Accueil Actu

Parlement européen: le Brexit des uns fait le chômage des autres

Les députés européens siégeront mardi à Strasbourg pour la session inaugurale du nouveau Parlement. Pas Barry Andrews. Cet élu irlandais restera chez lui, à cause du Brexit.

Barry Andrews (Fianna Fail, centre droit) est en effet l'un des 27 députés européens élus sur les sièges britanniques qui seront redistribués une fois que le Royaume-Uni aura quitté l'Union européenne, en principe le 31 octobre.

"Ma situation actuelle est frustrante, c'est une évidence", confie ce vétéran de la politique irlandaise. "Cela vous met dans une position délicate. Je ne sais pas si c'est vraiment durable à long terme".

De l'autre côté de la mer d'Irlande en revanche, les eurodéputés britanniques du Parti du Brexit prendront bien place au parlement, avec, eux, l'espoir d'y rester le moins longtemps possible.

"J'aimerais perdre mon emploi le 31 octobre, parce que cela voudrait dire que le Brexit a réussi", déclare Lucy Harris, élue de cette formation politique fondée il y a seulement quelques mois par le populiste europhobe Nigel Farage.

- Elus provisoires -

Des eurodéputés en attente de leurs sièges, d'autres en instance de départ: l'imbroglio est la conséquence directe des atermoiements sur le Brexit.

Car à l'origine, le Royaume-Uni aurait dû faire ses valises et quitter le club européen le 29 mars, un peu moins de trois ans après le référendum du 23 juin 2016 qui avait vu les Britanniques voter à 52% en faveur du Brexit.

Mais, paralysé par les divisions sur les conditions de ce divorce, le Parlement britannique a rejeté à trois reprises l'accord négocié avec Bruxelles par la Première ministre Theresa May, contrainte de repousser la date de départ pour éviter un "no deal", soit une sortie sèche aux conséquences économiques potentiellement dévastatrices.

Le Royaume-Uni continuant d'être membre de l'UE, il a été obligé de prendre part aux élections européennes du 23 mai, et ses élus provisoires vont donc devoir siéger - ne serait-ce que pour quelques semaines.

Dans l'idéal, Barry Andrews admet volontiers qu'il préfèrerait ne pas siéger du tout: cela signifierait que le Brexit n'est pas mis en oeuvre.

Et cela permettrait à Dublin, dont Londres est le plus proche partenaire commercial, de s'épargner bien du tracas quant aux conséquences économiques du Brexit, un "no deal" risquant par exemple de coûter 55.000 emplois dans le pays, selon des prévisions économiques.

"Ma situation est un peu bizarre parce que je suis peut-être la seule personne en Irlande qui bénéficierait de Brexit", dit l'élu.

- Situation "ironique" -

Au Royaume-Uni, le Parti du Brexit est arrivé largement en tête du scrutin européen, profitant de la colère des Britanniques face à l'impasse au Parlement.

Lucy Harris se retrouve donc elle aussi dans la situation "ironique" de devoir siéger pour réclamer un Brexit qui la mettra de facto au chômage.

Lors de leurs premières visites au Parlement européen, les élus du Parti du Brexit n'ont pas manqué de se faire remarquer en épinglant sur les réseaux sociaux les excès, supposés, de l'UE: iPads, voitures avec chauffeur et dépenses extravagantes.

Lucy Harris n'en respecte pas moins l'envie de Barry Andrews de rejoindre ce qu'un autre eurodéputé du Parti du Brexit a qualifié de "bonne planque de la corruption".

"De toute évidence, (Barry Andrews ) est très dévoué à l'UE, et il devrait avoir le droit de l'exprimer", dit-elle, ajoutant, sur le ton de la plaisanterie: "A ceux qui pensent qu'ils devraient avoir leur siège: soutenez le Parti du Brexit!".

Reste que pour Barry Andrews, le récent succès du parti de Nigel Farage est l'indice d'un phénomène profond et potentiellement inquiétant: "La croissance des partis populistes et le sentiment anti-UE sont liés à un mécontentement. Nous ne devrions donc pas nous contenter de regarder les pitreries du Parti du Brexit", dit-il.

"Il y a un décalage fondamental entre les électeurs et ce que l'Union européenne réalise."

À lire aussi

Sélectionné pour vous