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Attentat de l'Amia en Argentine: 25 ans après, une soif de justice intacte

Le matin du 18 juillet 1994, une bombe pulvérise l'immeuble abritant les institutions juives d'Argentine et tue 85 personnes: 25 ans après, malgré de nombreux rebondissements, cette affaire délicate où se mêle la géopolitique et manipulations n'a toujours pas été élucidée.

Depuis cet attentat, le pire de l'histoire du pays, qui a aussi fait 300 blessés, une ancienne présidente a été accusée d'avoir fait piétiner les investigations, un juge a été condamné pour entrave à l'enquête et un procureur a été trouvé mort.

Israël et la justice argentine affirment que l'Iran a ordonné cet attentat, exécuté en Argentine par des hommes du groupe armé chiite libanais Hezbollah, ainsi que celui de 1992 contre l'ambassade d'Israël qui avait fait 29 morts et 200 blessés.

"Ce qui me vient à l'esprit quand je repense à ça, c'est un moment d'obscurité, interminable. Un bruit, mais aussi notre silence, celui de tous ceux qui étaient là. Je crois que nous n'arrivions pas à comprendre", raconte à l'AFP Anita Weinstein, une survivante de l'explosion qui travaillait à l'Amia (Association mutuelle israélite argentine).

"Cet attentat, qui avait une forte composante anti-juifs, antisémite, évidemment, était (aussi) un attentat contre l'Argentine et la société argentine", ajoute cette femme qui, des années plus tard, a repris son travail dans le bâtiment reconstruit au même endroit, dans le quartier de Once, au centre de Buenos Aires.

Ce pays sud-américain abrite la deuxième communauté juive d'Amérique, après celle des Etats-Unis.

Outre les commémorations prévues jeudi, décrété jour de deuil national, trois fresques commémoratives ont été inaugurée mercredi à l'hôpital José de San Martin, adjacent à l'Amia, où les blessés avaient été pris en charge à l'époque.

C'est dans ce contexte que le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo sera présent vendredi à Buenos Aires, où il célébrera également cet anniversaire et participera à une réunion ministérielle sur le contreterrorisme.

Ariel Eichbaum, le président de l'Amia, espère que l'Argentine va bientôt placer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes. Le mouvement chiite soutenu par l'Iran est déjà considéré comme tel par les Etats-Unis.

- "Dossier à l'arrêt" -

Pour cela, l'Argentine a officiellement créé mercredi un registre des personnes et organisations terroristes qui, pour l'heure, ne comprend aucun nom. Le décret adopté prévoit également des sanctions telles que le gel d'actifs en Argentine ou l'interdiction d'entrée sur le territoire.

"Les nations ne peuvent en aucune manière tolérer que le terrorisme ait des sources de financement dans leurs pays", estime Ariel Eichbaum à propos de cette affaire qui a connu de nombreux rebondissements judiciaires.

Avant d'être trouvé mort à son domicile en janvier 2015, le procureur Alberto Nisman, qui a travaillé pendant plus de 10 ans sur cette affaire, estimait que l'ex-présidente Cristina Kirchner (2007-2015) avait entravé l'action de la justice en concluant avec l'Iran un mémorandum prévoyant l'audition à Téhéran de dirigeants iraniens suspects, alors qu'il en demandait l'extradition depuis des années. Il souhaitait que des poursuites contre Mme Kirchner soient engagées.

Le gouvernement de l'époque s'était défendu en assurant que l'initiative du mémorandum, très critiqué aussi par la communauté juive, avait été prise faute de pouvoir obtenir l'extradition vers l'Argentine des commanditaires présumés de l'attentat.

Une procédure pour entrave à l'enquête sur l'attentat de l'Amia a finalement été ouverte contre Cristina Kirchner, qui a été mise en examen en 2017.

Sur un autre volet de ce dossier sulfureux, la justice argentine a prononcé en février une peine de 6 ans de prison contre le juge Juan José Galeano, pour entrave à cette enquête qu'il a dirigée pendant près d'une décennie.

Lors de ce même procès, si l'ex-président argentin Carlos Menem a été acquitté, son ancien patron des services secrets Hugo Anzorreguy a été condamné à 4 ans et demi de prison.

"La justice a échoué lamentablement. Cela fait 25 ans que l'attentat a eu lieu et la réalité c'est que nous n'avons rien", déplore Diana Malamud, épouse d'une des victimes et responsable du groupe de proches appelé "Mémoire active".

Pour Mario Cimadevilla, qui a été à la tête du secrétariat spécialement créé pour superviser l'enquête avant de démissionner, "le pouvoir politique n'a aucun intérêt à voir avancer le dossier de l'Amia, qui est à l'arrêt depuis des années".

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