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L'Etat condamné par la justice à faire des travaux dans la prison vétuste de Fresnes

Des cours de promenade plus grandes, mieux équipées, plus sûres: le tribunal administratif de Melun a ordonné vendredi à l’État de faire d'importants travaux dans la prison de Fresnes (Val-de-Marne), l'une des plus surpeuplées et dégradées de France.

Les travaux, dans cette prison déjà plusieurs fois épinglée pour ses conditions de détention, devront être mis en œuvre "dans un délai de six mois", selon cette décision rendue publique vendredi.

Le ministère de la Justice a annoncé à l'AFP qu'il allait faire appel de cette décision et demander la suspension de l'exécution du jugement. "Nous contestons la pertinence et la faisabilité des travaux ordonnés et a fortiori le délai imparti par le tribunal administratif pour les réaliser", a déclaré le porte-parole de la Chancellerie.

Chose rare, le tribunal a réalisé "une visite" fin mai dans la maison d'arrêt de Fresnes en vue de l'audience, qui a eu lieu début juillet. "Ces travaux poursuivront principalement trois objectifs: agrandir les cours de promenade, améliorer leur propreté et leur équipement et, enfin, assurer un haut niveau de sécurité pour les détenus pendant l'utilisation de ces cours", a indiqué le tribunal dans un communiqué.

"Il s'agit d'une très belle victoire du droit des détenus et du respect de leur dignité", s'est félicité auprès de l'AFP Patrice Spinosi, l'avocat du prisonnier à l'origine du recours, déposé en février 2015.

Afin d'agrandir les cours, l’État devra, selon le jugement, procéder "à l'abattement des murs séparant ces cours afin que celles de 45m² soient regroupées au minimum trois par trois et celles de 85m² au minimum deux par deux", a expliqué l'avocat.

Il devra y avoir de nouveaux équipements dans ces espaces: des bancs, des points d'eau, des barres de traction, des urinoirs. Faute de toilettes, les détenus devaient uriner dans des bouteilles quand ils se trouvaient dans la cour, selon Me Spinosi. Les cours devront de plus faire l'objet d’un nettoyage quotidien.

- Conditions "épouvantables" -

Afin d'assurer la sécurité des détenus, elles devront "être couvertes par un dispositif de vidéosurveillance permettant la détection en temps réel de tout incident nécessitant l'intervention du personnel", selon le tribunal. "Cette surveillance exigera l'affectation d'un nombre d'agents suffisant au visionnage des écrans", précise-t-il.

Fin 2016, la Contrôleure générale des prisons (CGLPL), Adeline Hazan, avait rendu un rapport accablant sur Fresnes, décrivant des cours de promenade "exiguës", dotées d'un espace "structurellement insuffisant" et dont la rénovation constituait une "urgence". "Il n'est pas rare que l'on voie plus de vingt-cinq personnes dans un espace d'environ 45 m2", détaillait alors le rapport.

En mars, elle a jugé que cette maison d'arrêt souffrait de conditions "épouvantables" avec un taux d'occupation de "200%" et "des rats à peu près partout". C'est cette prison que le président Emmanuel Macron a choisi de visiter, avec la garde des Sceaux Nicole Belloubet, avant d'annoncer en avril une vaste réforme de la justice, contenant un important volet pénitentiaire.

Le ministère de la Justice a annoncé en juin la rénovation de cet établissement pénitentiaire bâti à la fin du XIXe siècle. La rénovation "complète" de Fresnes est estimée à environ 270 millions d'euros, selon la Chancellerie, qui souligne "la complexité" de faire des travaux dans une prison en activité. Mais aucune date précise n'a été donnée pour le début des travaux.

La situation de la prison de Fresnes a déjà valu des condamnations à l’État: ainsi, en mai 2017, la justice lui avait donné trois mois, après une précédente décision, pour éradiquer les rats et les punaises de lit, omniprésents dans l'établissement.

En novembre 2017, plusieurs avocats de personnes détenues à Fresnes ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), en dénonçant des conditions d'incarcération "inhumaines et dégradantes".

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