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Du Loiret en Syrie, le "naufrage éducatif et familial" de Farid, chef de famille radicalisée

Après avoir battu ses fils, ils les a glorifiés une fois devenus jihadistes, aidant même à leur envoyer des épouses en Syrie: chef d'une famille du Loiret radicalisée jugée lundi à Paris, Farid a eu bien du mal à s'expliquer face à la cour.

Sa silhouette massive écarte une fois encore les bras en signe d'impuissance. "Je suis désolé. Je pensais pas qu'on se mettrait dans cette situation". En cette fin de première journée de procès, Farid, solide Franco-Marocain de 58 ans, barbu aux cheveux noirs bouclés longs qui lui retombent sur les épaules, passe un moment délicat.

Electricien intérimaire installé de longue date dans le Loiret, il comparaît libre, à la différence de son fils Samy, 22 ans, qui lui ressemble - même barbe courte, coupe de cheveux un peu plus courte. Lui est en détention depuis qu'il a été interpellé avec sa femme Sana à Roissy en avril 2015 lorsqu'ils revenaient de Syrie.

Sana C., 26 ans, a été laissée en liberté. Tous trois sont jugés devant le tribunal correctionnel pour association de malfaiteurs à visée terroriste. Samy est celui qui risque le plus lourd pour avoir posé en armes et tenue de jihadiste sous des drapeaux de l'organisation Etat islamique (EI), et appelé à tuer d'autres "mécréants" dans une vidéo publiée juste après les attentats de janvier 2015 à Paris.

Au début de l'audience, Samy a expliqué être parti en Syrie avant tout pour rejoindre son grand frère Yacine. On ne sait ce qu'il est advenu de ce dernier, qui avait rejoint quelques mois plus tôt le futur EI dont il deviendra l'un des bourreaux.

Les autorités ont découvert les départs des deux frères alors qu'ils s'inquiétaient de la radicalisation de leur petite sœur, Chaïma, dernier enfant de Farid.

C'est là que les ennuis ont commencé pour Farid: aux enquêteurs, il a d'abord dressé "le portrait d'une famille sans histoire, occultant sciemment le départ de ses fils".

Le début, selon la justice, d'une longue série de "mensonges" et "omissions" du père pour cacher la radicalisation dans laquelle la famille semble avoir basculé.

- "Aux mains d'un méchant" -

Longuement questionné par le président du tribunal, Farid finit par convenir qu'il n'a pas fait grand-chose pour empêcher ses fils de partir, disant avoir voulu avant tout éviter l'éclatement de la famille. "Si j'arrête tout, ils vont couper tous les liens avec moi", a-t-il plaidé.

Par la suite, et alors qu'il nie toute radicalisation, il envoie à ses fils des messages dans lesquels il ne cache pas sa fierté, par exemple quand Yacine lui annonce leurs prochaines opérations de "combat" sur le terrain.

"Soyez prudents, et qu'Allah aveugle l'ennemi!", lance-t-il. "Vous êtes mon oxygène, c'est Allah qui vous a créés", les loue-t-il dans un autre.

Il n'a pas toujours eu cette sollicitude: il y a quelques années, selon plusieurs proches, Farid battait sa femme, mais aussi ses fils, en particulier Yacine, décrit comme "dur" et "violent" et avec lequel il entretenait des rapports conflictuels.

Battre ses fils alors scolarisés et sans histoires, avant de les vénérer une fois membres d'une organisation aux exactions bien connues... L'avocat du père de famille, Me Thomas Klotz, décrit quelqu'un qui a perdu "toute conscience et tout recul", pour aboutir à "un naufrage éducatif et familial total".

"Que vous aimiez vos enfants peut se comprendre, mais dire que vous êtes fiers d'eux quand ils combattent, c'est autre chose. Vous les encouragez! Vous pouvez aussi leur dire: +Je vous aime, revenez+", souligne le président, agacé par les molles dénégations du chef de famille.

Selon les enquêteurs, Farid a enfin "personnellement veillé à l'acheminement jusqu'en Syrie" de plusieurs jeunes Françaises désireuses de s'y marier avec ses fils. Sana épousera Samy et Amandine C. s'unira à Yacine.

Au tribunal, Farid dit avoir aidé Sana car "elle était toute seule". "J'avais peur qu'elle tombe aux mains d'un méchant qui lui ferait du mal". Soupir du président.

Le jugement est attendu mardi soir.

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