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A Marseille, le travail en intérim, une porte pour sortir de la prostitution

Dans un français balbutiant, une jeune Nigériane tente de se présenter à des recruteurs. L'enjeu? Sortir de la prostitution grâce à l'intérim, à la faveur d'une opération de "job dating" organisée à Marseille pour des travailleurs du sexe accrochés à l'espoir d'un nouveau départ.

Au dernier étage d'un immeuble de bureaux aseptisé du 8e arrondissement de Marseille, à quelques centaines de mètres du stade Vélodrome, trois hommes et quatre femmes attendent fébrilement leur entretien d'embauche, CV en main. Tous veulent arrêter la prostitution ou lui ont déjà tourné le dos.

Pilotée par le Fonds d'assurance formation du travail temporaire avec l'Amicale du Nid des Bouches-du-Rhône (AdN13), une association d'aide aux prostitués, l’initiative avait permis en 2017 à neuf personnes de bénéficier d'une formation ou d'un emploi en intérim --dont l'un s'est transformé depuis en CDI.

Les recruteurs, venus de six agences d'intérim ayant pignon sur rue, connaissent la situation des postulants, mais pas question de faire de différence.

"On juge des compétences, on fait abstraction du reste", résume Monique Badts, chargée de mission insertion pour Randstad. A l'autre bout de la chaîne, toutefois, leurs clients ne seront pas informés du profil des intérimaires par "crainte des préjugés et de leurs conséquences".

Hôtesse de caisse, agent d'entretien, travail de conditionnement ou de mise en rayon: les entreprises ne manquent pas de propositions pour ces candidats dont ils apprécient avant tout la "grande motivation" et la "faculté d'adaptation". "Il faut beaucoup de courage et une force incroyable pour se présenter à nous", souligne Laurent, un de ces recruteurs qui juge l'intérim comme un "bon moyen pour eux de se réinsérer progressivement et un tremplin vers un CDI".

- "Je me bats" -

Suivis en amont par l'Amicale du Nid qui les a préparés aux entretiens, certains postulants passeront par une formation de quelques mois avant d'occuper leur emploi."Ils ont l'habitude d'être traités comme de la marchandise, de subir et d'effacer leur personnalité, nous les accompagnons pour qu'ils prennent confiance en eux et mettent en avant leurs atouts qu'ils sous-estiment", analyse Véronique Castelain, directrice de l'AdN13.

Fatou (les prénoms ont été modifiés, NDLR), la jeune Nigériane âgée d'une vingtaine d'années, explique timidement avoir déjà été femme de ménage dans des hôtels mais aussi serveuse. Un bon point pour Delphine Robert d'Axxis, une filiale du groupe de nettoyage Onet, qui lui proposera un job d'agent d'entretien au stade Vélodrome.

"Contrairement à ce qu'on peut imaginer, ce sont des personnes stables et très mûres, comparé à d'autres personnes du même âge, en raison de la dureté de la vie qu'elles mènent. Elles savent que rien ne leur est dû", remarque Mme Robert.

A aucun moment le salaire proche du Smic ne sera évoqué pendant les rendez-vous.

"On gagne en un mois ce qu'on pouvait gagner en un jour dans la prostitution, mais jamais je ne reviendrai en arrière", témoigne Marie auprès de l'AFP. "C'est trop de violences", explique la quinquagénaire qui a perdu l'emploi de femme de ménage dans un hôtel trois étoiles qu'elle occupait depuis sa sortie de la prostitution il y a 12 ans après une agression.

Les revenus des prostitués fluctuent énormément d'une situation à l'autre et l'argent est récupéré par les proxénètes, tient à nuancer l'Amicale du Nid, favorable à l'abolition de la prostitution.

A 34 ans, Ali, lui, se prostitue occasionnellement mais rêve de retrouver une vie comme tout le monde sans subir le regard "méprisant" des voisins de sa cité. Quel est votre but? lui demande une recruteuse: "Un CDI, un petit crédit, un petit appartement. Je me bats, je me bats, j'arriverai à avoir un CDI. Je ne peux plus continuer comme ça".

est/mdm/sma

*Les prénoms ont été changés

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