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L'Union européenne veut boycotter le pétrole russe: est ce que cela peut faire plier Poutine? Voici l'avis d'experts

Les invités de Christophe Deborsu dans l'émission C'est pas tous les jours dimanche, ont débatu sur la décision de la Commission européenne d'arrêter d'importer du pétrole russe. Selon certains experts, la conséquence de cette mesure pourrait impacter les citoyens, tout en ayant un effet dérisoire sur la guerre en Ukraine.

Un 6ème paquet de sanctions contre la Russie est en cours de négociations entre les 27 pays États membres de l'Union européenne. Ce paquet contient un embargo sur le pétrole d'ici la fin de l'année, et plusieurs questions se posent : est-ce que cette mesure aura un réel impact sur la guerre ? N'aura-t-elle pas plutôt un impact sur nos portefeuilles ?

En ce qui concerne l'impact de cette mesure sur l'invasion russe en Ukraine, Sergeï Buntman se montre pessimiste. Le rédacteur en chef adjoint de la radio russe censurée Echo de Moscou estime que ce sont les industriels, "les grands magouilleurs du pétrole" comme il les appelle, pour qui cette mesure posera un problème : "Pas pour monsieur Poutine, qui ne va pas arrêter son invasion malgré toutes les sanctions, je pense. Il est trop décidé, et il est trop, je dirais, idéaliste dans son univers. Il veut gagner cette guerre à tout prix, et au prix du pétrole." affirme-t-il. La Russie pourrait-elle alors compenser ces pertes en vendant son pétrole à la Chine ou à l'Inde ? "Ce sera un désastre pour les pétroliers russes, parce que le prix du pétrole en Inde est beaucoup plus bas que ceux en Europe" explique Sergeï Buntman.

Une autre possibilité pourrait être d'arrêter l'importation de gaz russe. Cette question est débattue au Parlement européen, mais nombreux sont ceux qui s'y opposent, par crainte que cela mette en difficulté les Européens. Pourtant, ne plus importer de gaz russe pourrait mettre Vladimir Poutine dans l'embarras, selon l'ingénieur informaticien de l'ULiège, Damien Ernst. "Il exporte 1500 térawattheures vers l'Europe, à la valeur du marché, c'est 150 milliards d'euros par an. Le gaz ce n'est pas un produit qui se transporte facilement comme le pétrole. Si on interdit les importations de gaz de la Russie, il ne saura pas trouver d'autres acheteurs pour le gaz. Il va certainement perdre 75 ou 80 milliards d'euros en financement de son État" explique Damien Ernst.

Quel impact sur nos portefeuilles ?

29% de notre pétrole vient de Russie, ce qui en fait notre fournisseur le plus important. Il existe d'autres alternatives, mais elles sont plus coûteuses. Ce genre de sanction, ne risque-t-il donc pas de mettre en difficulté nos citoyens ? Selon Damien Ernst, le prix du pétrole augmentera sans aucun doute, "surtout sur le diesel" précise-t-il. Mais difficile encore de dire à combien cette augmentation s'élèvera, mais il n'exclut pas que la barre des 3€ soit dépassée un jour.

Certains politiques s'opposent donc à ces sanctions, c'est le cas du député européen Marc Tarabella (PS), qui n'a pas voté l'arrêt immédiat de la livraison de gaz russe : "Ça n'arrêtera pas la guerre tout de suite, par contre ce qui arrêterait, c'est certaines industries, notamment en Allemagne, mais pas seulement. On risque de mettre l'Europe en récession, avec beaucoup plus de difficultés pour nos citoyens qui en ont déjà beaucoup" justifie-t-il.

L'occasion de changer de modèle ?

Sortir de notre dépendance à l'énergie russe pourrait aussi être l'occasion de se tourner vers certains carburants plus durables. Wim Dewulf, le secrétaire général d’Energia, cite par exemple les biocarburants : "Il est déjà commercialisé aujourd'hui, mais coûte un euro ou un euro et demi en plus vis-à-vis du diesel conventionnel". Il faudrait, selon lui, diminuer les accises sur ce carburant, pour que ce soit une alternative intéressante pour le consommateur.

Le professeur de climatologie de l'UCLouvain et ancien vice-président du GIEC, Jean-Pascal Van Ypersele va plus loin encore : "L'énergie la plus propre, c'est celle qu'on n'utilise pas". Il fait référence au dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie, qui inclut dix mesures concrètes et applicables du jour au lendemain pour diminuer notre consommation de pétrole et de gaz : "Ils disent que si l'ensemble de l'Union européenne appliquait ces mesures, ce seraient 220 millions de barils de pétrole en moins par an et 17 milliards de m3 de gaz" explique Jean-Pascal Van Ypersele.

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