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En Thaïlande, exécution capitale avant une visite du chef de la junte en Europe

La Thaïlande a exécuté un condamné à mort pour la première fois depuis 2009, suscitant mardi une volée de critiques tombant au plus mal pour le chef de la junte, à la veille d'une visite inédite à Londres et Paris.

"Les exécutions restent nécessaires et c'est ce que veut le peuple", a réagi devant la presse à Bangkok le général Prayut Chan-O-Cha, qui doit rencontrer Theresa May à Londres mercredi, puis Emmanuel Macron à Paris lundi prochain.

Reconnu coupable de meurtre, "le condamné Theerasak Longji, 26 ans, a été exécuté" par injection létale lundi. En 2012, il avait poignardé sa victime de "24 coups de couteau afin de lui voler son téléphone portable et son argent", a précisé l'administration pénitentiaire.

Depuis 1935, 325 condamnés ont été exécutés en Thaïlande, dont 319 au peloton d'exécution. En 2003, la Thaïlande a opté pour les injections létales et ralenti fortement le rythme: seuls six condamnés ont été exécutés entre 2003 et 2009 dans le royaume.

Celui-ci est dirigé par une junte militaire, arrivée au pouvoir par un coup d'Etat en 2014. Elle est très critiquée pour son bilan des droits de l'homme: procès pour lèse-majesté, opposants poussés à l'exil pour échapper à des poursuites jugées politiques...

Après avoir été invité à la Maison-Blanche par Donald Trump dès 2017 tandis que les Européens continuaient de bouder celui qui a été en première ligne du coup d'Etat, le général Prayut compte sur ces visites en Europe pour soigner son image de politicien respectable, à l'approche d'élections, sans cesse repoussées, et désormais promises pour février 2019.

Amnesty international a appelé mardi "la communauté internationale, notamment les gouvernements français et britannique, à utiliser tous les moyens diplomatiques pour faire cesser les exécutions".

-manifestation devant la prison-

L'ONG internationale a organisé une manifestation devant la prison de Bangkok où l'exécution a eu lieu. "La peine de mort ne résout pas le problème de la criminalité", a déclaré Piyanut Kotsan, responsable d'Amnesty International Thaïlande, accompagné d'une dizaine de manifestants ayant bravé l'interdiction de manifester en vigueur depuis le coup d'Etat de 2014.

Une manifestation de trois opposants, filmée non-stop par des officiers en civil selon des journalistes de l'AFP, a également été organisée devant l'ambassade de Grande-Bretagne, pour dénoncer la visite accordée au "dictateur" Prayut.

"Nous condamnons avec force la reprise de la peine de mort par la Thaïlande. L'exécution d'aujourd'hui est inexplicable, injustifiée, et contredit les nombreux engagements de la Thaïlande au niveau international", critique elle aussi la Fédération internationale des droits de l'homme (Fidh).

"La Thaïlande était sur le point de passer le cap des dix ans sans exécutions, en 2019, et Amnesty International s'apprêtait à reclassifier le pays comme +de facto abolitionniste+ de la peine de mort", précise Amnesty international, déplorant "un sérieux retour en arrière" avec cette exécution.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a critiqué une rupture avec "l'approche libérale" de la Thaïlande ces dernières années, s'inquiétant notamment du fait que l'exécution se soit déroulée en catimini, "sans information préalable".

Un total de 106 pays ont aboli la peine de mort à travers le monde et 142 autres sont "de facto abolitionnistes", conservant la peine de mort dans leur législation mais sans l'appliquer, les peines étant de facto commues en prison à vie, selon Amnesty.

En Thaïlande, la surpopulation carcérale est importante, notamment en raison d'une législation anti-drogue très dure, plongeant pour de longues années de prison les petits trafiquants, parmi lesquels de nombreuses femmes.

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