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François agressé dans le tram pour avoir demandé à deux passagers de porter un masque: "C'est la bêtise humaine que je paie"

Depuis la première phase du déconfinement le 4 mai dernier, le Conseil National de Sécurité a imposé le port du masque dans les transports en commun. Pourtant, tous les usagers ne le portent pas. Personnellement touché par l'épidémie, François s'est permis de demander à deux usagers d'un tram à Bruxelles de porter un masque. La simple remarque lui a valu une cicatrice sur le crâne et plusieurs contusions.

"J'ai couvert des sujets assez lourds dans ma vie mais la plus grosse cicatrice que je vais avoir dans mon métier de reporter, c'est dans un tram en Belgique", témoigne François via notre bouton orange alertez-nous. Ce photoreporter a été violemment agressé par deux passagers d'un tram à Ixelles en région bruxelloise. Son tort ? Leur avoir fait remarquer qu'ils devaient porter un masque, pourtant obligatoire.

Jeudi 4 juin, le mouvement écologiste Exctinction Rebellion organise une action au bois de la Cambre à Bruxelles. François décide de couvrir l'événement, l'occasion d'honorer le nouveau contrat qu'il vient de signer avec une agence belge. "En tant que reporter, on est payé à la photo, explique-t-il. Je commence à vendre un peu mais pour l'instant je suis en chômage économique".

Ses revenus de photoreporter n'étant pas suffisants, il a travaillé comme vendeur dans une boutique de chocolat. Cette dernière a été contrainte de se séparer de lui en raison de la crise provoquée par l'épidémie de coronavirus.

Le photographe s'équipe et prend le tram pour se rendre à l'événement. À quelques centaines de mètres de son arrêt, il constate que deux passagers ne respectent pas le port du masque obligatoire dans les transports en commun. François se permet alors de leur faire remarquer.

J'ai vu une flaque de sang à mes pieds alors je me suis dit 'ouille, je suis quand même bien blessé

Il confie avoir déjà interpelé des personnes qui ne portaient pas leur masque : "En général, ça se passe plutôt bien". Cette fois, les deux individus "1 mètre 85, bien balaises" se montrent rapidement agressifs et répondent : "dégage, ta mère", rapporte François.

Il se dirige alors vers le chauffeur mais l'un de ses interlocuteurs empoigne son appareil photo, du matériel professionnel assez imposant. Par conséquent, quand l'agresseur lui frappe le crâne avec, le choc est particulièrement violent. "J'ai empoigné mon appareil, je l'ai blotti contre moi et j'ai ramassé des coups et des coups des deux mecs".

Le chauffeur semblait être "un jeune peu expérimenté", se souvient François. Il a pris peur et a eu le réflexe "d'appuyer sur le bouton pour appeler la sécurité". À ce moment-là tout va très vite. Le tramway est à l'arrêt, les portes ouvertes, les deux agresseurs s'enfuient.

La solidarité des autres passagers

Sonné, François tente de reprendre ses esprits, assis sur un siège : "J'ai vu une flaque de sang à mes pieds alors je me suis dit 'ouille, je suis quand même bien blessé'". François se rend alors compte que les autres passagers sont là pour lui venir en aide. "Il y eu une solidarité, j'étais assez étonné".

Plusieurs personnes ont tenté de retenir les agresseurs. "Un petit ket de 10 ou 11 ans est allé m'acheter une bouteille d'eau et j'ai retrouvé un spray désinfectant qu'il a laissé dans mon sac d'appareil photo. Les gens autour ont pris soin de moi".

François salue autant l'aide des usagers du tram que l'efficacité du service de sécurité de la STIB. La société de transport bruxelloise nous a confirmé les faits : "Les rapports font mention d'une altercation entre passagers liée au fait que certains ne portaient pas le masques. Les services de la STIB et la police sont intervenus". Deux individus ont en effet été interpellés quelques arrêts plus loin comme le confirme la porte-parole de la zone de police d'Ixelles.

Transporté à l'hôpital en ambulance, François s'en sort avec plusieurs points de suture sur le crâne et des contusions. Ses blessures lui valent une semaine d'incapacité mais il relativise : "Je ne vais pas me plaindre il y a des choses bien plus graves, j'appelle ça un accident de vie".

Le photographe se dit tout de même choqué et considère "payer la bêtise humaine". "Je suis reporter humanitaire, j'ai fait la révolution égyptienne, je suis allé en Syrie, il m'est arrivé d'avoir quelques petits bobosmais la plus grosse cicatrice que je vais avoir dans mon métier de reporter, c'est en Belgique dans un tram".

J'ai perdu ma grand-mère à cause du coronavirus, elle était en home donc je sais ce que c'est de perdre quelqu'un à cause du virus

1.495 contrôles

Au-delà de son agression, il déplore les nombreuses incivilités qu'il dit constater au quotidien. "Il y a plein de gens qui ne portent pas leur masque et c'est vraiment un danger. C'est surtout une certaine jeunesse un peu 'je-m'en-foutiste'. Ils ne se rendent pas compte parce qu'ils sont jeunes donc c'est moins dangereux pour eux", regrette François.

Lui, connaît bien les conséquences économiques de l'épidémie avec la perte de son emploi. Mais surtout les conséquences humaines : "J'ai perdu ma grand-mère à cause du coronavirus, elle était en home donc je sais ce que c'est de perdre quelqu'un à cause du virus. Ces gens n'en ont pas conscience, ils sont dangereux".

Usager quotidien de la STIB, il aimerait voir davantage de contrôles pour la sécurité sanitaire dans les transports. Ils sont pourtant nombreux selon la porte-parole du service de transport bruxellois : "Depuis le début de l'obligation du port du masque (lors de la première phase du déconfinement le 4 mai, ndlr), jusque début juin, 1.495 missions de contrôle ont été réalisées par les équipes de la STIB". Ces contrôles sont effectués en collaboration avec la police.

Impossible de connaître le nombre de contraventions dressées lors de ces contrôles mais "le non-respect du port du masque est vraiment très marginal. Dans la grande majorité des cas, les voyageurs respectent les règles et portent bien les masques", rapporte la STIB.

Les deux usagers qui ne le portaient pas ce jeudi n'ont pas été inquiétés pour cela. En revanche, ils ont été privés de liberté et auditionnés par le procureur du Roi pour répondre de l'agression envers François. Ils comparaîtront devant le tribunal correctionnel le 19 juin prochain pour coups et blessures.

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