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Délicats pourparlers pour une reconnaissance des évêques clandestins par Pékin

Après la signature samedi d'un accord historique encore incomplet avec la Chine, le Vatican négocie discrètement une reconnaissance par Pékin des évêques "clandestins" restés fidèles au pape pendant des décennies malgré les brimades, selon des sources proches du dossier.

Le pacte "provisoire" signé samedi à Pékin entre le Vatican et la Chine communiste a permis une reconnaissance du droit de véto du pape sur la nomination des futurs évêques chinois, prérogative bafouée depuis la prise de pouvoir des communistes.

Le pape François a de son côté reconnu sept évêques chinois nommés unilatéralement par l'Etat chinois sans son aval, prenant ainsi sous son aile l'ensemble de l'épiscopat du pays.

Car environ 70 autres évêques membres de "l'Association catholique patriotique de Chine", contrôlée par l'Etat chinois, avaient déjà été graduellement reconnus par les trois derniers papes.

Les quelque 12 millions de catholiques chinois -très minoritaires dans ce pays de près de 1,4 milliard d'habitants- étaient déchirés entre les évêques qui devenaient membres de cette association "patriotique" et une Eglise non officielle "clandestine" qui reconnaissait seulement l'autorité du pape.

Reste que le sort de cette quarantaine d'évêques clandestins rebelles et harcelés par le pouvoir (dont 20% ont plus de 90 ans) n'est aucunement mentionnée dans l'accord de samedi et fait l'objet d'une négociation en cours.

"Il y a tout à négocier", résume une source vaticane, car "la Chine n'a pas changé sa position sur la liberté de religion". L'enjeu est de donner un peu plus de liberté au clergé catholique dans un contexte qui restera très restrictif.

- 'Accord pas satisfaisant' -

"L'accord n'est pas satisfaisant, mais c'était l'unique accord qu'on pouvait obtenir maintenant", ajoute cette source proche du dossier, qui juge que le texte sera "révisé dans quelques années".

Le Saint-Siège, qui essaie de négocier une forme d'officialisation des évêques clandestins, a obtenu la garantie qu'ils ne seront pas forcés à devenir membres de l'association patriotique, embrigadement qu'ils ont toujours refusé avec abnégation, stipule cet expert.

"Deux ou trois" évêques clandestins ont déjà obtenu une reconnaissance de Pékin. Les négociateurs du Saint-Siège espèrent encore décrocher une légitimisation gouvernementale d'au moins une dizaine d'autres évêques "avant décembre", un accord qui ne fera jamais l'objet d'une annonce officielle.

L'Association catholique patriotique de Chine, créée en 1957, précise dans ses statuts que l'objectif est de créer une "église indépendante", une définition incompatible avec la tutelle de Rome. Le Saint-Siège pourrait néanmoins accepter cette terminologie si elle évoque en définitive une indépendance de la politique.

L'Eglise catholique, qui a réalisé son souhait d'unifier les deux communautés catholiques après une décennie de patientes négociations, estime que la Chine a besoin d'une quarantaine de nouveaux évêques à en juger par les messes de Noël qui attirent des foules.

L'accord signé samedi, mais dont le texte ne sera pas publié, décrit aussi le processus de nomination des futurs évêques, pour lesquelles le pape aura désormais le dernier mot. "Chaque nomination devra être discutée. Le consentement final sera compliqué. Il sera important d'avoir des conseillers de confiance sur le continent chinois", reconnaît la source vaticane.

Un prêtre chinois, ex-clandestin vivant à Rome, a confirmé à l'AFP que des négociations étaient en cours pour statuer d'ici la fin de l'année sur le sort des évêques non officiels.

Mais si au final Pékin ne fait pas de concessions sur ce point, l'accord signé par le Saint-Siège pourrait avoir un goût amer. Alors "nous les prêtres accepteront de manière inconditionnelle l'accord, même si on aura très mal dans nos coeurs", a-t-il commenté sous couvert d'anonymat.

Dans le nord-est de la Chine, l'évêque clandestin Joseph Wei Jingyi, s'est confié ouvertement cette semaine au site Vatican Insider, en expliquant qu'il n'avait pas besoin à titre personnel d'une reconnaissance, mais que cela n'aidait pas à "l'harmonie et la tranquillité" sociales.

"Si le gouvernement chinois décidait de remettre à plus tard cette reconnaissance, cela pourrait provoquer une réaction négative chez certains membres de la communauté clandestine. Et cela pourrait être utilisé contre le pape", a-t-il jugé.

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