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Antoine, papa de 2 enfants à Bruxelles, a accumulé toutes les galères depuis un an: "Pas un centime sur les comptes"

Si Antoine et sa famille pouvaient rayer l'année 2020, ils n'hésiteraient pas longtemps. La crise sanitaire a eu des effets dévastateurs sur les finances de ce couple de Bruxellois. Quand la pandémie débarque, Antoine, père de deux enfants, lutte déjà pour obtenir un chômage classique. La suite n'est qu'une longue lutte pour s'en sortir financièrement.

"C'est comme une boule de neige qui n'arrête pas de rouler et de grossir." Antoine (prénom d'emprunt car il veut garder l'anonymat) a 40 ans et est le papa de deux enfants de 10 et 12 ans. Si aujourd'hui sa famille sort timidement la tête de l'eau, c'est au bout d'une année 2020 "chaotique" durant laquelle les problèmes financiers l'ont assaillie. Si ce Bruxellois nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous, c'est parce qu'il vit désormais dans la peur d'une troisième vague et donc de mesures plus strictes.

"Il me doit plus de 20.000 euros"

La difficile année d'Antoine a débuté dès la fin 2019. Vendeur dans une boutique d'accessoires pour fétichistes, son employeur le licencie de "manière abusive", selon lui. "Je me suis rendu compte au bout de deux ans qu'il me roulait dans la farine." Antoine qualifie son ancien employeur "d'escroc". Il évoque des promesses contractuelles non tenues, des combines douteuses sur les heures de travail déclarées mais aussi des manquements salariaux. "Il me doit plus de 20.000 euros", affirme-t-il, sans que nous puissions vérifier cette information. La justice devra statuer sur ce point. 

La boutique ferme ses portes fin 2019 et son ancien employeur, introuvable depuis, part en Angleterre, selon notre alerteur qui porte plainte contre lui et fait appel à une aide juridique. C'est ainsi que s'achève 2019 et débute 2020, entre perte d'emploi et début de procédure judiciaire.  

Pas de C4, pas de chômage

Son ex-employeur en fuite, impossible pour Antoine d'obtenir son C4 et donc ses allocations de chômage dans un premier temps. Le C4 est "un document essentiel qui contient des informations indispensables pour fixer le montant de l'allocation de chômage", rappelle Philippe Chavalle, responsable communication à l'ONEM. Il poursuit: "Quand l'employeur ne délivre pas le C4, il existe la possibilité d'envoyer un contrôleur pour l'obtenir." Une procédure vaine dans le cas d'Antoine car son employeur est dans la nature.

Une carte de crédit salvatrice

En mars 2020, Antoine se remet à peine de ses émotions professionnelles que la crise sanitaire déboule sur notre sol. A ce moment-là, le père de famille est sans emploi et ne perçoit toujours pas d'allocations de chômage en l'absence de C4. Les procédures pour rétablir ce type de situation prennent beaucoup de temps.

Le premier confinement débute et comme pour de nombreux Belges, les problèmes financiers s'aggravent pour sa famille. Le mari d'Antoine travaille dans l'hôtellerie. Il voit son activité cesser par ordre du gouvernement. La famille de deux papas et deux enfants se retrouvent avec un seul salaire raboté de 30%. Antoine se tourne vers le CPAS de sa commune, mais la porte se ferme. "Ils ont été très gentils mais ils m'ont expliqué que mon époux gagnait 5 ou 6 euros de trop avec son chômage temporaire que le montant minimum." La famille s’en remet à la réserve de la carte de crédit qui peut descendre à moins 2.000 euros.

On vous menace de prendre le peu qui vous reste

Les semaines du premier confinement continuent de creuser les finances du couple. "Nous accumulons les dettes. Le salaire réduit de mon mari ne couvre même pas le loyer. Nos comptes se vident." Heureusement, leur propriétaire accepte de réduire de moitié le loyer de 1.460 euros. Un répit de courte durée car un huissier apparaît. En cause, un recouvrement de dettes que le couple traîne depuis des années. Une somme d'environ 200 euros par mois qu'il n'arrive plus à assumer dans de telles conditions.

Et même si les autorités ont mis en place par deux fois des mécanismes de suspension de recouvrement de dettes sur l'année 2020, Antoine évoque "un manque d'humanité" et regrette un certain acharnement dès que ceux-ci sont levés: "J'ai reçu des rappels sous forme de menaces", ébruite le papa de deux enfants. "J'ai fait appel à leur bon sens en parlant du confinement et des difficultés, mais c'est du harcèlement. On vous demande de payer sans explication. Je n'ai pas reçu de coups de téléphone par exemple pour essayer de comprendre ma situation. Le problème est que quand vous êtes au fond du seau et que vous ne savez pas comment nourrir vos gamins, une lettre d'huissier pèse lourd sur votre moral. On vous menace de prendre le peu qu'il vous reste."

Le calme avant la tempête

L'horizon s'éclaircit finalement en juin. Antoine décroche un nouvel emploi en tant que vendeur dans une boutique de meubles. Son mari, lui, reprend son travail et touche en même temps son pécule de vacances. Une bouffée d'oxygène. Le couple éponge ses dettes et retards de paiement. "Ça nous a beaucoup aidés et remontés le moral. On a repris un rythme normal."

Couac avec la CSC

En automne, c'est le deuxième confinement. La boutique de meubles tire les volets comme de nombreux commerces jugés non essentiels. L'Horeca ferme aussi. Naturellement, avec la fermeture du commerce où il travaille, le Bruxellois sollicite un chômage temporaire via son syndicat, la CSC. Après un mois sans nouvelle, Antoine s'inquiète. Cet argent lui est vital, même s'il sait qu'il n'est pas le seul dossier à devoir être traité. La CSC l'informe qu'un document manque. En plus, ses cotisations n'ont pas été payées depuis des mois. Antoine joint la CSC pour s'expliquer. "Je suis tombé sur une personne au call-center, pas la personne qui s'occupe de mon dossier. Elle m'a dit que toute façon je n'aurai pas mon chômage temporaire tant que je ne payais pas mes cotisations."

J'étais sur le fil du rasoir

Le quarantenaire reconnait ne pas avoir payé ses cotisations (106 euros au total) car, dit-il, 'j'étais sur le fil du rasoir, je n'avais pas les moyens. Il n'y avait aucune mauvaise foi de ma part. Je n'avais plus rien. Pas un centime sur les comptes. Je leur ai dit de prendre ma cotisation sur mon chômage temporaire s’ils voulaient." Une procédure qui est pourtant envisageable selon la CSC lorsqu'un affilié ne paie pas ses cotisations. Le chômage temporaire n'est pas forcément interrompu.

La CSC peut-elle prendre directement la cotisation sur le chômage temporaire?

François Reman, porte-parole de la CSC, détaille: "Le paiement du chômage temporaire n’est pas suspendu, sauf en cas de non-réponse à nos courriers. Une régularisation d’un retard de cotisations peut s’effectuer via un prélèvement sur le paiement du chômage temporaire mais uniquement à la demande et avec l’accord de l’affilié."

Pourtant, selon Antoine "la personne de la CSC au bout du fil m'a dit de payer d'abord" avant de couper court à la discussion. Un moment douloureux se souvient le Bruxellois : "J'étais au plus bas de mon moral. Même les enfants voyaient que ça n'allait pas et qu'il y avait un problème. On a l'impression que personne a envie de comprendre la situation et de faire un effort. C'est dur pour tout le monde." 

Ma mère et ma sœur nous ont envoyés un cadeau pour pouvoir les offrir aux enfants

Noël approche et les enfants risquent de ne pas en connaître la saveur, les cadeaux. Alors comme une bouteille à la mer, Antoine rédige un message de détresse et le poste sur les réseaux sociaux, l'envoie à la CSC, etc. à qui veut bien le lire. Son appel de détresse est lu par un employé de la CSC. "Ce n'est pas normal de vous avoir parlé comme ça", lui aurait dit cette personne à propos de sa collègue qui a coupé court la discussion. La situation se règle. Le document manquant arrive et sa cotisation peut être réglée plus tard. Antoine touche son chômage temporaire et dans la foulée les commerces non-essentiels rouvrent leur porte mi-décembre. Il peut reprendre son nouveau boulot de vendeur de meubles. Tout se décante.

Un douloureux bilan

Depuis qu'il a pu reprendre le travail le 13 décembre dernier, Antoine respire. Il dit s'être mis en ordre de cotisations, même si les fêtes de fin d'année n'ont pas pu se célébrer comme d'habitude. "Ma mère et ma sœur nous ont envoyés un cadeau pour pouvoir les offrir aux enfants". Courant du mois de décembre, Antoine a célébré ses 40 ans. L'occasion de faire un bilan: "Ce n'est pas la crise de la quarantaine, mais je me suis dit je n'ai pas de situation fixe, financièrement, nous sommes dans une merde phénoménale. J'ai deux enfants qui ne comprennent pas ce qui se passe car ils ont dix et douze ans. Ils ne sont pas là pour comprendre ces choses-là. Mon mari tourne en rond. Je me suis fait arnaquer par mon ex-employeur et une personne de la CSC ne m'a pas compris. C'était difficile."

Dans l'espoir de jours meilleurs

Aujourd'hui le Bruxellois attend le procès contre son ancien employeur qui a été reporté à mars 2021. Il dit toujours être sur la corde raide niveau financier et croise les doigts pour que le gouvernement ne durcisse pas les règles. "C'est un petit détail mais nous avons sorti les enfants de la cantine. Tous ceux qui ne respectent pas le confinement ou les règles, on a envie de les claquer, excusez-moi du terme. S'il y a un autre confinement, on ne sait pas comment s'en relever…"

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