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6 juin 1944: au large d'Utah beach, tout s'est "très bien passé", disait Georges Ménage, décédé samedi

Il n'y avait plus d'horizon, la mer était couverte de bateaux!": Georges Ménage, décédé samedi à 97 ans, gardait des souvenirs précis du débarquement du 6 juin 1944 à bord de l'escorteur "La Renoncule", qui faisait route pour "Utah beach".

Rencontré fin mai par une équipe de l'AFP, dans son appartement d'une maison de retraite de Saint-Brieuc, Georges Ménage reconnaissait le plus simplement du monde que pour lui "le 6 juin s'était très bien passé". "On n'a pas tiré un seul coup de canon" à la différence du 7 juin, où il avait fallu ferrailler avec l'aviation nazie.

"On était chargés de maintenir une certaine discipline: si les chalands (bateau à fond plat, ndlr) sont arrivés à terre au bon moment, c'est parce que les escorteurs comme nous avons fait la police sur mer pour retenir ceux qui allaient trop vite ou remorquer ceux en panne", expliquait-il d'une voix claire malgré son grand âge. "On était content de voir qu'on s'en sortait" alors qu'à Omaha beach, à une dizaine de kilomètres de là, les pertes sont terribles.

Mais quand on demandait à ce marin s'il était fier d'avoir participé au D-Day qui a permis à 23.000 soldats américains de débarquer à Utah beach avec comme objectif de s'emparer du port de Cherbourg, il rétorquait: "Je ne suis pas fier d'avoir fait ce que je devais faire mais je suis heureux d'avoir eu la chance de pouvoir le faire, c'est différent !".

Car cet homme, né en 1921 d'une mère institutrice et d'un père haut-gradé dans la marine, conservait toujours dans sa chair le discours du 17 juin 1940 de Pétain. "Nous étions trahis ! On entend un maréchal de France, qui, paraît-il, était un héros, nous raconter qu'on allait faire la paix avec les Allemands...", disait-il, refusant de prononcer le nom du chantre de la "Révolution nationale" et du signataire de l'armistice avec le IIIe Reich.

Durant sa jeunesse bretonne, Georges Ménage fut "bercé" par les terribles récits de la Grande guerre narrés par ses instituteurs. "On était foncièrement anti-allemands", résumait-il, alors qu'il rêvait de suivre les pas de son père, découvrant la vie de marin lors d'un trajet Anvers-Buenos Aires. Aussi, avant même l'appel du général De Gaulle, il décidait de quitter l'école d'hydrographie de Paimpol (Côtes-d'Armor) avec des camarades et rejoignait l'Angleterre.

- "Procession" -

De 1940 à l'entraînement au débarquement, il enchaîna les missions à bord de la marine marchande ou de la marine de guerre des Forces navales de la France libre (FNFL), escortant des chalutiers partis à la pêche en Islande pour ravitailler l'Angleterre ou ramenant du minerai de fer de Terre-neuve.

Puis, sans savoir ce qui se tramait, il participa à un entraînement au tir particulièrement intensif en Écosse en mai 1944. Transféré dans le sud, il se retrouva sur les passerelles de "La Renoncule" et ouvrit le 5 juin les enveloppes secrètes, découvrant que le débarquement aurait finalement lieu en Normandie...

En servant un whisky, il évoquait "cette procession" de navires, le "bonheur" de revoir les côtes françaises et le "formidable succès" que fut "son" 6 juin lorsque la corvette et ses 80 marins français mouillèrent le soir à Saint-Marcouf. Selon l'historien Benjamin Massieu ("Les Français du Jour J"), il y eut "plus de 3.000 militaires français à prendre part aux opérations du 6 juin", dont "plus de 2.600 marins armant une douzaine de navires", un chiffre longtemps sous-évalué.

En mai, Georges Ménage jetait un regard amer sur la situation de l'Europe en 2019 et la montée des populismes. "Je suis effaré", glissait le marin qui fit partie de commandos lors des guerres d'Indochine et d'Algérie. "On n'a peut-être pas assez parlé de ces années-là", regrettait-il au sujet des années 1930. "Je suis foncièrement européen et je crois en l'avenir de l'Europe. Et si on recommence comme avant, comme du temps d'Hitler, c'est foutu", disait-il.

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