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A Washington, l'hommage d'une adolescente aux victimes des armes à feu

Dans ce quartier de Washington, les restaurants branchés ont ouvert les uns après les autres, gentrification oblige. Mais au fond d'une ruelle, une fresque rappelle que la réalité n'est pas la même pour tout le monde.

Du haut d'un mur, les visages de cinq adolescents noirs tués par balle contemplent les passants. Parmi eux figure le petit ami de Lauryn Renford, Zaire Kelly, mort à 16 ans.

"Je crois que ces cinq-là ont quelque chose de spécial", dit Lauryn, 17 ans.

La jeune fille s'est démenée pour faire exister cette peinture murale, récemment inaugurée en hommage à des jeunes tués dans une violence de tous les jours, qui ne fait pas les gros titres comme les fusillades dites "de masse".

Zaire a été attaqué lors de ce qui semble avoir été une tentative de braquage alors qu'il rentrait de cours. Jamahri Sydnor, 17 ans, a elle reçu une balle perdue alors qu'elle était au volant, selon DC Witness, un site qui recense les homicides dans la capitale fédérale américaine.

Sur la fresque sont aussi dépeints Steve Slaughter, 14 ans, Taiyania Thompson, 16 ans, et Paris Brown, 19 ans. Ils ont été tués en 2017 et 2018.

Paris et Zaire, tout comme Lauryn, étudiaient à la Thurgood Marshall Academy, dans le sud-est de la ville.

"Je me suis rendu compte que les familles, et même juste les résidents de Washington, devraient avoir un endroit pour pleurer les personnes que nous avons perdues et honorer leur héritage", explique Lauryn.

Zaire "serait très fier que cette fresque soit là après sa mort et celle d'autres", affirme-t-elle.

Sur le mur, des dizaines de roses rouges symbolisent ceux qui ont perdu la vie à cause des armes mais dont les visages juvéniles n'ont pas été reproduits.

Il pourrait s'agir de Maurice Scott, 15 ans, tué en mai, ou encore de Steffen Brathwaite, 16 ans, abattu la veille de l'interview de Lauryn par l'AFP.

Les deux adolescents font partie des 129 victimes d'homicide - au 27 septembre de cette année - dans cette ville de près de 700.000 habitants, contre 112 l'an dernier à la même période.

- Inégalités -

La majorité des crimes violents par armes à feu à Washington se produisent dans le sud-est de la ville, mais ce n'est pas là que se trouve la fresque.

Elle a été peinte dans un quartier plus calme et plus près du centre, pour faire prendre conscience du problème "dans cette zone où les voisins ne savent pas forcément grand-chose de la violence à laquelle sont confrontés d'autres résidents de la ville", dit Lauryn, désormais étudiante à l'université de Washington.

Karen Lee, une enseignante à Thurgood Marshall vers qui Lauryn s'est tournée pour qu'elle l'aide avec la fresque, se dit "vraiment fière" de la jeune fille.

Mme Lee, qui est blanche, vit près de l'école.

"Les gens doivent faire face à la violence tous les jours avec les tirs", dit-elle. "J'entends des coups de feu et je me demande si je vais me réveiller le matin et apprendre que j'ai perdu un autre étudiant".

Dans une ville qui compte de plus en plus de grands immeubles huppés et de restaurants à la mode mais dont la population noire s'effrite en raison de la hausse des loyers, Lauryn estime que rendre la vie plus sûre "ne devrait pas que concerner les Noirs et autres personnes de couleur" mais tout le monde.

Cette discussion doit aussi inclure les jeunes eux-mêmes, pour Lauryn. Avec deux autres étudiants de Thurgood Marshall, elle a fondé une association pour réclamer "un siège à la table où se prennent les décisions" sur les questions liées à la violence par armes à feu.

Le groupe l'a aidée à lever les quelque 12.000 dollars nécessaires à peindre la fresque, oeuvre de l'artiste local Martin Swift.

Lauryn voit plusieurs causes à la violence, comme la pauvreté, la gentrification, les querelles locales, mais aussi le fait "de ne pas accorder de valeur à la vie des personnes autour de vous (...), pas même la vôtre".

Mme Lee, quant à elle, évoque le besoin de créer des opportunités économiques afin de remédier "à certaines de ces inégalités qui sont assez évidentes dans notre ville, et entre cette partie de la ville et d'autres parties".

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