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Près de Nantes, la vie de "misère" de 250 migrants menacés d'expulsion

Détritus abandonnés, absence d'eau chaude, bagarres: quelque 250 migrants vivotent sous des tentes, dans un gymnase insalubre à Saint-Herblain, près de Nantes, suspendus à une demande d'expulsion.

La justice devait se prononcer jeudi mais interrogées dans la soirée, les parties ont indiqué n'avoir pas eu connaissance d'une décision.

"Même si quelqu'un se décarcasse à nettoyer, en un instant c'est le désordre et tout est gâté", déplore Massogona Cissé, Ivoirienne de 33 ans, manteau noir sur le dos.

Elle dit n'avoir plus le courage de faire le ménage dans ce gymnase décati où se sont progressivement agrégés 250 migrants, majoritairement des hommes seuls venus d’Érythrée, du Soudan et du Niger, depuis le 26 octobre 2018.

Devant ce bâtiment noir accolé à un lycée catholique fermé depuis six ans, pour tuer le temps certains écoutent de la musique, assis sur le muret d'une des maisons pavillonnaires de la rue. D'autres s'en vont, par petits groupes, rejoindre le tramway qui les mènera aux bains-douches, seule solution pour se laver à l'eau chaude.

"C'est vraiment dur, je me sens parfois perdu et je me dis +je fais quoi là+", confie Lamine Goulata, brosse à dents et dentifrice à la main.

Ce Guinéen de 24 ans a quitté son pays en 2016 pour un avenir meilleur qui l'a conduit jusqu'à Nantes l'été dernier. Comme d'autres migrants, il a été délogé d'un square de la ville en octobre et a trouvé refuge dans ce gymnase, propriété du diocèse de Nantes.

Mais "c'est la misère ici, c'est trop compliqué", estime Mohamed Abderrahmane, qui, dans ces conditions, peine à s'investir dans le travail qu'il a trouvé, "dans le domaine industriel".

- "Carence de l’État" -

Le gymnase rassemble des statuts administratifs divers: réfugiés, demandeurs d'asile et de nombreux "dublinés". Ces derniers, en situation irrégulière, ont demandé l'asile en France mais ont déjà été contrôlés dans un autre pays de l'Union européenne, ce qui entrave leur dossier.

A l'intérieur du bâtiment, des paires de chaussures indiquent la présence d'occupants dans les toiles de tente ou sur des matelas qui ont recouverts l'ancien terrain de basket, dont il subsiste deux paniers défraichis.

A cause des cris, de la musique voire des bagarres, "c'est presque impossible de s'endormir le soir sur place. C'est le fait d'une minorité car les personnes ici sont dignes" mais certaines sont "psychologiquement fragiles", explique François Prochasson, membre du collectif de soutien qui œuvre au quotidien pour ces résidents.

Le tribunal d'instance de Nantes a été saisi sur une demande d'expulsion déposée en référé par le diocèse. "Ça n'a pas été une décision simple, mais on n'en voyait pas d'autre", a déclaré Xavier Brunier, responsable de la solidarité au diocèse.

Selon l'évêché, l'audience qui s'est tenue le 7 mars vise à accélérer la recherche de solutions communes entre le diocèse, l’État, la ville de Nantes et les associatifs, mais aucune piste crédible de relogement n'a émergé à ce stade.

"La seule solution qu'on a, c'est de squatter", regrette Christophe Jouin, co-président de L'autre cantine, une association locale d'aide aux migrants. "On fait 300 repas du soir pour le gymnase, tous les jours, sept sur sept, et on fournit 120 tenues toutes les semaines, sur le modèle solidaire, sans aucune subvention", indique-t-il, dénonçant "la carence de l’État".

La mine renfrognée, Sidi, un Libyen à la barbe finement taillée, fait part de ses inquiétudes face à l'incertitude de sa situation: "Je ne peux pas sourire quand je vis ici".

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