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RTL INFO a suivi les militaires belges au Mali (2/3): "La menace peut venir de tout le monde et de partout"

Depuis plus de 4 ans, les militaires nous protègent dans les rues des grandes villes. Mais leur travail ne s'arrête pas là... Exceptionnellement, RTL INFO a pu accompagner des soldats belges en mission au cœur d'un théâtre d'opération au Mali. "De la rue au Mali", c'est une série de reportages à haut risque à découvrir sur toutes les plateformes de RTL INFO.

Cela fait plus d’une heure que le Premier Soldat Florian a les yeux rivés sur la route ou plutôt sur ce qui ressemble vaguement à une piste… Avec deux autres blindés, la patrouille progresse vers un village situé dans un rayon de 200 km autour de Gao. La mission des Belges est d’aller au contact de la population pour recueillir des informations. Une mission risquée. Le Sergent Thomas sait que les rebelles peuvent se cacher n’importe où. Ils se mélangent à la population civile, confie-t-il. Ils contrôlent même parfois la population civile. La menace peut venir de tout le monde et de partout.


Un bivouac au milieu de nulle part

Comme le village est relativement éloigné du camp de base, les militaires vont installer un bivouac au milieu de nulle part dans un lieu généralement inconnu des soldats. Quand les blindés s’arrêtent, ce sont les voltigeurs qui sortent en premier. A deux, ils vont inspecter le terrain sur 20 m autour du véhicule à la recherche de mines éventuelles. Un sol retourné, ça pourrait être suspect, nous explique le Premier Soldat Jérôme. Ou alors une petite motte de terre ou peut-être des trucs qui dépassent. Il faut regarder à tout.



Quand la zone est inspectée, le reste des militaires peut descendre. Certains vont installer les lits de camps, d’autres les moyens de protection du bivouac.


"La sécurité c’est la priorité numéro un"

Dans ce camp de fortune, le confort sera rudimentaire. Les militaires mangeront des rations de combat : des boites de conserves à déguster chaudes ou froides… Malgré la chaleur et près de 30 kg de matériel à porter, les militaires ne se laveront pas durant toute la mission. Dans le meilleur des cas, ils se débarbouilleront avec un peu d’eau en bouteille.

Le jour est en train de tomber. Le Premier Sergent Olivier scrute l’horizon avec de jumelles à vision nocturne : "On doit être attentif à avoir un visuel sur les routes qui peuvent amener vers ici. On voit qu’il y a quelques habitations, quelques tentes. Le but est d’être le plus éloigné possible des villages mais aussi d’être invisible. Du coup, aucune lampe ne peut être allumée".


 

Les militaires se relayent pour assurer la sécurité

Soudain, sur un écran de contrôle, quatre pick-up inconnus apparaissent. Les soldats sont en alerte. Ils savent que des groupes armés sont présents dans la région. Après quelques minutes, le danger est écarté.

Il fait désormais nuit. C’est à la lumière de la pleine lune que le Capitaine donnera son briefing et précisera la mission du lendemain. Un briefing dont le contenu doit rester secret pour des raisons de sécurité.

Durant toute la nuit, des militaires vont se relayer pour assurer la sécurité. Comme les caméras nocturnes et les radars consomment de l’énergie, toutes les deux heures, les moteurs de tous les blindés seront relancés en même temps pour recharger les batteries. Cela rythmera la nuit à la belle étoile…


A 5h, tout le bivouac est réveillé !

A 5h du matin, une heure plus tôt que ce qui était prévu, tout le bivouac est réveillé. La mission a changé. La sécurité dans la région s’est dégradée. Le commandement rappelle toute la patrouille au camp de base. La sécurité c’est la priorité numéro un, nous confie le Capitaine Niels. Dès qu’elle n’est pas garantie, on doit prendre des mesures. Une des mesures, c’est peut-être comme aujourd’hui, de rentrer plus tôt. Le mandat de l’ONU et de la Belgique n’est pas d’aller combattre directement les rebelles et les terroristes. Cette partie du travail a été confié aux Français de la Mission Barkhane.


 

Le jour se lève, les véhicules se mettent en route et une colonne se constitue. Les blindés roulent vers le camp. Le Caporal Loïc a les yeux rivés sur un écran de contrôle. Dans sa main droite, il tient un joystick. Il peut ainsi commander des caméras et une mitrailleuse lourde. S’il y a vraiment un gros problème, c’est d’abord à moi de tirer pour garder la sécurité du personnel, nous explique-t-il sans quitter son écran des yeux.


Sur le chemin du retour, la patrouille va profiter du changement de mission pour aller visiter un autre village

Les blindés s’immobilisent à une centaine de mètres de quelques habitations et de quelques tentes. Une seule section va aller au contact. C’est celle du Sergent "Dopp". En signe de respect, il se couvre d’un turban. Il rappelle à ses hommes les règles de sécurité. C’est la première fois que sa section vient dans ce village. Il ne sait donc pas comment il va être accueilli ni si des terroristes ou des rebelles s’y cachent.

L’atmosphère est très particulière. Le temps est comme suspendu. Tout le monde est sur le qui-vive. Une petite équipe armée progresse lentement alors que les autres restent en retrait. Le Sergent est accompagné d’un traducteur. Ce dernier sera chargé d’établir le premier contact avec le chef du village. Le Sergent "Dopp" sait qu’il va devoir gagner la confiance des villageois : ce n’est vraiment pas évident parce que, derrière, il y a une grosse pression de la part de certains groupes armés, parfois des groupes armés terroristes. Ils n’ont vraiment pas l’envie dès le départ de vouloir parler avec nous parce qu’ils ont peur.


 

"Salam aleykoum"

Dans ce village, le chef explique assez rapidement que des bandits sont présents dans la région. L’interprète traduit : ils n’ont pas de problème dans le village, mais dans les alentours, sur les routes, il y a des bandits. Ils étaient à moto. Ils ont même tabassé l’un d’entre eux.

De loin, des enfants observent la scène. Ils jouent sur un sol jonché d’excréments de chèvre. Ils ne sont pas à l’école. Depuis plusieurs semaines, les instituteurs sont en grève et dans la région plus de 700 écoles sont fermées pour des raisons de sécurité.

Dans ce village, comme dans de nombreux autres, il y a un grand problème d’eau potable. Le Sergent « Dopp » explique au chef du village qu’il est indispensable de faire bouillir l’eau avant de boire… Cela évitera bon nombre de maladies surtout aux enfants… Le chef du village comprend mais il lui répond que bien souvent, quand les villageois trouvent de l’eau, ils n’ont pas le temps de la faire bouillir tellement ils ont soif…

Lors des patrouilles, les villageois confient leur désarroi aux militaires qui écoutent… Le problème, c’est que, quand ces militaires reviendront dans le même village dans plusieurs semaines ou plusieurs mois, rien n’aura changé ! La population est donc souvent très critique à l’égard de l’ONU. Une réalité souvent très difficile à vivre pour nos soldats. Un jeune caporal nous confiera être entré dans l’armée à 18 ans par conviction et par idéal, mais après cette mission, il n’est plus sûr de vouloir continuer…

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