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Le guêpier yéménite, symbole des failles de la stratégie offensive saoudienne

Le guêpier yéménite, où l'Arabie saoudite conduit une coalition militaire depuis plus de quatre ans sans progrès significatif, illustre les failles d'une politique étrangère très offensive, sous la conduite de l'ambitieux prince héritier Mohammed ben Salmane, avancent des analystes.

Guerre au Yémen, blocus du Qatar ou encore confrontation diplomatique avec le Canada: le royaume sunnite a adopté une politique volontariste voire parfois même belliqueuse, dans le cadre de sa lutte pour la suprématie régionale contre l'Iran chiite.

Cette politique consiste à "tirer d'abord et à poser des questions ensuite", affirme à l'AFP Bessma Momani, professeure à l'Université canadienne de Waterloo. "C'est impulsif et sans stratégie de sortie à long terme", ajoute-t-elle.

Le royaume a semblé tempérer cette approche après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi par des agents saoudiens, en octobre 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul.

De jeunes conseillers ont été notamment écartés de l'entourage du prince héritier. Le meurtre a gravement terni sa réputation tout en mettant à l'épreuve les relations du royaume avec son grand allié américain.

- "Erreurs stratégiques" -

Des spécialistes écartent toutefois l'idée d'un changement substantiel, alors que Mohammed ben Salmane continue de contrôler les principaux leviers du pouvoir --y compris le poste de ministre de la Défense-- et poursuit une campagne de répression contre les dissidents.

"L'Arabie saoudite a commis des erreurs stratégiques ces dernières années, en partie parce que, pour la première fois, le pays assume un rôle de leader indépendant dans la région", commente pour sa part Hussein Ibish, chercheur à l'Arab Gulf States Institute à Washington.

Selon lui, le royaume "n'était pas préparée à ce rôle (...) et l'armée saoudienne n'était pas conçue pour de grandes +expéditions+ internationales".

Ryad affirme devoir mener une énergique politique étrangère pour faire face à ce qu'elle appelle "l'expansionnisme iranien".

Mais le Yémen, où Téhéran est accusé de soutenir les rebelles Houthis, est la meilleure illustration des errements de cette politique.

Ryad avait tablé sur une victoire rapide mais s'est enlisée et les rebelles menacent de plus en plus des villes saoudiennes avec des attaques de drones et des tirs de missiles.

Malgré le soutien de puissances occidentales, dont les Etats-Unis, la coalition dirigée par Ryad peine à faire la différence contre des combattants aux tactiques de guérilla.

L'arsenal militaire acquis à coup de milliards de dollars reste mal adapté au terrain yéménite, selon des spécialistes.

La nécessité de moderniser l'armée saoudienne, qui a multiplié des bavures contre les civils, est également mise en avant.

- Clivage -

Cette intervention a en outre provoqué la pire catastrophe humanitaire au monde, selon l'ONU.

Et la situation a encore empiré ces dernières semaines: dans un nouveau front qui menace de diviser le Yémen, le gouvernement soutenu par Ryad a été chassé de sa capitale "temporaire" Aden par des séparatistes sudistes, appuyés par les Emirats arabes unis, pourtant principal allié régional de Ryad.

Cela "montre à quel point la stratégie initiale du Yémen était imparfaite", estime Bessma Momani. "Si le Yémen est à nouveau divisé (...) l'Arabie saoudite aura peut-être deux voisins belliqueux à affronter".

Cette récente crise a mis en exergue un clivage entre Ryad et Abou Dhabi. Les Emirats, qui ont annoncé en juillet un retrait partiel de leurs troupes du Yémen, semblent vouloir limiter les pertes dans un contexte de tensions régionales croissantes.

Pour l'Arabie saoudite, en revanche, aucune stratégie de sortie aisée du Yémen n'apparaît.

Sollicité par l'AFP, le ministère saoudien de l'Information n'a pas voulu faire de commentaire.

Pour tenter de mettre fin au conflit, Washington s'apprête à entamer des pourparlers directs avec les Houthis et convaincre Ryad d'adopter une approche diplomatique, selon le Wall Street Journal.

Des pourparlers proposés par Ryad sont aussi considérés comme le seul moyen de sortir de l'impasse dans le sud du Yémen.

"L'Arabie saoudite (...) a toutes les clés d'une solution", a récemment assuré à l'AFP Faraj al-Bahsani, gouverneur de la province de Hadramaout, dans le sud du Yémen.

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