Accueil Actu

Mort de Robert Boulin: une reconstitution pour faire avancer la vérité

Suicide ou "crime d'Etat" ? Quarante ans après la mort de Robert Boulin, des témoins ont participé à une reconstitution organisée lundi par sa fille à l'étang Rompu, là où avait été retrouvé le corps du ministre, le 30 octobre 1979.

Il fait beau et frais en ce matin d'octobre autour du petit étang qui reflète les couleurs d'automne de la forêt de Rambouillet. Les conditions climatiques sont "exactement les mêmes qu'il y a quarante ans", se réjouit Fabienne Boulin.

C'est la première reconstitution organisée depuis la mort de son père. Mme Boulin, qui en réclame une à la justice depuis la réouverture de l'enquête il y a quatre ans, a fini par prendre les devants.

Elle et son avocate Marie Dosé ont donné rendez-vous à deux témoins présents le jour de la découverte du cadavre: le médecin urgentiste arrivé en premier sur les lieux, ainsi qu'un officier de police judiciaire, présent lors de la sortie du corps de l'eau.

Pour les accompagner, une greffière et un comédien ont été embauchés. Ce dernier incarne l'ancien ministre du Travail de Valéry Giscard d'Estaing, dont les circonstances de la mort restent à ce jour contestées. Une première enquête avait conclu à un suicide par noyade en 1991, ce que la famille a toujours contesté parlant de "crime d'Etat".

La petite troupe commence par suivre le médecin urgentiste, qui retrace son itinéraire le long de la berge, quatre décennies plus tard. Il est 8H30 lorsqu'il découvre le corps, en compagnie de trois pompiers et deux gendarmes.

"Il était là, à six ou sept mètres", désigne l'homme. Le comédien, vêtu d'un costume et de mocassins identiques à celui du ministre le jour de sa mort, va prendre place à l'endroit indiqué au milieu du plan d'eau.

"Il avait la tête hors de l'eau et regardait vers nous. Il avait le visage plein d'ecchymoses, de plaies", détaille le médecin. Dans 60 centimètres d'eau, l'acteur s'agenouille et tente d'adopter la position du cadavre, un bras hors de l'eau.

"On s'est dit avec les pompiers que c'était un règlement de compte, qu'on l'avait mis là déjà mort", se remémore l'urgentiste. "Un noyé, il avale de l'eau et il coule, il est au fond de l'eau", ajoute-t-il. A ce stade, ni lui ni les pompiers ne savent qui est l'homme mort dans l'étang. Ils quittent la scène dès l'arrivée des premiers policiers, vers 8H45.

- Versions divergentes -

A 9H10, l'ambiance est toute autre. C'est l'heure à laquelle arrive l'autre témoin, Jean-Pierre Courtel, inspecteur à la police judiciaire de Versailles.

"Il y avait déjà 25-30 personnes et un hélicoptère", décrit l'homme, aujourd'hui âgé de 76 ans. Lui aussi garde un souvenir très précis de ce 30 octobre 1979; mais à la grande surprise des participants, il place le corps de Robert Boulin à un tout autre endroit dans l'étang.

Le comédien retourne à l'eau. Cette fois-ci, il y a 1,50 m de profondeur. Pour l'inspecteur, le corps était presque totalement immergé lorsqu'il est arrivé, la tête sous l'eau.

M. Courtel, qui a assisté à la sortie du cadavre de l'eau contrairement au médecin urgentiste, dit avoir vu de loin le visage du ministre livide, mais propre. L'urgentiste parle pourtant d'un visage "sanguinolent" lorsqu'il découvre le corps au petit matin.

"Le colonel Pépin (gendarmerie) a ordonné de sortir le corps avant l'arrivée de l'identité judiciaire (police scientifique). Ce qui m'a étonné c'est qu'on a fait aucune constatation avant de l'emmener", explique l'inspecteur, visiblement remué par la reconstitution de la scène.

"J'attends avec impatience d'être entendu par un juge d'instruction, je veux lui dire ma vérité", réclame l'ex-policier, qui accuse certains de ses anciens collègues d'avoir menti.

Certains ont notamment affirmé que les blessures au visage de Robert Boulin auraient pu être provoquées par un rocher ayant heurté le visage du ministre à sa sortie de l'eau.

A l'issue de la reconstitution, Fabienne Boulin a répété ce qu'elle martèle inlassablement depuis des décennies: "Je ne lâcherai rien avant que mon père retrouve son honneur".

À lire aussi

Sélectionné pour vous