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"J'ai l'impression que l'avenir est mort": Toni est désemparé, son centre artistique est à l'arrêt depuis plusieurs mois

La situation causée par l'épidémie de coronavirus a de lourdes conséquences sur de nombreux secteurs, dont celui de la danse. Toni, chorégraphe, dirige un centre artistique. Comme des milliers de Belges, il ne peut plus exercer son métier. Une épreuve difficile qu'il nous raconte.

Toni Naso est le fondateur et directeur artistique de Wizart, une jeune asbl qui crée des shows et des clips de danse. Ce projet ambitieux rassemble 40 danseurs amateurs. Mais depuis le début de l'épidémie de coronavirus en Belgique, le centre artistique n'a quasiment rien produit à cause des mesures sanitaires. "La crise sanitaire lui fait de plus en plus de mal financièrement et émotionnellement", nous dit Mégane, une amie de Toni, via le bouton orange Alertez-nous. Nous avons donc contacté l'artiste pour en savoir plus. 
© Toni Naso

L'homme de 36 ans, passionné de danse, a lancé son concept il y a 1 an et demi. Wizart est né à Braine-le-Château, seulement 6 mois avant que l'épidémie ne frappe la Belgique. Toni nous confie que les débuts s'étaient bien passés. La jeune asbl avait réalisé 8 clips et 2 shows. "Mais Covid a débarqué et Covid a tout chamboulé", lance son fondateur dépité. "Depuis plusieurs mois, on n'a rien pu faire", poursuit-il la gorge nouée.

L'habitant de Forest s'est battu durant des années pour réaliser son rêve. C'est donc le coeur serré qu'il a dû arrêter son projet en mai 2020. Le centre a pu rouvrir en été, suite à un assouplissement des mesures, mais de nouvelles restrictions liées à l'épidémie l'ont forcé à fermer ses portes à nouveau. Une situation insoutenable pour Toni.

J'ai voulu casser les codes

Il nous confie que, grâce à Wizart, il permet à des personnes qui ne sont pas des danseurs professionnels de s'exprimer à travers la danse. "En temps normal, ils ne pourraient pas avoir cette opportunité-là. J'ai voulu casser les codes. Il y a de tout dans mes élèves... des institutrices, des infirmières, des avocates, etc.", précise le chorégraphe passionné par le modern jazz, avant d'ajouter: "Je ne suis pas là pour leur apprendre à danser mais à se libérer, à prendre confiance en eux".

Mais le trentenaire explique qu'il a des craintes concernant ses élèves, car, dit-il, ces derniers s'habituent à autre chose avec le temps. "C'est la grosse panique", pour le danseur.  "J'ai l'impression que l'avenir est mort", lâche Toni, inquiet pour le futur de son centre. 


© Toni Naso

"Je perds complètement ma motivation"

La situation actuelle l'a mis en difficulté financière. Il a investi tout ce qu'il avait dans son centre. L'homme, qui n'a pas de statut d'artiste, a tenté de trouver un emploi pour s'en sortir, mais sans succès car les possibilités de reconversion sont "limitées en ce moment", déplore-t-il.

"On me dit de trouver du travail, mais avec la situation actuelle, les gens ne veulent plus apprendre aux autres. Ils veulent des gens qui connaissent le métier. On n'a pas le temps de t'apprendre un métier, alors on passe à quelqu'un d'autre (...) donc ça ne marche pas. Du coup, on se serre la ceinture et on fait en sorte de tenir un maximum", poursuit le fondateur de Wizart.

Le Bruxellois nous explique qu'il n'a pas eu d'autre choix que de faire appel au CPAS. Et sans cette aide, il ne pourrait pas s'en sortir. "C'était ma dernière roue de secours (...) c'est très compliqué pour moi, je ne sais plus du tout quoi faire. Je garde espoir, mais je perds complètement ma motivation. Est-ce qu'il y aura une réouverture possible un jour?", s'inquiète Toni.

Des frais fixes à honorer

Un autre souci s'ajoute à ceux qu'il a déjà... Au lieu d'être remboursés lorsque Wizart a dû fermer, les élèves de Toni ont reçu des bons à valoir. Ils pourront les utiliser dès la réouverture du centre. "L'année passée, ils n'ont pas eu droit à tous les cours. J'ai dû trouver des solutions, car je ne savais pas rembourser ces gens à cause des frais", précise-t-il.

Toni va donc devoir donner ces cours sans rien toucher car malgré la fermeture, il a dû honorer les frais fixes, comme la location de la salle de danse. "Je me retrouve face à cette situation. Qu'est-ce que je fais? A la réouverture, en plus du loyer de la salle, je dois donner des cours 'gratuits' car ces gens ont déjà payé". Une trentaine d'élèves sont concernés.

Pour s'en sortir, l'artiste a tenté de trouver des solutions pour faire entrer de l'argent dans les caisses. Il a mis en place des workshops de danse et de maquillage pour que les bons à valoir puissent être utilisés. Mais depuis, les mesures sanitaires ont été renforcées et ses ateliers ont dû être annulés.

Un appel à l'aide

"D'octobre à décembre, j'ai passé mon temps à pleurer. J'ai fait une grosse dépression", raconte le Forestois.

Il a souhaité exprimer ce qu'il ressent à travers l'art. Il a réalisé un clip dans lequel il danse seul. Le tournage a eu lieu à la mer du Nord en décembre. "Je voulais exprimer ma tristesse et mon désarroi face à cette situation", confie l'artiste. 

Toni a l'impression qu'il n'y aucune perspective d'avenir pour lui qui a "misé toute sa vie sur l'artistique". "J'ai beau aller au milieu de la rue, crier et faire passer mon message, mais qui va m'entendre ?", écrit-il pour exprimer sa détresse.

"Pour moi l'art est avant tout l'expression qui nous permet de voir le monde de manière différente, qui nous permet de le vivre, de le ressentir, qui nous permet de nous rassembler, qui nous permet d'être libres, qui engendre cette émulation humaine et créatrice que j'aime tant.

Pourtant, aujourd'hui, nous devons vivre le monde différemment.

Aujourd'hui, notre liberté de créer est durement touchée. Aujourd'hui, l'art comme lieu de rencontre où s'éveille l'humanité de l'humain me manque. 

Mais aujourd'hui, j'ai envie de vous dire que je reste fort. Aujourd'hui je suis limité mais il me reste ma liberté, ma créativité, celle qui est avant tout à l'intérieur de moi. J'ai mal mais je reste debout ..."

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