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Cette découverte faite à Habay prouve que les Romains trichaient déjà aux jeux: "C'est le seul exemplaire connu"

La triche existait déjà il y a près de 2000 ans. Le dé pipé retrouvé dans les fouilles de la Villa Mageroy le prouve. Ce premier dé truqué de l’histoire est unique en son genre.

Un dé truqué découvert il y a 22 ans en Belgique se révèle être bien plus important que prévu. Dans son doctorat, Thomas Daniaux, jeune archéologue belge, vient de remettre en lumière cet objet découvert par hasard en 2000 sur le site de fouilles de la Villa gallo-romaine de Mageroy située à Habay-la-Vieille. Il vient de publier un article dans le magazine et sur le site Sciences et Avenir. Son étude fouillée s’est intéressée au fonctionnement exact du dé et a permis d’attester que cette découverte est un cas unique dans le monde romain : "Ce genre de dé est exceptionnel, dans le sens où on en a pas retrouvé ailleurs dans le monde romain. C'est le seul exemplaire connu avec du mercure encore conservé à l'intérieur", se réjouit Jean-François Baltus, archéologue en chef de chantier à la Villa romaine de Mageroy.

Depuis des décennies, le haut du village d’Habay la Vieille fait l’objet de fouilles archéologiques. Les vestiges d’une villa gallo-romaine y ont été mis au jour et continuent de sortir de terre au rythme des chantiers de fouilles successifs. Ils ont révélé une occupation presque continue de ce domaine agricole du 1er au 4ème siècle (après JC) sur une étendue de 3 hectares. Une riche villa que chacun peut visiter aujourd’hui. 

Sur ce site, le 9 septembre 2000, lors d’une fouille organisée et encadrée par des archéologues, un jeune bénévole âgé de 15 ans (Julien Minet) a découvert un minuscule cube (un peu plus d’un cm) en os sculpté. Lequel s’est brisé en 3 par inadvertance sous un coup de truelle, laissant écouler des gouttelettes de mercure de couleur grise.  C’est cette manœuvre accidentelle qui a permis de comprendre le côté exceptionnel de cette découverte.

Après analyse, il s’avère qu’il s’agit de la découverte du tout premier dé à jouer truqué de l’histoire, encore rempli de mercure. Celui-ci avait été creusé avec minutie et rempli d’un peu de mercure liquide, qui avec son poids plus lourd, déséquilibrait le dé. Ce qui permettait au lanceur de forcer le destin et de choisir, en tapant sur le dé, l’une des 6 valeurs présentes sur le dé qu’il lançait. Il lui suffisait de tapoter dessus pour faire descendre le mercure liquide (plus dense) vers la face du dé opposée au chiffre qu’il voulait réaliser, taper la face 1 sur la table pour y faire descendre le mercure et faire un 6 par exemple ; la 3 pour faire un 4 ou la 2 pour faire un 5.

"Il y a d'autres dés qui sont creux dans le monde romain, mais celui-ci, comme on a retrouvé le mercure à l'intérieur, il n'y a pas de doute, c'était un dé destiné à tricher", clarifie l'archéologue.

Des dés au mercure que certains joueurs utilisent encore aujourd’hui. Ceux-ci faisaient déjà, à l’époque, l’objet de jeux et de paris pour beaucoup d’argent parfois. Mais jusqu’ici, personne n’avait pu prouver que certains joueurs utilisaient déjà cette technique il y a près de 2000 ans. À ce jour, c’est le premier et seul exemplaire connu dans le monde romain retrouvé avec encore du mercure conservé à l’intérieur. "On est sur un site rural, une villa romaine. On voit que si c'est arrivé ici, ça doit sans doute être beaucoup plus répandu qu'on ne le pense", estime Jean-François Baltus.

Une preuve que depuis belle lurette, certains dés étaient pipés. Une découverte qui nous en apprend aussi sur l’histoire de l’homme, qui dès la naissance du jeu, a de suite cherché à tricher.

Un objet unique au monde, conservé depuis de longues années au musée archéologique d’Arlon, et qui, à la lumière de cette nouvelle étude, bénéficie aujourd’hui d’un tout beau coup de projecteur. "Maintenant, comme il y a une étude sur ce dé qui est faite à l'université de Fribourg, il va partir là-bas pour analyse. Dès que les analyses seront terminées, il reviendra ici au musée où il sera exposé en vitrine", précise David Colling, directeur-conservateur du musée archéologique d’Arlon. 

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