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Identifier "les meneurs", traquer "les casseurs": à Paris, la délicate mission des gendarmes mobiles

"Allez les gars: casques, masques, boucliers !": soudainement lestés de 20 kilos de matériel, une cinquantaine de gendarmes mobiles déboulent vers 15H00 place de la République, à Paris, où "gilets jaunes" et forces de l'ordre commencent à s'affronter à l'arrivée du cortège.

Jusqu'alors, cet escadron parisien avait vécu une journée plutôt calme, débutée à midi en marge du cortège parti de la place Félix-Eboué (XIIe).

"Pour l'instant, nous sommes en réserve. Tant qu'il n'y a pas d'exaction, on n'entre pas dans le cortège", explique le capitaine Robin. "C'est le terrain qui commande. Dès qu'il y a de la casse et qu'on est l'unité la plus proche, on intervient très vite pour aller chercher les casseurs".

"Un groupe de black block se forme au croisement Daumesnil-Diderot", "une banque HSBC est attaquée sur le cortège": écouteurs vissés aux oreilles, il transmet à ses hommes les ordres donnés par la salle de commandement, au siège de la préfecture de police.

Puis, après de longues minutes d'attente, la colonne de six fourgons remonte le Marais, gyrophares et sirène deux-tons allumés, sous l’œil des piétons qui fourmillent sur les trottoirs de ce quartier touristique.

Direction place de la République pour venir épauler d'autres unités qui essuient des jets de pierre et de bouteilles, au niveau du boulevard Saint-Martin.

"Capuche rouge, casquette noire, il ramène des projectiles !", avertit le capitaine Robin. A son côté, un gendarme filme la scène. "On identifie les meneurs, on prend des images pour avoir des éléments et les traiter judiciairement", explique le maréchal des logis-chef Quentin.

Quelques minutes plus tard, des policiers du détachement d'action rapide (DAR), une unité spécialisée dans les interpellations, empoignent l'assaillant, le plaquent contre le trottoir et entravent ses poignets avec des bracelets serflex.

Des badauds s'attroupent, un jeune homme dégaine son smartphone, tout en protestant contre l'intervention.

- "Dégage d'ici", lui hurle un policier.

- "Qu'est-ce qu'il y a ? Je filme, c'est quoi le problème ! Ça te dérange ?"

- "Tout ce que tu veux, c'est faire du buzz. Pars, va faire ton malin ailleurs !"

- "Ils ont visé la tête" -

De l'autre côté de l'épais cordon de gendarmes mobiles, les heurts se poursuivent, mais rapidement les plus virulents sont repoussés par les puissants jets d'un canon à eau et les fumées irritantes des grenades lacrymogènes.

"En général, ça suffit", explique le capitaine Robin dont l'escadron n'a, selon lui, usé qu'à quatre reprises du controversé lanceur de balles de défense (LBD) depuis le début du mouvement. "Toutes le 8 décembre", l'un des samedis les plus violents dans la capitale, et "aucun n'a fait l'objet d'une enquête", se félicite-t-il.

Mais d'autres unités ont fait usage de cette arme accusée d'avoir gravement blessé à l’œil 20 personnes - la plupart éborgnées.

"Blessé ! Laissez passez !": deux "gilets jaunes" portent à bout de bras un homme, l'air hagard, dont la bouche a été arrachée côté gauche. "C'est un tir de LBD de la BAC (brigade anticriminalité) ! Ils ont visé la tête !", accuse son ami Stéphane, en colère. Rapidement, des sapeurs-pompiers évacuent le blessé.

A partir de 17H00, la manifestation se disperse lentement, la tension commence à retomber de ce côté de la place de la République. Des "gilets jaunes" s'agacent d'être bloqués: "On nous envoie de rues en rues, j'ai l'impression d'être au Monopoly", s'énerve l'un d'eux.

"Ca s'est bien passé, il n'y a pas eu de heurts importants", se réjouit le capitaine Robin. Il sait déjà que son escadron, qui n'a manqué que deux week-ends de mobilisation, participera "très certainement" samedi prochain à l'acte 13.

Un enchaînement qui épuise les organismes et sape le moral des troupes qui sortent d'une année 2018 déjà chargée, marquée notamment par l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ou la sécurisation du référendum pour l'indépendance en Nouvelle-Calédonie.

"Ma femme en a ras-le-bol, confie le maréchal des logis-chef Quentin. C'est dur. J'ai quatre enfants, quand je pars, il y a beaucoup de pleurs". Son collègue, le gendarme Kévin, abonde: "Les sommeils complets et réparateurs se font rares, on commence à accuser le coup".

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