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Réforme des pensions: Jacques, prépensionné depuis 8 ans, craint une perte mensuelle de 100€ bruts/mois

Les futurs retraités ayant une durée de carrière supérieure à 45 ans, soit la durée d'une carrière complète, devraient toucher davantage avec la réforme des pensions. Sauf dans certains cas particuliers illustrés notamment par celui de Jacques.

La réforme des pensions est au cœur des débats depuis quelques années. Le gouvernement fédéral de Charles Michel évoque des adaptations nécessaires pour faire face aux réalités économiques et sociales, l'opposition et les syndicats n'y voient qu'une manière de faire des économies sur le dos des travailleurs. La vérité, comme toujours, est entre les deux...

A 64 ans, Jacques est proche de l'âge légal de la pension, qui est de 65 ans jusqu'en 2024 (ça passera à 67 ans en 2030). Employé puis cadre dans le secteur chimique, il a accepté de prendre sa prépension en 2010 suite à une restructuration. "Régulièrement, je regarde sur mypension.be (le nouveau site qui dépend du Service Pensions) quel sera le montant de ma pension. En janvier, j'avais encore été voir, et le montant était de 1.400€ net par mois", nous a expliqué, via le bouton orange Alertez-nous, notre témoin qui habite du côté de Binche.

"Vers le mois de mars, je suis retourné pour voir s'il y avait une évolution, car j'avais rempli des documents relatifs à ma pension. Et j'ai vu que le dossier était bloqué: il n'y avait plus de montant". Jacques va voir un expert qui est de permanence dans sa commune un jour par mois. Rapidement, la mauvaise nouvelle tombe. "La personne m'a dit que j'allais perdre environ 100€ brut par mois suite à la réforme, car en 2019 ce seront les 45 premières années qui seront prises en compte, et non les 45 dernières", explique Jacques, qui peut officiellement prendre sa pension en mars de l'année prochaine.

Une volonté de renforcer le lien entre le travail et les pensions

Quelle est la situation aujourd'hui ?

Les modifications du calcul des pensions qui vont pénaliser Jacques sont effectivement dus à la réforme en cours. Elles concernent un cas bien précis: ceux qui ont une "carrière" de plus de 45 ans, sachant que les années de chômage et de prépension sont actuellement considérées comme faisant partie de cette carrière.

Il s'agit donc de tous ceux qui ont commencé à travailler relativement jeunes, entre 16 et 20 ans. Aujourd'hui, ceux qui ont commencé tôt et qui ont 65 ans reçoivent une pension calculée sur les 45 meilleures années, "qui sont souvent les dernières, car on gagne plus en fin de carrière", nous a expliqué le porte-parole du cabinet de Daniel Bacquelaine.

Sur ce base de ce fonctionnement, Jacques pensait gagner 1.400€ nets lors de sa prise de pension en 2019.

En 2019, la situation change

Mais justement en 2019, le principe de calcul change. On ne limite plus à 45 ans la base de calcul des pensions, on prend toutes les années de carrière en compte. C'est ce qu'on appelle "la fin de l'unité de carrière".

A la base, c'est une bonne nouvelle: ceux qui ont travaillé plus longtemps ont cotisé plus longtemps, et leurs pensions seront gonflées "en moyenne de 53€ par mois", selon le cabinet. C'est "une volonté de renforcer le lien entre le travail et les pensions: on supprime l'unité de carrière en faveur de ceux qui poursuivent une activité professionnelle après 45 années de carrière".

Cependant, cette bonne nouvelle est assortie de deux arrêtés royaux qui précisent que, pour faire simple, "ne seront prises en compte que les périodes travaillées", et pas les périodes de chômage ou de prépension. Logique, d'après le cabinet Bacquelaine: "Si on est en prépension en fin de carrière alors qu'on a commencé à travailler il y a plus de 45 ans, il n'y a pas de raison que cela fasse augmenter les revenus de la pension, idem pour le chômage. Car socialement, il y a déjà eu une allocation de la part de l'Etat…"

Et dans le cas de Jacques...

C'est dans ces deux arrêtés royaux qu'on comprend d'où vient la perte de 100€ bruts annoncée à Jacques. Il a une carrière de plus de 45 ans mais entre 2010 et 2018, il était en pré-pension. Durant cette période, il y a des années qui lui font dépasser les 45 ans de carrière. Mais ces années ne sont pas "travaillées", et ne sont donc pas prises en compte par le Service Pensions. Dès lors, effectivement, sa pension sera calculée sur les "45 premières années" de carrière de Jacques.

Nous avons soumis son témoignage au cabinet du Ministre des pensions. "C'est un cas extrême… Une telle situation est possible, mais ce n'est vraiment pas la règle générale", nous a expliqué son porte-parole, Koen Peumans, qui souligne davantage les effets positifs dont on a parlé. Il reconnait cependant que dans certains cas, les modifications du calcul vont effet perdre "en moyenne 13€ par mois" à ceux dont la carrière dépasse 45 ans et comprend des périodes dites "non travaillées" (chômage ou pré-pension).

Conclusion

Le syndicat FGTB insiste sur ce désavantage particulier (perte en cas prépension ou de chômage). Le cabinet du ministre Pensions insiste forcément sur le bon côté des choses (gain si on travaille effectivement durant plus de 45 ans, logique de lier travail effectif et pension).

Cette 'fin de l'unité des carrières' n'aura finalement pas tellement de conséquences pour Jacques, notre témoin. "C'est n'est pas grave, c'est un restaurant en moins par mois, mais je préfèrerais quand même avoir 100€ (bruts) dans ma poche plutôt que dans celles de l'Etat".

Précisons tout de même que dans les "exceptions au principe" que nous a fournies le cabinet Bacquelaine, on apprend que "ne sont pas concernées (…) les prépensions pour entreprise en restructuration". Il est donc possible que finalement, la pension de Jacques soit calculée à l'ancienne.

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