pour les bébés" allaités par leur mère, renchérit la pédopsychiatre et psychanalyste Caroline Eliacheff qui a assisté à des retrouvailles devant le juge entre mères et enfants qui ne s'étaient pas vus depuis leur descente d'avion.

Une fois pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE), puis confiés à des familles d'accueil, les enfants sont soumis pendant deux à trois mois à une "évaluation" effectuée par Thierry Baubet et d'autres pédopsychiatres et psychologues missionnés par le ministère de la Santé.


Le diagnostic: troubles de l'alimentation (gloutonnerie), dépressions, stress post-traumatique,...

Jusqu'à maintenant, 36 enfants ont suivi une évaluation, dont près de la moitié a moins de deux ans, ce qui constitue un obstacle évident à la communication, explique le professeur Baubet. Pour 28 enfants, le processus d'évaluation est terminé et "tous nécessitent un suivi régulier. Vingt-et-un enfants ont été orientés vers notre service pour ce suivi".

Le diagnostic est généralement glaçant: "il y a des troubles post-traumatiques, des troubles de l'attachement, de l'alimentation avec de la gloutonnerie, des dépressions" et c'est sans compter avec les "difficultés relationnelles, notamment avec les familles d'accueil", énumère-t-il.

En cause, l'exposition "à des choses horribles dans la rue", comme les exactions des jihadistes ou les bombardements de la coalition anti-EI, mais aussi "la détention avec leur mère ou la question des pères qui sont généralement présumés morts".


Des enfants qui n'ont pas été stimulés intellectuellement: pas de jouet, de sortie, de distraction ni d'enseignement

La pédopsychiatre Caroline Eliacheff décrit, elle, les "nuits peuplées de cauchemars terrifiants" de certains et racontent le "peu de stimulation" intellectuelle des enfants de jihadistes lorsqu'ils étaient encore en Irak et en Syrie: "pas de jouet, pas de sortie, pas de distraction, pas d'enseignement".

"Les plus grands ont un vocabulaire assez pauvre et certains parlent peu le français", note-t-elle. "La plupart n'avaient jamais été séparés de leur mère avant leur retour à Roissy".

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