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Les soins palliatifs périnatals en haut de l'affiche dans une Pologne qui interdit l'avortement

Kamila Lewandowska-Nowak, Varsovienne, savait que le petit garçon qu'elle attendait, son troisième enfant, pouvait ne pas survivre à la grossesse, mais l'annonce de l'arrêt cardiaque du bébé au dernier trimestre l'a frappée de plein fouet.

"Le vide, le désespoir, la tristesse et un million d'autres émotions résonnaient en moi. Mais j'ai connu aussi ce sentiment d'impuissance - qu'est-ce que je dis aux enfants?", raconte à l'AFP cette femme de 39 ans.

Cette décision de maintenir la grossesse malgré une anomalie foetale grave était la sienne, sa conviction. Mais, pour bien des femmes confrontées à ce diagnostic terrible en Pologne, ce n'est à présent plus un choix depuis l'interdiction de l'avortement dans de tels cas.

Face à sa détresse, Mme Lewandowska-Nowak a appelé un psychologue de l'hospice périnatal qui avait entouré sa famille dès le diagnostic.

L'existence de ces établissements n'est pas largement connue mais, depuis peu, le terme s'est répandu à travers la Pologne, inscrit sur d'innombrables affiches représentant un bébé dans un ventre en forme de cœur.

Un groupe anti-avortement a lancé cette campagne d'affichage massive à la fin de l'année dernière, quand la Cour constitutionnelle a interdit les interruptions volontaires de grossesse en cas d'anomalies fœtales, un verdict qui avait déclenché de gigantesques manifestations de rue dans l'ensemble du pays.

Conformément aux souhaits de la droite au pouvoir, la justice a laissé ce pays déclaré catholique avec une interdiction quasi totale de l'IVG. Les seules exceptions sont les cas de viol ou d'inceste et lorsque la santé de la mère est en danger.

- "Ne pas forcer à l'héroïsme" -

L'avortement était encore légal dans les cas de malformation du fœtus lorsque Mme Lewandowska-Nowak a appris que son fils avait le syndrome d'Edwards, une maladie génétique causant de graves troubles du développement et, pour la plupart des bébés, la mort avant ou pendant l'accouchement.

"J'apprécie que nous ayons pu le câliner, l'embrasser et le bercer. Que nous ayons ensuite un endroit où aller lui rendre visite", dit-elle, faisant référence à la tombe du petit Gabriel.

Bien qu'elle n'ait jamais envisagé d'avorter, Mme Lewandowska-Nowak estime que personne dans une situation pareille ne devrait être obligé de porter la grossesse contre son gré.

"Vous ne pouvez forcer personne à l'héroïsme. Parce que c'est à cela que ça revient, non? Dans les cas difficiles comme le mien, je laisserais la femme décider", déclare-t-elle, riche de l'expérience avec l'Hospice périnatal de Varsovie, dont la fondatrice Joanna Szymkiewicz-Dangel, pédiatre et cardiologue fœtal, défend la liberté de choix.

"Ayant passé plus de 20 ans avec des femmes enceintes, je sais que nous n'avons le droit de juger personne", déclare à l'AFP cette catholique de 65 ans.

Certaines femmes hésitent: "J'ai déjà vu des femmes faire des aller-retours une dizaine de fois. Elles étaient déjà en route pour l'hôpital pour interrompre leur grossesse et puis elles se disaient non. Et elles rentraient chez elles".

"Ce n'est pas une décision facile. N'oublions pas que la plupart de ces femmes souhaitaient être enceintes ... C'est leur précieux enfant, quelle que soit sa maladie".

- Gratuit -

Son hospice est le plus ancien et de loin le plus grand du pays. Chaque année, il entoure de soins palliatifs plus de 400 femmes diagnostiquées avec des anomalies fœtales.

Selon Mme Szymkiewicz-Dangel on y "veille à ce que la grossesse se poursuive dans les meilleures conditions possibles pour la femme et pour l'enfant... le protégeant de tout traitement inutile, prolongé et futile".

L'hospice propose des consultations médicales et psychologiques mais aussi une formation sur le quotidien des parents d'un enfant malade.

Géré par une ONG, le centre accepte les fonds publics et les dons pour pouvoir fournir ses services gratuitement. Parfois, les médecins donnent de leur propre temps.

Selon Mme Szymkiewicz-Dangel, ni le verdict du tribunal, ni la campagne d'affichage n'ont amené plus de femmes dans son établissement.

"On ne dit toujours pas aux patientes qu'elles peuvent bénéficier d'un soutien psychologique", dit-elle, beaucoup de médecins ignorant simplement l'existence des soins palliatifs périnatals, certains considérant cela même comme du gaspillage des fonds publics.

- La vie après la mort -

Après avoir perdu son fils, Mme Lewandowska-Nowak a rejoint un groupe de soutien aux parents endeuillés au sein de l'hospice qui, selon son mari, l'a aidée davantage que lui n'en aurait été capable.

"Chacun a sa propre façon de vivre une situation pareille et ma femme avait certainement plus besoin d'en parler", dit Adam Nowak à l'AFP.

"Moi, personnellement je préférais garder les émotions en moi, pour moi, donc nous aurions certainement connu plus de conflits", estime cet ingénieur en informatique de 38 ans.

Mme Lewandowska-Nowak se dit reconnaissante de toute occasion de parler de son fils car cela maintient son souvenir vivant.

"C'est l'un de mes enfants. Je n'aime vraiment pas quand les gens n'en tiennent pas compte", déclare-t-elle.

L'avenir de la famille s'écrit à nouveau en lettres d'espoir, le couple attendant depuis huit mois un petit garçon en bonne santé.

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