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Roland-Garros: pour Henri Leconte, "il n'y a pas un Français vraiment préparé et déterminé"

Henri Leconte, dernier finaliste français du tournoi messieurs de Roland-Garros, il y a trente ans, estime que ses compatriotes ne sont pas "vraiment préparés et déterminés" à regagner le trophée qui échappe au tennis tricolore depuis 1983, dans un entretien accordé à l'AFP.

Q: Est-ce une satisfaction d'être encore aujourd'hui le dernier joueur français finaliste de Roland-Garros?

R: "Ce n'est pas une satisfaction parce que cela veut dire que depuis 30 ans on a perdu. Disons plutôt que cela fait plaisir."

Q: Comment expliquez vous l'absence de Français en finale depuis 1988?

R: "On n'a pas quelqu'un de vraiment préparé et déterminé à faire quelque chose à Roland-Garros. Le dire c'est une chose, mais l'organiser c'en est une autre. C'est une chance d'avoir ce tournoi à la maison. Certains s'en servent pour se surpasser. Pour d'autres la pression est trop importante. Il y a toujours des aléas, des blessures mais chaque année, la même chose se répète. Il faut écouter son corps, avoir une vision sur du long terme et avoir une faim vorace pour dévorer la balle. Je dis dévorer parce qu'à la fin Rafa (Nadal) croque toujours la Coupe! Ils (les Français) n'arrivent pas à analyser. Ils lâchent plus mentalement que physiquement."

Q: Les Français ne sont donc pas assez bien préparés?

R: "Ce que je vois, ce sont les blessures, la préparation... Il faut être déterminant et déterminé dans son programme. On peut tous le dire qu'ils sont mal préparés. On peut voir quelqu'un qui manque complètement de confiance comme Lucas (Pouille). Il faut qu'il arrive à se remettre en question. Je ne pense pas qu'il soit vraiment honnête avec lui-même, suffisamment à l'écoute. C'est normal d'avoir une période difficile. Cela arrive même aux meilleurs. Mais il faut réussir à faire une analyse positive de tout cela."

Q: Quels sont les enjeux pour réussir sur terre battue?

R: "C'est comme un jeu d'échecs. On construit son point encore plus que sur les autres surfaces. Il faut donc jouer beaucoup, beaucoup de matches pour s'adapter. Cela demande une concentration extrême, une puissance beaucoup plus importante que sur d'autres surfaces. Roger Federer (NDLR: qui a fait l'impasse sur toute la saison sur terre battue, Roland-Garros inclus) sait très bien ce que cela coûte de se surpasser sur terre battue. C'est difficile de s'illustrer à Roland-Garros sans avoir fourni beaucoup, beaucoup de travail, à moins d'être un mutant comme Gaël Monfils. Mais Gaël vieillit, il n'a plus du tout de base solide pour visualiser, dévorer les adversaires et la terre battue."

Q: Quelle année vous êtes-vous dit "Cette fois, c'est fini, je ne serai plus le dernier"?

R: "Quand Jo (Tsonga) était face à (David) Ferrer (en demi-finale en 2013). Je pensais vraiment qu'il pouvait passer. Quand on voit un joueur comme Ferrer, qui n'a pas un gros avantage, pas un coup très percutant, réussir à faire aussi bien sur terre, on se dit que le travail, il n'y a que ça de vrai. Tant que les joueurs français ne l'auront pas compris, on ne gagnera plus Roland-Garros. A chaque fois, on me dit Henri tu exagères... Mais il n'ont toujours pas trouvé la solution. Quand Yannick (Noah) a gagné en 1983, vous ne pouvez pas imaginer la masse de travail fournie. Demandez à Stan Wawrinka, comment il a fait pour gagner ce trophée (2015)!"

Q: Le peu de relève derrière la génération des Tsonga et Monfils, vous fait-il peur?

R: "Non pas peur. C'est juste la réalité. Quelque part, c'est tant mieux... On va devoir se remettre en question. Que l'on arrête de dire que quand un junior gagne l'Orange Bowl, il va gagner un titre majeur. Il n'a encore rien fait! On a laissé tomber le haut niveau pour faire du tennis de masse. Les Français n'ont plus de leader. D'autres sports prennent de l'importance. Aujourd'hui, le tennis ne va pas aussi bien qu'on le dit... Ils faut s'inspirer de ce qui se fait à l'étranger et ne pas rester en France pour garder son petit confort. Il faut allez voir comment on travaille dans l'Académie de Nadal, aux Etats-Unis, en Russie, au Canada où nos entraîneurs, des Français, y font du très bon travail."

Propos recueillis par Ludovic LUPPINO

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