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Khashoggi: après les aveux saoudiens, scepticisme et zones d'ombre

L'Arabie saoudite a fait face dimanche à une vague de scepticisme international sur sa version de la mort du journaliste Jamal Khashoggi dans son consulat à Istanbul, une affaire qui reste marquée par de nombreuses zones d'ombre.

Une nouvelle réaction évoquant cette fois "des mensonges" est venue de Donald Trump qui, après avoir qualifié de "crédible" la version des Saoudiens, a dit que "leurs histoires partent dans tous les sens".

"Il y a eu manifestement tromperie et mensonges", a déclaré le président américain dans un entretien au Washington Post, journal auquel collaborait Jamal Khashoggi.

De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé dimanche que son pays allait révéler "toute la vérité" sur l'affaire Khashoggi.

Après sa disparition le 2 octobre, les autorités saoudiennes ont finalement admis samedi ce que tout le monde redoutait: ce journaliste saoudien, critique du prince héritier Mohammed ben Salmane et exilé aux Etats-Unis, a bien été tué dans le consulat.

C'est le procureur général Saoud al-Mojeb qui a confirmé sa mort. "Les discussions entre lui et les personnes qui l'ont reçu au consulat ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing, ce qui a conduit à sa mort", a-t-il dit, cité par l'agence SPA, sans préciser où se trouvait son corps.

Signe de contradictions persistantes, le directeur d'un centre de réflexion proche du pouvoir saoudien, Ali Shihabi, a affirmé que Jamal Khashoggi était mort étouffé des suites d'un "étranglement".

Selon le ministère saoudien de l'Information, les personnes qui ont interrogé Jamal Khashoggi, 59 ans au moment des faits, ont cherché à "dissimuler ce qui est arrivé".

Mais ces explications n'ont pas convaincu de nombreux pays, principalement les Occidentaux, d'autant que les autorités saoudiennes avaient auparavant affirmé que le journaliste était ressorti du consulat.

Des responsables turcs ont, eux, donné une autre version affirmant que Jamal Khashoggi avait été torturé et assassiné par une équipe de 15 agents saoudiens venus spécialement de Ryad. Selon des journaux turcs, son corps aurait été démembré.

- "Ni crédible, ni cohérent" -

Dans le contexte de cette affaire, Ryad a annoncé le limogeage du numéro deux du Renseignement saoudien, le général Ahmed al-Assiri, et de trois autres hauts responsables de ces services, ainsi que d'un conseiller "médias" à la cour royale, Saoud al-Qahtani. Dix-huit suspects saoudiens ont été interpellés.

Mais des analystes occidentaux ont vu dans ces limogeages et arrestations une tentative de désigner des boucs émissaires et d'épargner le prince héritier, considéré comme l'homme fort du royaume.

Le Canada a qualifié "d'incohérentes" les explications de Ryad sur cette affaire qui a provoqué une onde de choc mondiale et considérablement terni l'image de Ryad.

La Grande-Bretagne a dit que les explications saoudiennes n'étaient "pas crédibles", l'Allemagne les a trouvées "insuffisantes", la France a déclaré que "de nombreuses questions restent sans réponses" et l'Union européenne a demandé une enquête "approfondie" et "transparente".

Allié des Saoudiens, Donald Trump avait dans un premier temps jugé crédibles les explications saoudiennes avant d'estimer qu'elles étaient trop courtes.

Le président américain est visiblement embarrassé par cette crise, avec des critiques y compris dans son propre camp républicain, mais il refuse de remettre en cause des méga-contrats, notamment militaires, avec Ryad.

Les principaux alliés de Ryad dans la région --Emirats arabes unis, Bahreïn, Egypte, Jordanie, Oman, Koweït et Autorité palestinienne--, ainsi que la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique (OCI), ont salué les annonces du royaume saoudien.

- "Un moment sismique" -

Entretemps, les enquêteurs turcs ont poursuivi leurs investigations, fouillant une vaste forêt proche d'Istanbul. Disant s'appuyer sur des enregistrements sonores, la presse turque a évoqué une décapitation de Khashoggi.

Vingt-cinq autres témoins ont été convoqués dimanche par les procureurs engagés dans l'enquête en Turquie, a indiqué la télévision turque NTV. Des membres du personnel du consulat saoudien à Istanbul avaient déjà témoigné vendredi devant le principal tribunal d'Istanbul, notamment des techniciens, des comptables et un chauffeur.

Outre une crise de crédibilité, ce scandale international a poussé au boycott par des responsables occidentaux et des dirigeants de firmes internationales d'une grande conférence économique, chère au prince héritier, prévue à Ryad à partir de mardi.

Il a aussi alimenté des spéculations selon lesquelles le prince héritier risquait d'être délogé du pouvoir par des membres de la famille royale irrités par ses "abus".

Mais, parmi les décrets de samedi, son père, le roi Salmane, a annoncé la formation d'une commission ministérielle dirigée par le prince héritier pour réorganiser les services de renseignement, montrant ainsi son intention de le maintenir aux plus hautes fonctions à ce stade.

Dans son interview au Washington Post, Donald Trump a lui-même tenu à ménager le prince Mohammed, surnommé MBS, "une personne forte", qui "aime vraiment son pays".

"Personne ne m'a dit qu'il était responsable. Personne ne m'a dit qu'il n'était pas responsable. Nous ne sommes pas arrivés à ce point", a dit le président américain, évoquant la "possibilité" que MBS n'ait eu qu'a posteriori connaissance des événements.

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