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USA: la Cour suprême révoque le droit à l'avortement

Dans une volte-face historique, la très conservatrice Cour suprême des Etats-Unis a enterré vendredi un arrêt qui, depuis près d'un demi-siècle, garantissait le droit des Américaines à avorter mais n'avait jamais été accepté par la droite religieuse.

Cette décision ne rend pas les interruptions de grossesse illégales, mais renvoie les Etats-Unis à la situation en vigueur avant l'arrêt emblématique "Roe v. Wade" de 1973, quand chaque Etat était libre de les autoriser ou non.

Compte tenu des fractures dans le pays, une moitié des Etats, surtout dans le Sud et le centre plus conservateurs et religieux, pourraient les bannir rapidement. "La Constitution ne fait aucune référence à l'avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit", écrit le juge Samuel Alito au nom de la majorité. Roe v. Wade "était totalement infondé dès le début" et "doit être annulé". "Il est temps de rendre la question de l'avortement aux représentants élus du peuple" dans les parlements locaux, écrit-il encore.

Tensions autour de la Cour suprême après une fuite

Cette formulation est proche d'un avant-projet d'arrêt qui avait fait l'objet d'une fuite inédite début mai, provoquant d'importantes manifestations dans tout le pays et une vague d'indignation à gauche. Depuis le climat était extrêmement tendu autour de la Cour, où une imposante barrière de sécurité a été installée pour tenir les protestataires à distance. Un homme armé a même été arrêté en juin près du domicile du magistrat Brett Kavanaugh et inculpé de tentative de meurtre.

Interdiction automatique

La Cour suprême a ainsi rendu vendredi la liberté aux 50 Etats américains d'interdire l'avortement sur leur sol. Une moitié d'entre eux devrait s'en saisir à plus ou moins long terme.

Treize Etats, surtout dans le Sud et le centre plus religieux et conservateur, se sont dotés ces dernières années de lois dites "zombie" ou "gâchette" rédigées pour entrer en vigueur automatiquement en cas de changement de jurisprudence à la Cour suprême.

Elles interdisent les avortements avec des nuances: l'Idaho prévoit des exceptions en cas de viol ou d'inceste, le Kentucky uniquement en cas de danger pour la vie de la femme enceinte; la Louisiane prévoit jusqu'à dix ans de prison pour les professionnels de santé, le Missouri jusqu'à 15...

Dans certains Etats, comme le Dakota du Sud, elles entreront en vigueur "le jour" même de la décision. Dans d'autres, comme l'Arkansas ou le Mississippi, le procureur général devra d'abord confirmer que la Cour a changé le cadre juridique. Enfin, le Texas ou le Tennessee ont un délai de 30 jours entre la publication de l'arrêt et l'entrée en vigueur du nouvel interdit.

Le Missouri embraie directement

Le procureur général du Missouri a annoncé vendredi que cet Etat conservateur du centre des Etats-Unis devenait le "premier" à interdire les interruptions volontaires de grossesse dans la foulée de la décision de la Cour suprême, qui a révoqué le droit à l'avortement.

"C'est un jour monumental pour le caractère sacré de la vie", a déclaré Eric Schmitt dans un tweet accompagné d'une image le montrant en train de ratifier le texte qui met fin "véritablement" à l'avortement dans le Missouri - Etat qui ne disposait plus que d'une clinique permettant une telle opération.

Restrictions

Quatre Etats supplémentaires (Géorgie, Iowa, Ohio et Caroline du Sud) disposent de lois interdisant les avortements dès que les battements de coeur de l'embryon sont perceptibles, soit vers six semaines de grossesse quand la plupart des femmes ignorent encore être enceintes. Bloquées par la justice car elles violaient le cadre légal en vigueur jusque-là, elles pourront désormais entrer en vigueur

Plusieurs États s'engagent ensemble à défendre le droit à l'avortement

Les trois Etats progressistes de la côte Ouest des Etats-Unis ont annoncé vendredi qu'ils s'engageaient ensemble à défendre le droit à l'avortement, enterré un peu plus tôt par un arrêt de la Cour suprême.

"Les gouverneurs de Californie, de l'Oregon et de Washington ont publié aujourd'hui un engagement pour défendre l'accès aux soins de santé reproductive, y compris l'avortement et les contraceptifs, et se sont engagés à protéger patientes et médecins contre les tentatives d'autres Etats d'exporter leur interdiction de l'avortement vers nos Etats", selon un communiqué.

Confusion

Plusieurs Etats disposent de lois rédigées avant l'arrêt Roe v. Wade de 1973, qui avait établi le droit des Américaines à avorter. Mises en sommeil pendant près de 50 ans, elles pourraient théoriquement être immédiatement réactivées, mais rien n'est certain.

Prenant acte du risque juridique, la puissante organisation Planned Parenthood ne planifie aucun avortement à compter de la fin juin dans le Wisconsin où le gouverneur démocrate défend le droit à l'avortement mais pas les parlementaires républicains majoritaires.

Dans le Michigan, la procureure générale démocrate Dana Nessel a ajouté à la confusion en promettant de ne pas poursuivre les personnes qui violeraient la loi de 1931 si elle redevenait active. Les procureurs locaux pourront eux toujours le faire et l'Etat risque de devenir un patchwork complexe.

En Arizona, le gouverneur républicain Doug Ducey estime qu'une loi adoptée en 2022 pour interdire les IVG après 15 semaines de grossesse préemptera les textes antérieurs, mais des sénateurs de son parti ne l'entendent pas de cette oreille et il reviendra sans doute aux tribunaux de clarifier la situation.

A surveiller

Quatre Etats ont, selon l'institut Guttmacher, envoyé des signes défavorables à l'avortement, mais ne disposent pas aujourd'hui des textes pour les interdire.

Les élus du Nebraska ou de l'Indiana ont échoué à voter de telles lois. Ceux du Montana et de Floride ont réduit les délais légaux pour interrompre une grossesse mais les cours suprêmes de ces Etats protègent pour l'heure le droit à l'avortement sur leur sol.

Etats protecteurs

Vingt-deux Etats -- surtout sur la côte ouest et dans le Nord-Est -- conserveront le droit à l'avortement et certains ont même pris des mesures pour élargir l'accès aux IVG, notamment en autorisant davantage de professionnels de santé à les pratiquer ou en augmentant les financements des cliniques.

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