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À Tijuana, derrière le mur de Trump qui plonge dans la mer, les patrons mexicains organisent un salon de l'emploi pour les migrants de la caravane

La caravane partie du Honduras voici plus d'un mois compte désormais quelque 6.200 ou 3.000 individus, selon le décompte respectivement des USA et du Mexique. Ils sont rassemblés dans la ville-frontière mexicaine de Tijuana, en bordure du Pacifique. L'administration du président Donald Trump a déployé près de 6.000 militaires tout le long de sa frontière sud, et déployé des barrières de barbelés sur des kilomètres pour empêcher ces migrants de pénétrer sur le sol américain.

Sur la plage de Tijuana, un mur surmonté de ces barbelés se dresse et termine dans l'océan. Derrière, des militaires à cheval, en quad ou en bateau surveillent, prêts à intercepter toute personne qui tenterait de passer par la mer.

S'ils rêvent tous d'Amérique, le Mexique leur tend pourtant les bras. Certes, des manifestants se sont fait entendre car ils redoutaient que leur présence fasse fermer la frontière, vitale pour de nombreux travailleurs. Mais les patrons mexicains, eux, y voient de la main d'œuvre qualifiée prête à aider.

Sous une tente installée près de leur refuge surpeuplé, dans un quartier défavorisé de Tijuana, des centaines de migrants font la queue pour entrer au "salon de l'emploi" organisé pour eux. "Ce sont des gens très forts, une main-d'oeuvre très précieuse pour notre industrie", indique à l'AFP Nayla Rangel du Service national de l'emploi, chargée de coordonner ce salon qui durera un mois.

Des entreprises y sont réunies pour proposer des postes vacants et faire passer des entretiens d'embauche à ces Centraméricains qui ont démontré leur détermination en passant plus d'un mois sur les routes, à pied ou en auto-stop, pour fuir la violence et la misère au Honduras.

Certains Mexicains craignent qu'ils n'apportent de la violence. Mais la grande majorité des migrants sont des familles qui peuvent même "nous aider à identifier ces personnes (criminelles)" parmi eux, estime Salvador Diaz, président de l'Association locale des industriels.

Au sein du salon, les autorités migratoires mexicaines et la Commission d'assistance aux réfugiés aident les migrants à régulariser leur situation et à bénéficier de la sécurité socialie. "Nous cherchons à leur donner un visa pour des raisons humanitaires le temps que leur statut migratoire soit défini et qu'ils obtiennent un permis de travail", explique Nayla Rangel.

Quelque 3.000 migrants de la caravane se trouvent actuellement à Tijuana, la plupart hébergés dans un centre sportif aménagé par les autorités, équipé de tentes et de matelas. Des milliers d'autres migrants devraient les rejoindre au cours des prochains jours depuis la ville voisine de Mexicali.

"On recherche des ouvriers", peut-on lire sur une annonce que tient à la main Wilmar Correa alors qu'il fait la queue dans ce salon. Ce Hondurien âgé de 27 ans a étudié pour devenir instituteur, mais n'a jamais pu obtenir un poste, et est disposé à accepter "n'importe quel travail".

Comme beaucoup de villes frontalières, le moteur de l'économie à Tijuana est l'industrie manufacturière, notamment les secteurs aéronautiques, de la médecine et de l'électronique. Au sud, le long des magnifiques plages de l'Etat de Basse-Californie s'alignent les restaurants et les hôtels à destination du tourisme international.

Avec un commerce bilatéral de plus de 500 milliards de dollars par an, le Mexique envoie plus de 80% de ses exportations aux États-Unis, son principal partenaire.

Dans ce salon pour migrants, "nous offrons entre 7.000 et 10.000 emplois dans l'industrie et dans la restauration", souligne M. Diaz.

Tout le monde y gagne: les migrants obtiennent un emploi déclaré et les employeurs des emplois aux salaires déductibles d'impôts, explique-t-il, une clause mise en place pour faciliter l'intégration de ces migrants.

Pour 1.800 pesos par semaine (environ 80 euros), Cesar Elvir, un Hondurien de 20 ans, est prêt à travailler comme peintre dans une usine. Arrivé avec sa femme et ses deux enfants, il a déjà passé les premiers entretiens et attend un appel de l'entreprise pour confirmer son embauche. "Mon but en soi n'est pas Tijuana, mais en attendant d'autres opportunités, il faudra rester un moment ici", dit-il.

La caravane centraméricaine ressemble à celle de milliers d'Haïtiens arrivés à Tijuana il y a deux ans. Beaucoup d'entre eux sont entrés aux États-Unis, mais d'autres se sont installés au Mexique. "Le cas des Haïtiens était très positif. Nous en avons recruté environ 2.500", poursuit M. Diaz. "Le plus important, c'est qu'ils se soient bien intégrés à la société. Nous n'avons eu aucun problème avec eux. Nous voulons arriver à la même chose avec les Centraméricains", dit-il.

Au Honduras, "j'ai été nounou, je faisais du ménage" déclare Karla Vallecio, 34 ans, après avoir rempli un formulaire pour postuler à un emploi. "Si je travaille, la première chose que je ferais, c'est chercher un petit logement pour rester ici", prévoit-elle, consciente que le processus pour demander l'asile aux États-Unis sera très lent. Des parents aux États-Unis lui ont dit "d'attendre que la situation se calme", avant ensuite d'essayer d'y entrer légalement, explique-t-elle.

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