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En Syrie, les commerçants frappés de plein fouet par la dégringolade de la livre

Dans son échoppe du vieux Damas, Mohammad Zarqawi remplit des sachets d'épices colorées et d'herbes odorantes. Mais les clients se font rares sur ce marché autrefois très fréquenté, aujourd'hui frappé de plein fouet par la dégringolade de la livre syrienne.

La monnaie locale a atteint en septembre son plus bas historique par rapport au dollar sur le marché noir, dans un pays ravagé depuis 2011 par une guerre meurtrière qui a mis l'économie à plat.

Aussi bien dans les territoires sous contrôle du gouvernement que dans les régions qui échappent à Damas --les secteurs tenus par les forces kurdes par exemple-- les commerces souffrent des fluctuations du taux de change.

M. Zarqawi, 39 ans, déplore des fluctuations "folles" avec des prix qui changent du jour au lendemain: "Nous dormons avec un prix et nous nous réveillons avec un autre".

"Chaque fois que vous voulez acheter quelque chose, vous constatez une grande différence de prix", ajoute le commerçant. "Les gens hésitent avant d'acheter quoi que ce soit".

Dans son échoppe, les étagères en bois croulent sous les bocaux et les sacs de thym, d'anis, de sauge et autres fleurs médicinales et tisanes.

Il y a environ dix jours, le taux sur le marché noir était de 691 livres contre un dollar - un plus bas historique - avant de remonter à 610 livres lundi.

La livre a déjà connu plusieurs dévaluations depuis le début de la guerre en Syrie. Fin 2018, un dollar valait 500 livres, contre seulement 48 livres au cours officiel avant le conflit.

- Spéculation -

La guerre a porté un coup dur aux finances de l'Etat qui a vu s'épuiser ses réserves en devises étrangères et chuter ses revenus.

La situation a été aggravée par les sanctions des Etats-Unis et de l'Union européenne contre les autorités, mais aussi des hommes d'affaires proches du pouvoir.

Pour enrayer la dégringolade, le gouvernement a approuvé la semaine dernière des mesures pour lutter contre la spéculation et le commerce illégal de devises étrangères, a rapporté le quotidien pro-étatique al-Watan.

Assis sur un tabouret près de son échoppe de produits cosmétiques, Haytham Ghanmeh est à l'affût des clients.

La dévaluation a notamment pénalisé les commerçants de produits importés, achetés en dollars, dit-il.

"L'appréciation du dollar pousse les prix à la hausse et la plupart de nos produits sont importés", déplore ce damascène âgé de 58 ans.

"Beaucoup de produits sont désormais introuvables sur le marché, car nous hésitons à les acheter à cause des nouveaux prix", dit-il devant un étal où s'alignent des flacons de vernis à ongles brillants.

The Syria Report a récemment souligné que la balance commerciale était "dans le rouge".

"Les capacités de production locale ayant été largement détruites, les importations sont désormais nécessaires pour répondre à la demande locale", explique ce site d'information économique.

Avant la guerre, les hydrocarbures représentaient l'une des principales sources de revenus des autorités.

Mais le pouvoir central a aujourd'hui perdu le contrôle des principaux champs pétroliers, et avec les combats, les infrastructures ont été lourdement endommagées.

- "Comment vivre?" -

A 600 kilomètres de là, dans la ville à majorité kurde de Qamichli (le nord-est), la situation est tout aussi accablante.

"Nous achetons nos marchandises en dollar (...) et le client est surpris de voir les prix varier d'une heure à l'autre", déplore dans son épicerie Hussein Hammou.

"L'activité sur les marchés est très faible", ajoute le jeune commerçant de 24 ans, entouré de boîtes de conserves et de sacs de riz.

Pour compenser la hausse des prix, dit-il, les consommateurs se contentent de courses limitées et les invendus s'accumulent.

Dans cette ville tenue par l'administration semi-autonome kurde, il achète sa marchandise en dollar mais la revend en livres syriennes.

"Tous les soirs ont va convertir nos livres syriennes en dollars, on perd énormément en raison de la différence de change", déplore-t-il.

Sur le marché de Qamichli, Ronahi Hassan (33 ans) achète des fournitures scolaires pour ses enfants.

"Nous ne pouvons plus vivre avec cette hausse vertigineuse des prix", affirme cette employée de l'administration locale. "Avec chaque hausse du dollar, le fardeau s'alourdit un peu plus".

"Comment vivre (...) alors que nos salaires ne nous suffisent plus que pour quelques jours?"

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