Accueil Actu

Legislatives au Kosovo: l'opposition fait chuter les "commandants"

Les électeurs ont sonné l'heure du changement au Kosovo, plaçant l'opposition en tête des législatives dimanche et infligeant une lourde défaite aux anciens chefs de la guérilla poussés vers la sortie après une décennie de pouvoir.

"Nous acceptons le verdict du peuple. Le PDK passe dans l'opposition", a déclaré le chef de file du principal parti de la coalition au pouvoir, Kadri Veseli peu avant 23H00 (21H00 GMT).

Après le dépouillement de plus des trois quarts des votes, la gauche (Vetevendosje, 26,04%) et le centre droit (LDK, 25,21%) devançaient les deux principaux partis de la coalition au pouvoir, le PDK (21,18%) et l'AAK (11,67%), une avance irréversible.

Faute de majorité absolue des 120 sièges à pourvoir (dont dix pour la minorité serbe), le chef de file de la formation qui sortira en tête sera chargé de trouver une majorité pour bâtir une coalition, selon la constitution.

Mais durant la campagne, les leaders de Vetevendosje et de la LDK, Albin Kurti et Vjosa Osmani, avaient laissé entendre qu'ils pourraient former une coalition pour écarter du pouvoir les "commandants".

Ceux-ci sont rendus responsables par une grande partie des 1,8 million d'habitants de la profonde crise socio-économique, d'une corruption et d'un clientélisme endémiques, et de services publics désastreux.

Une fois aux affaires, l'opposition sera confrontée à un double défi: ne pas décevoir la population mais aussi répondre aux exigences des Occidentaux qui attendent une résolution du conflit avec la Serbie, une des principales sources d'instabilité en Europe.

- 'L'heure est venue !' -

Après avoir mené la lutte contre les forces serbes (1998-99, 13.000 morts), les anciens chefs de la guérilla dirigeaient le Kosovo depuis la proclamation d'indépendance de 2008.

Celle-ci est reconnue par plus de 100 pays dont les principales capitales occidentales, mais toujours fermement rejetée par la Russie, la Chine et la Serbie, qui revendique toujours la tutelle de son ancienne province majoritairement peuplée d'Albanais.

Le scrutin avait été provoqué par la démission en juillet du Premier ministre Ramush Haradinaj, convoqué par le tribunal spécial sur les allégations de crimes de guerre commis par l'Armée de Libération du Kosovo (UCK) durant ce conflit ayant parachevé la désintégration de la Yougoslavie.

"L'heure est venue!", a scandé durant la campagne Albin Kurti, vieil adversaire des "commandants" et notamment du président Hashim Thaçi. Si la première place de Vetevendosje se confirmait, ce dernier sera contraint de demander à Albin Kurti de mener des consultations en vue de bâtir une coalition, négociations qu'il mènera avec Vjosa Osmani.

De nombreux sujets séparent la jeune juriste du charismatique leader étudiant converti à la social-démocratie.

Mais leur hostilité commune aux "commandants" et l'appel au changement exprimé dimanche notamment par les jeunes, qui représentent plus de la moitié de la population, pourraient leur suffire pour former une coalition, estiment les observateurs.

- 'Ras-le-bol' -

Avant même le scrutin, Américains et Européens avaient demandé aux futurs dirigeants de "reprendre de manière urgente les discussions avec la Serbie". Elles sont au point mort depuis des mois et Belgrade refuse de les reprendre tant que sont en vigueur les droits de douane de 100% imposés à ses produits par Ramush Haradinaj.

Albanais et Serbes du Kosovo se retrouvent sur la lassitude. "J'en ai ras-le-bol de cette histoire de dialogue", lâche Salih Mehana, commerçant de Pristina de 39 ans. "Ils se parlent depuis des années (...) mais pour nous, la situation est de pire en pire", dit un juriste de 30 ans de la partie serbe de Mitrovica qui ne donne pas son nom.

Pourtant, cette question "sera déterminante" car "la communauté internationale ne donnera pas son aval à un gouvernement qui n'en ferait pas une priorité", dit le professeur de Sciences politiques Nexhmedin Spahiu.

A l'exception de Ramush Haradinaj, les principaux candidats ont semblé prêts à renoncer à cette barrière douanière pour reprendre le dialogue.

Un des sujets les plus sensibles sera l'organisation institutionnelle des secteurs où vivent les quelque 120.000 Serbes du Kosovo qui ont offert un plébiscite aux candidats de la Srpska Lista, émanation du parti au pouvoir à Belgrade.

Le président Aleksandar Vucic a indiqué qu'il était prêt à discuter avec Albin Kurti si celui-ci devait accéder au pouvoir. Le leader de Vetevendosje a longtemps suscité le rejet à Belgrade, où il est considéré comme un dur.

À lire aussi

Sélectionné pour vous