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Echange Trump/Zelensky : "désastre" ou jeu habile pour les Ukrainiens

Pour ses critiques, l'entretien téléphonique controversé du président ukrainien Volodymyr Zelensky avec Donald Trump était un "désastre", mais selon ses supporters il aurait plutôt mené un jeu adroit avec son interlocuteur américain, dont le soutien est crucial pour Kiev.

Cette conversation estivale, dont la Maison Blanche a publié mercredi la transcription, a déclenché une tempête politique aux Etats-Unis. Mais en Ukraine ses dégâts pourraient être limités, estimaient jeudi des experts, même si les détracteurs de M. Zelensky l'ont jugé dangereusement inexpérimenté, et flagorneur devant Washington.

La militante pour les droits de l'homme Iryna Siedova a dénoncé sur Facebook la "piteuse obséquiosité" du président Zelensky - qui était comédien avant son élection en avril - "devant un clown plus puissant" que lui. "Une honte", s'est insurgée pour sa part la présentatrice de télévision Tetiana Vysotska.

Volodymyr Zelensky a affirmé mercredi soir ne pas avoir compris que l'intégralité de la conversation en question serait publiée, et pas seulement les déclarations de M. Trump. "J'ai simplement pensé qu'ils (les Américains) n'allaient publier que leur partie", a-t-il dit à New York.

La transcription mettant en lumière la relation asymétrique entre M. Zelensky et le président Trump, dont le pays entretient pourtant des relations très amicales avec Kiev, beaucoup s'interrogent sur le contenu des conversations téléphoniques entre le dirigeant ukrainien et Vladimir Poutine, alors que la Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée et soutient les séparatistes dans l'est de l'Ukraine.

Sans surprise, les critiques les plus acerbes sont venues du camp de l'ex-président Petro Porochenko, écrasé par M. Zelensky à la présidentielle.

Dénonçant un "désastre", un député du parti de M. Porochenko, Rostyslav Pavlenko, s'est alarmé de la promesse faite par M. Zelensky à M. Trump de nommer un procureur général qu'il contrôlerait "à 100%". Et M. Porochenko a critiqué sur Twitter un scandale "très nuisible" pour l'Ukraine.

Un ancien ambassadeur devenu conseiller de l'ex-Première ministre Ioulia Timochenko, Markian Loubkivsky, a jugé pour sa part sur Facebook qu"il n'y avait rien eu de criminel" en l'occurrence.

- Merkel et Macron -

"Zelensky sait ce qu'il fait. Il aidera Trump à sauver la face et recevra quelque chose en échange", assure pour sa part Andriï, un biologiste interrogé par l'AFP dans le centre de Kiev, alors que les démocrates ont lancé une procédure de destitution contre le président américain à la suite de ce scandale.

Interrogée par l'AFP, une source ukrainienne haut placée reconnaît "un seul moment vraiment problématique" : la façon dont M. Zelensky critique la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron, deux soutiens européens cruciaux face à la Russie.

Au cours de l'entretien, M. Trump accuse les Européens, en particulier l'Allemagne, de faire peu pour l'Ukraine, ce à quoi son interlocuteur se dit... d'accord "à 1.000%".

"J'ai parlé à Angela Merkel (et Emmanuel Macron) et je leur ai dit qu'ils n'en faisaient pas autant qu'ils devraient", notamment concernant les sanctions contre la Russie, souligne-t-il lors de l'appel en question.

Réagissant à l'affaire, un porte-parole de la Commission européenne a souligné jeudi le soutien "sans précédent" de Bruxelles à l'Ukraine, précisant que plus de 15 milliards d'euros d'aide financière de l'UE avaient été envoyés à Kiev depuis 2014.

"Je remercie les leaders européens pour toute leur aide à l'Ukraine", mais "j'ai dit la vérité car Nord Stream 2 (le gazoduc russo-allemand contournant l'Ukraine) est une grande menace pour notre sécurité énergétique" et le signe d'une "levée progressive de sanctions" contre Moscou, a répété le président Zelensky après avoir rencontré Donald Trump à New York mercredi soir.

Pour le politologue ukrainien Volodymyr Fessenko, ce scandale pourrait certes impacter ses rapports avec les dirigeants d'Europe de l'ouest, mais il escompte que ceux-ci "vont prendre en compte son manque d'expérience politique et son intention de plaire au président Trump".

Sur le plan intérieur, l'analyste Anatoli Oktyssiouk, du centre Democracy House, pense que les Ukrainiens, plus préoccupés par leur situation économique, "ne s'intéressent pas" particulièrement à cette affaire.

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