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L'Allemagne restitue à la Namibie un monument du XVe siècle

L'Allemagne a annoncé vendredi vouloir restituer à la Namibie un monument érigé au XVe siècle pour guider les explorateurs portugais, dernier épisode en date de la volonté du pays de tirer un trait sur son passé colonial.

"La restitution de la croix en pierre de Cape Cross est un signal clair que nous reconnaissons notre passé colonial et que nous cherchons et trouvons avec les pays d'origine les moyens d'avoir une cohabitation respectueuse", a déclaré la ministre allemande de la Culture, Monika Grütters, lors d'une conférence de presse au Musée de l'Histoire allemande.

"Pendant de nombreuses décennies, l'époque coloniale était un angle mort dans notre culture de mémoire. L'injustice advenue à l'époque a été bien trop longtemps oubliée et refoulée".

- 'Humiliation' -

L'ambassadeur de Namibie en Allemagne, Andreas Guibeb, a vu cette décision comme "un pas important" pour son pays dans le travail sur son "passé colonial et le sentier d'humiliation et d'injustice systématique qu'il a laissé derrière lui".

Aucun détail sur la date de restitution n'a été communiqué.

La croix en pierre de Cape Cross, qui s'élève à plus de trois mètres et pèse plus d'une tonne, a été érigée en 1486 par des navigateurs portugais dans la région qui est devenue aujourd'hui la Namibie. Elle constituait à l'époque un signe d'orientation pour les navigateurs autour de la côte sud-ouest de l'Afrique.

Dans les années 1890, après que le pays est passé sous contrôle de l'empire allemand en pleine période de colonisation, la croix de pierre fut transportée à Berlin.

Elle est depuis 2006 présentée dans une exposition permanente du musée.

Mais la Namibie, en conflit depuis des années avec Berlin au sujet de différentes demandes de réparations liées à la colonisation germanique, a demandé la restitution du monument en juin 2017. Plusieurs tentatives de sa part au XXe siècle s'étaient révélées infructueuses.

Finalement, les autorités allemandes, sous pression pour faire un geste à l’égard de leur ancienne colonie, ont fini par obtempérer.

Si le travail de mémoire en Allemagne sur la période nazie est généralement jugé exemplaire, il n'en est pas de même concernant la période coloniale en Afrique, de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe, longtemps délaissée.

Les choses ont commencé à changer ces dernières années. Le pays a déjà rendu des ossements datant de la colonisation africaine et s'est engagé en mars à accélérer ces restitutions.

- Premier génocide du XXe siècle -

Pour le président de la fondation du Musée, Raphael Gross, la restitution est "un geste important" pour la Namibie comme pour le Musée car elle permet de "reconnaître une injustice historique".

"C'est l'un des rares objets qui documente l'occupation du pays par les Portugais et ainsi le lent début de la domination coloniale dans la Namibie actuelle", a-t-il expliqué récemment au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Tout le monde n'a pas accueilli la décision avec le même enthousiasme. L'ancien ministre namibien de la Culture, Kazenambo Kazenambo, s'est dit "mécontent que l'Allemagne restitue les biens coloniaux un par un".

"Nous avons eu des négociations sur le génocide ces dernières années. Pourquoi ne peuvent-ils pas s'occuper du problème de façon globale ?", a-t-il demandé à l'AFP.

L'Allemagne a régné sur la colonie autrefois appelée Afrique du Sud-Ouest entre 1884 et 1915.

L'histoire de son empire colonial a été marquée par la politique d'extermination des tribus révoltées herero et nama sur le territoire de la Namibie actuelle.

Berlin a reconnu sa responsabilité pour les massacres des Hereros et des Namas, mais n'a pas présenté d'excuses officielles pour ce que certains historiens considèrent comme le premier génocide du XXe siècle.

Namibiens et Allemands négocient depuis de longues années à ce sujet, alors que Berlin est opposé au versement de réparations aux descendants des victimes.

D'autres anciennes colonies germaniques pourraient désormais suivre le chemin lancé par la Namibie, à l'image du Cameroun. Le prince Kum'a Ndumbe III, universitaire et militant panafricaniste, a fait vendredi le déplacement spécialement pour l'annonce de la restitution.

"C'est la direction que nous souhaitons depuis 30 ans, nous allons maintenant voir jusqu'où on va aller", a-t-il déclaré à l'AFP, précisant qu'il demandait pour ce qui le concerne le retour d'une proue princière, un objet de la famille royale, conservé depuis des années par un musée allemand.

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