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Pour Bichara Khader, le chaos à Kaboul discrédite les pays occidentaux: "C'est une déroute"

Aéroport congestionné, menaces sur la sécurité, des morts dans le chaos... Une semaine après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, des milliers de personnes tentaient toujours dimanche de fuir leur pays au péril de leur vie, tandis que les opérations d'évacuations des pays étrangers se poursuivent dans des conditions difficiles.

Les scènes de panique et de désespoir, qui se succèdent depuis une semaine à l'aéroport de Kaboul, ont provoqué la mort de plusieurs civils.

Pour l'Occident, c'est une débâcle

Interrogé dans le RTL INFO 19H, Bichara Khader, professeur émérite de l'UCLouvain et spécialiste du monde arabe, estime que ce chaos offre une image très négative des pays occidentaux. "Pour l'Occident, c'est une débâcle. C'est une déroute. Pour les Afghans, c'est un immense désarroi, une grande inquiétude. Voire une peur qui tenaille la plupart des Afghans qui, de près ou de loin, ont collaboré avec les troupes étrangères", confie-t-il.

L'Etat islamique et Al-Qaïda, par exemple, se réjouissent de voir les Américains de cette manière battre en retraite

Cette "débâcle" fait cependant le jeu des groupes terroristes. "L'Etat islamique et Al-Qaïda, par exemple, se réjouissent de voir les Américains de cette manière battre en retraite, ainsi que les autres états européens. Al-Qaïda qui se venge, en quelque sorte, a posteriori, de la mort de leur chef, Ben Laden. Et l'Etat islamique, évidemment, qui tente d'exporter son djihadisme à l'extérieur. Eux s'en réjouissent, mais certainement pas les Afghans, qui veulent un autre pays, une paix durable", indique Bichara Khader.

Ils essaient de donner des talibans une image plus rassurante

Depuis leur victoire, les talibans affirment vouloir mettre en place un gouvernement "inclusif" et un règne qui serait "différent" du précédent (1996-2001), marqué par son extrême cruauté notamment à l'égard des femmes. Faut-il les croire? "Ils seront juger sur leurs actes et non pas leurs paroles. Il y a des talibans qui sont en charge de la communication extérieure. Ils essaient de donner des talibans une image plus rassurante, qui veulent une ouverture diplomatique, qui veulent drainer des investissements vers un pays dont l'économie est aujourd'hui asséchée par la fuite et l'interruption de l'aide internationale", réagit le professeur de l'UCL que nous avons interrogé.

Al-Qaïda et les talibans sont des complices

Sous l'autorité de Donald Trump, les Etats-Unis ont signé en février 2020 un accord avec les talibans dans lequel Washington s'engageait à retirer les forces américaines d'Afghanistan. En contrepartie, les talibans s'engageaient à entamer des négociations de paix avec le gouvernement afghan, à s'abstenir d'attaquer les forces américaines et leurs intérêts et à couper tout lien avec Al-Qaïda.

Aujourd'hui, quelles sont les relations entre les talibans et Al-Qaïda? "Al-Qaïda et les talibans sont des complices. Les talibans ont abrité et hébergé Al-Qaïda durant des années en Afghanistan. Ils ont une connivence idéologique, des liens personnels d'amitié, et des mariages. Beaucoup des cadres d'Al-Qaïda ont épousé des pachtounes, c'est-à-dire l'ethnie majoritaire des talibans. Donc Al-Qaïda se réjouit de la victoire des talibans […] et ne constitue pas une menace pour les talibans", précise le professeur Bichara Khader. "D'abord ce sont des groupes disséminés dans le nord du pays, dans les zones tribales et montagneuses. De deux, leurs ressources se sont asséchées. De trois, leurs cadres ont vieilli. Et cinq, ils n'ont pas une attractivité particulière".

D'après Bichara Khader, "les talibans vont tout faire pour empêcher toute dissidence qui pourrait constituer une pierre d'achoppement dans leur volonté de gouverner le pays, de l'administrer et de ressortir l'économie afghane de l'anémie actuelle".

En revanche, selon le professeur de l'UCLouvain, des opposants se revendiquant du défunt commandant Massoud, ou des anciens du régime afghan, pourraient s'insurger contre les talibans et les affronter. Un scénario qui laisserait place à une guerre civile dans le pays.

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