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Le puissant général iranien Soleimani tué par les Etats-Unis à Bagdad: va-t-on vers une 3e GUERRE EN IRAK?

Les assassinats vendredi par les Etats-Unis du puissant général iranien Qassem Soleimani et du principal homme de l'Iran à Bagdad bousculent la donne et placent désormais l'Irak au bord du précipice, selon des experts.

L'émissaire de Téhéran pour les affaires irakiennes, le puissant général Qassem Soleimani, et un autre leader pro-iranien en Irak ont été tués tôt vendredi dans un raid américain contre un convoi de véhicules à l'aéroport de Bagdad, trois jours après une attaque inédite contre l'ambassade américaine. Aussitôt après la mort du général iranien Soleimani, en charge des affaires irakiennes au sein de l'armée idéologique de la République islamique, et d'Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires majoritairement pro-Iran désormais intégrés à l'Etat irakien, le Pentagone a annoncé que le président américain Donald Trump avait donné l'ordre de "tuer" Soleimani. Le général a été tué par "un tir de précision d'un drone", a précisé un responsable militaire américain.

Réaction de l'Iran: il y aura une "vengeance implacable"

Côté iranien, le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, s'est engagé à "venger" la mort de son général. "Le martyre est la récompense de son inlassable travail durant toutes ces années (...). Si Dieu le veut, son oeuvre et son chemin ne s'arrêteront pas là, et une vengeance implacable attend les criminels qui ont empli leurs mains de son sang et de celui des autres martyrs", a dit l'ayatollah Khamenei sur son compte Twitter en farsi.

Réaction de l'Irak: le Premier ministre remet en cause la présence américaine

Enfin, l'Irak a estimé par la voix de son Premier ministre démissionnaire Adel Abdel Mahdi que ce raid meurtrier allait "déclencher une guerre dévastatrice en Irak". "L'assassinat d'un commandant militaire irakien occupant un poste officiel est une agression contre l'Irak, son Etat, son gouvernement et son peuple", affirme M. Abdel Mahdi dans un communiqué, "Régler ses comptes contre des personnalités dirigeantes irakiennes ou d'un pays ami sur le sol irakien (...) constitue une violation flagrante des conditions autorisant la présence des troupes américaines", ajoute le texte.

Pour Phillip Smyth, spécialiste américain des groupes chiites armés, "c'est la plus importante opération de décapitation jamais menée par les Etats-Unis, plus que celles ayant tué Abou Bakr al-Baghdadi ou Oussama Ben Laden", chefs des nébuleuses ultraradicales Etat islamique et Al Qaïda.

La nouvelle a déjà fait bondir de plus de 4% les cours du pétrole. L'or noir iranien est déjà sous le coup de sanctions américaines et la montée en puissance de l'influence de Téhéran en Irak, deuxième producteur de l'Opep, fait redouter aux experts un isolement diplomatique et des sanctions politiques et économiques.

Depuis des années, Bagdad est pris en étau entre ses deux grands alliés américain et iranien. En 2003, en renversant le régime de Saddam Hussein, les Etats-Unis prenaient la haute main sur les affaires irakiennes. Mais le système qu'ils ont mis en place est désormais noyauté par Téhéran et les pro-Iran. Ceux-ci ont assemblé un arsenal inégalé grâce à l'Iran mais aussi au fil des années de combat, aux côtés des Américains notamment, contre l'EI.


(c) AFP

Attaque de l'ambassade américaine

Les pro-Iran sont même parvenus à attaquer mardi l'ambassade américaine à Bagdad. Leurs combattants et partisans se sont livrés par milliers à une démonstration de force inédite. Ils ont déferlé dans la Zone verte de Bagdad où se trouve l'ambassade américaine, ont attaqué la chancellerie à coup de béliers de fortune et ont tracé des graffitis sans équivoque sur les murs. "Non à l'Amérique", disait l'un, "Soleimani est mon chef", affirmait un autre. Cet épisode de violence inédit semblait terminé mercredi avec le retrait des pro-Iran de la Zone verte, sur ordre du Hachd.

Trois jours plus tard, les États-Unis ont donc répondu brutalement à cette incursion mais aussi à une série d'attaques à la roquette contre leurs diplomates et soldats qui dure depuis des semaines. "Sur ordre du président, l'armée américaine a pris des mesures défensives décisives pour protéger le personnel américain à l'étranger en tuant Qassem Soleimani", a indiqué le Pentagone dans un communiqué. Le raid américain qui a visé un convoi de véhicules dans l'enceinte de l'aéroport de Bagdad a tué en tout au moins neuf personnes, selon des responsables des services de sécurité irakiens.

Outre le général Soleimani, l'autre grande figure tuée est Abou Mehdi al-Mouhandis, véritable chef opérationnel du Hachd et lieutenant du général Soleimani pour l'Irak depuis des décennies. Les deux hommes étaient sous sanctions américaines et le Hachd est aujourd'hui au coeur de toutes les attentions en Irak. S'il a combattu à partir de 2014 aux côtés des troupes irakiennes et de la coalition internationale antijihadistes emmenée par les Etats-Unis, ses factions les plus pro-iraniennes -pour certaines nées dans la lutte contre l'occupation américaine de 2003 à 2011- sont désormais considérées par les Américains comme une menace plus importante que le groupe EI.

Riposte américaine depuis dimanche dernier

Dimanche dernier, déjà, des avions américains avaient bombardé "la troisième force de l'axe de résistance iranien au Moyen-Orient", les brigades du Hezbollah, faction irakienne membre du Hachd, faisant 25 morts et détruisant des stocks d'armes.

Quelques jours plus tard, un responsable américain avait annoncé à l'AFP que Washington enverrait "jusqu'à 4.000 soldats supplémentaires", pour partie au Koweït, "très probablement" pour entrer en Irak ensuite.

Et tôt vendredi, trois jours après une attaque inédite contre l'ambassade américaine à Bagdad par des milliers de combattants et de partisans du Hachd, ces mêmes avions ont donc visé plus précisément encore: ils ont pulvérisé les voitures dans lesquelles se trouvaient plusieurs hauts commandants de cet "axe de la résistance".

Personne n'imaginait même que c'était une possibilité. Maintenant, tous les acteurs vont improviser, au moins à court terme, et c'est la recette parfaite pour des mauvais calculs

UNE 3E GUERRE EN IRAK ?

Mais les morts de vendredi donnent de plus en plus de consistance à la menace qui pèse depuis des mois sur l'Irak: que son sol se transforme en un champ de bataille par procuration pour l'Iran et les Etats-Unis.

"Personne n'imaginait même que c'était une possibilité. Maintenant, tous les acteurs vont improviser, au moins à court terme, et c'est la recette parfaite pour des mauvais calculs", met en garde Ramzy Mardini, chercheur au United States Institute of Peace.

Face à cette "escalade extrêmement dangereuse", selon les termes du ministre iranien des Affaires étrangères Mohammed Javad Zarif, se pose prioritairement la question de la réponse de l'Iran.

"L'Iran ne peut pas réellement toucher les Etats-Unis sans risquer l'autodestruction. Mais il peut mettre l'Irak à feu et à sang", dit le spécialiste de l'Irak, Fanar Haddad. Quand? Comment? Il est difficile de prévoir qu'elle pourrait être la réponse de l'Iran à la mort de l'une de ses figures les plus populaires, car il n'existe aucun précédent.

Mais une chose est sûre, assure à l'AFP M. Marzini, l'affrontement est désormais frontal. "L'Iran ne peut plus utiliser ses lieutenants en Irak comme une couverture pour menacer et attaquer les intérêts américains sans risquer des représailles conventionnelles", affirme-t-il.

Depuis des années, Bagdad met en garde contre la possibilité que ses deux grands alliés ne se servent de son sol comme d'un champ de bataille où régler leurs comptes, dans un contexte de plus en plus tendu autour du dossier nucléaire iranien. Et, aujourd'hui, explique M. Haddad à l'AFP, "les meilleures cartes de l'Iran sont en Irak": "si l'Iran a besoin de répondre et de marquer le coup, ce qui est à redouter, ce ne sera pas seulement avec des roquettes contre des ambassades mais avec ce qui pourrait prendre la forme d'un conflit majeur en Irak", avance-t-il.

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