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Sri Lanka: pour les chrétiens, aller à l'église avec la peur au ventre

"J'ai peur, bien sûr. Mais nous devons aller à l'église": Ranjan Christopher Fernard, un chauffeur de taxi chrétien, compte aller prier avec sa famille pour les victimes des attentats au Sri Lanka, malgré l'angoisse.

Cet homme de 55 ans habite à Negombo, où l'église Saint-Sébastien a été ciblée par l'une des attaques qui ont fait au total 290 morts dans ce pays d'Asie du Sud, le dimanche de Pâques.

L'un de ses amis a perdu son fils de 11 ans. "J'ai peur, bien sûr", dit-il à l'AFP. "Mais nous devons aller à l'église, nous devons prier pour les blessés, pour qu'ils aillent mieux rapidement". "Ce soir nous nous rendrons tous à l'église pour prier pour les victimes".

Les attentats, imputés par les autorités à un mouvement islamiste local, ont visé quatre hôtels et trois églises en pleine messe de Pâques, plongeant dans le deuil la minorité chrétienne, qui représente seulement 7% des 21 millions d'habitants de cette île majoritairement bouddhiste (70%). Le pays compte également 12% d'hindouistes et 10% de musulmans.

Toutes les célébrations de Pâques avaient été annulées dans le pays.

"Certains peuvent être effrayés d'aller à l'église désormais. Pour le moment je ne sais pas quoi dire", reconnaît le père Lour Fernando, interrogé par l'AFP près de l'église Saint-Sébastien.

"Nous devons rester forts et continuer à aller à l'église et continuer à prier", exhorte-t-il. "Nous ne pouvons pas arrêter".

Ces attentats ont réveillé le souvenir des années noires de la guerre civile, qui a pris fin il y a juste dix ans. Les chrétiens avaient jusque-là été épargnés par les violences dans le pays, notamment par les récentes tensions entre bouddhistes extrémistes et musulmans.

- Tentative de division -

Les catholiques sont perçus comme une force unificatrice au Sri Lanka car on en trouve chez les Tamouls comme chez la majorité cinghalaise.

"Nous n'aurions jamais pensé être ciblés, nous n'aurions jamais pensé avoir besoin de protection", confie un prêtre présent à Saint-Sébastien.

Mais d'autres soulignent qu'il y avait eu des alertes. Un haut responsable de la police sri-lankaise avait averti il y a dix jours, sur la foi d'informations d'une agence de renseignement étrangère, qu'un mouvement islamiste projetait "des attentats suicides contre d'importantes églises".

Un pasteur de l'Eglise du Peuple à Colombo, qui souhaite rester anonyme, a affirmé que la police avait dit aux Eglises la semaine dernière d'être vigilantes face à de possibles "incidents".

"Nous avons accru la sécurité dans notre église la semaine dernière. Nous avons aussi fouillé des véhicules entrant dans notre propriété", a-t-il expliqué.

"Même s'il y a eu un appel de manière générale à rester vigilant, certaines églises ont fait preuve de relâchement parce qu'il n'y avait aucun détail, notamment de date", a-t-il toutefois expliqué.

"J'ai l'impression que des morts auraient pu être évitées si nous avions été plus vigilants".

Certains chrétiens redoutent que ces attentats ne mènent à des violences communautaires généralisées.

"Ce carnage le jour de Pâques me semble être une tentative de diviser les communautés", estime Lakshmi Shanmugam, une chrétienne de 77 ans mariée à un bouddhiste.

"Nous n'avons rien appris de près de trois décennies de conflit... Nos dirigeants ne se sont pas focalisés suffisamment sur la réconciliation", déplore-t-elle.

"Malgré tous les discours sur la protection des minorités ethniques et religieuses, nous vivons toujours dans la peur".

L'archevêque de Colombo avait appelé dimanche le gouvernement du Sri Lanka à "punir sans pitié" les responsables des attentats.

"J'appelle tous les Sri-lankais à ne pas faire justice eux-mêmes et à maintenir la paix et l'harmonie de ce pays", avait-il dit.

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