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Hong Kong: les vétérans de la démocratie se préparent à leur procès

Trois vétérans du mouvement prodémocratie de Hong Kong seront jugés bientôt pour leur rôle dans des manifestations monstre en faveur de réformes politiques au moment où Pékin serre la vis sur l'ex-colonie britannique dont l'espace de liberté se réduit.

Le ministère de la Justice a poursuivi les militants les plus en vue de l'immense mouvement pour la démocratie de 2014. Certains ont également été interdits de se présenter à une élection, d'autres disqualifiés au Parlement.

Beaucoup d'entre eux étaient jeunes mais c'est l'ancienne génération qui est aujourd'hui dans le viseur. Ces vétérans avaient agité l'idée d'occuper la rue pour demander un système politique plus juste, ce qui avait été le précurseur au mouvement.

Chan Kin-man, 59 ans, professeur de sociologie, Benny Tai, 54 ans, professeur de droit et Chu Yiu-ming, 74 ans, révérend baptiste, fondèrent le mouvement "Occupy Central" en 2013. Il s'agissait d'occuper le quartier d'affaires de Hong Kong si un suffrage universel libre n'était pas instauré pour élire le président du gouvernement local, lequel est désigné par un comité pro-Pékin.

Mais les anciens furent débordés par la jeunesse, la situation explosant à l'automne 2014 quand les policiers tirèrent du gaz lacrymogène sur les protestataires.

Le trio d'Occupy avait appelé les gens à rejoindre cette révolte des "parapluies" comme elle fut baptisée en référence aux ustensiles dont se servaient les manifestants pour se protéger du gaz.

A compter du 19 novembre et pendant trois semaines, les trois hommes seront jugés avec six autres prévenus pour "troubles à l'ordre public" pendant cette révolte qui avait paralysé des quartiers entiers pendant plus de deux mois, sans faire reculer Pékin d'un pouce.

M. Chan explique s'être mis au marathon pour se préparer aux défis mentaux et physiques découlant d'une éventuelle peine de prison. Les prévenus encourent jusqu'à sept années derrière les barreaux.

Il a même cessé de se servir de la climatisation, même durant les mois étouffants de l'été hongkongais, pour tenter de s'aguerrir.

- "Rétablir l'Histoire" -

"J'espère que tout ira pour le mieux mais je me prépare au pire", dit à l'AFP le professeur de sociologie.

"J'ai vu beaucoup de mes amis réprimés par le gouvernement chinois. Je me sens déjà privilégié d'avoir pu combattre cela à Hong Kong".

Il a choisi de témoigner pour mettre les choses au clair, poursuit-il.

"Nous voulons raconter notre histoire, raconter aux gens pourquoi cela s'est produit et les idées qu'il y avait derrière. Nous devons rétablir l'Histoire".

M. Chan comme M. Tai arguent que les charges qui pèsent sur eux n'ont aucun sens et relèvent de la persécution.

Les trois vétérans sont poursuivis chacun pour trois chefs hérités de l'ère coloniale: conspiration en vue de provoquer un trouble à l'ordre public, incitation d'autrui aux troubles à l'ordre public, incitation d'autrui à inciter autrui aux troubles à l'ordre public.

Pour M. Tai, le dernier chef "est tiré par les cheveux". Il accuse les autorités de vouloir donner une nouvelle définition de l'Etat de droit.

"L'ordre c'est le plus important, la sécurité nationale est importante, les autres droits élémentaires ne comptent pas. C'est leur idée maintenant."

En vertu du principe "Un pays, deux systèmes" qui a présidé à sa rétrocession par la Grande-Bretagne en 1997, Hong Kong jouit sur le papier de droits inconnus dans le reste de la Chine.

- Un gouvernement aux ordres -

Mais nombreux sont ceux qui perçoivent une emprise de plus en plus marquée de Pékin sur les affaires hongkongaises, et un recul des libertés.

Malgré tout, M. Tai a confiance dans l'indépendance de la justice.

Suzanne Pepper, professeure à l'Université chinoise de Hong Kong, accuse les autorités de vouloir discréditer le mouvement prodémocratie.

Le gouvernement "se sert de prétextes juridiques désuets pour parvenir aux objectifs politiques de Pékin" et obtenir un jugement de culpabilité, estime-t-elle.

Mais la non violence affichée par les militants pourrait poser un problème à l'accusation, tempère Mme Pepper.

MM. Tai et Chan ne regrettent rien. M. Chan estime que les Hongkongais veulent toujours se battre pour la démocratie même si c'est de plus en plus difficile. Il en veut au gouvernement local, accusé d'être aux ordres de la Chine.

"Je ne m'attendais pas à la vitesse à laquelle le gouvernement tente de tirer Hong Kong vers le bas et la transformer en ville du continent. Je n'avais pas prévu que le gouvernement local n'ait aucune vergogne."

M. Tai se dit inspiré par d'autres militants emprisonnés pour leurs idées, comme Nelson Mandela.

"La prison est formatrice, elle façonne des manières de penser, le corps. Le temps passé en prison peut aussi être utile au mouvement social", juge-t-il. "Bien sûr, ma femme n'est pas d'accord."

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