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Coronavirus - Les compagnies aériennes rechignent à rembourser les billets des vols annulés, voire refusent: ont-elles le droit?

Dans la tourmente, les compagnies aériennes souhaiteraient ne pas être tenues de laisser la possibilité d'un remboursement à leurs clients pour leurs vols annulés. Certaines compagnies s'affranchissent déjà du règlement européen en la matière.

Les avions cloués au sol par la crise du coronavirus, de nombreux clients se voient proposer par leur compagnie aérienne un "voucher", c'est à dire un bon à valoir pour un futur vol. Obtenir un remboursement est une démarche nettement plus compliquée, voire impossible. À cet égard, nous avons reçu plusieurs messages de clients de Ryanair nous racontant leurs déboires. Et la compagnie irlandaise est loin d'être le seul mauvaise élève... Via notre bouton orange Alertez-nous, Dirk, de Molenbeek, se révolte contre la lenteur de Brussels Airlines à le rembourser. Idem pour Guillaume : "Je suis au chômage temporaire, donc cet argent qui est retenu chez Brussels Airlines, j'en ai besoin !", fait-il remarquer. De son côté, Safia affirme que TUI lui refuse tout bonnement le remboursement de ses billets d'avion. "Est-ce qu'ils ont le droit ?", nous interroge-t-elle.

En refusant le remboursement des billets pour les vols annulés, Tui ne respecte pas le règlement européen

Le règlement de l’Union européenne sur les droits des passagers précise que ces derniers, en cas d'annulation d'un vol, "ont droit au remboursement du billet dans un délai de sept jours au prix auquel il a été acheté pour la ou les parties du voyage non effectuées".

"Une société aérienne peut offrir un "voucher" mais le passager a le droit de le refuser et d'être remboursé", explique Stefan de Keersmaecker, porte-parole 'Transport' de la Commission européenne.

Sur son site internet, la compagnie TUI tente justifier un refus du remboursement : "Cette initiative est entre-temps largement suivie au sein du secteur, et est conforme à la solution trouvée par le législateur belge pour le secteur du voyage", prétend-elle.

Tui s'appuie sur un arrêté belge qui ne concerne que les voyages à forfait

Cette "solution" fait référence à un arrêté pris fin mars par Nathalie Muylle, la ministre fédérale de l’Économie, permettant aux opérateurs de voyage de délivrer un bon à valoir plutôt qu’un remboursement.

Toutefois, cet arrêté concerne les voyages à forfait, et non les vols "secs" (vendus sans autre prestation que les billets d'avion). Pour les billets d'avion, les compagnies aériennes doivent proposer le remboursement à leurs clients.

"TUI dit 'Nous on fait comme pour les voyages à forfait'. Sauf qu'ils n'ont aucune base légale pour faire ça", résume Julie Frère, porte-parole de Tests Achat. "On est encore en pourparler pour adapter cet arrêté aux billets d'avion, riposte Sarah Saucin, la porte-parole de TUI Belgium. Et pour l'instant ce sont les bons à valoir qui sont donnés à nos clients".

TUI n'est pas la seule compagnie aérienne à vouloir imposer les bons à valoir à ses clients. Air France ou KLM font de même, ainsi que "toute une série de compagnies qui ne disent même pas que le remboursement est possible", déplore Julie Frère. Tests Achats a envoyé un courrier de mise en demeure à une dizaine de compagnies aériennes qui ne respectent pas la réglementation européenne.

La commission européenne intransigeante sur le droit des passagers

Depuis le début de la crise, la commission européenne n'a cessé de rappeler le droit des passagers à obtenir un remboursement pour leurs vols annulés.

Mais le mercredi 29 avril, douze pays européens, dont la Belgique, ont demandé à la Commission européenne de suspendre l'obligation faite aux compagnies aériennes de rembourser les passagers dont les voyages ont été annulés à cause du coronavirus. Madame Adina Valean, Commissaire européen aux Transports a une nouvelle fois rejeté cette demande.

"C'est une question de trouver un bon équilibre entre d'une part les intérêts tout à fait légitimes des passagers qui ne veulent pas être dans une position où ils doivent financer tous les problèmes économiques des sociétés aériennes et, d'autre part, l'intérêt économique de tout ce secteur aérien qui est vraiment problématique", explique Stefan de Keersmaecker, porte-parole 'Transport' de la Commission européenne. "Notre position, c'est que le remboursement est un droit", souligne-t-il. "Ceci étant dit, nous pensons que c'est une bonne idée de rendre ces vouchers le plus attractif possible", précise-t-il. Le porte-parole met en avant l'exemple danois où des compagnies proposent des vouchers assurés contre l'insolvabilité.

L'amendement demandé par les 12 États européens auprès de la commission européenne suscite la colère de Tests Achats. "Si le secteur aérien rencontre d’importantes difficultés, la crise a également de terribles conséquences financières pour la population (...) C’est précisément en temps de crise que les droits des consommateurs doivent être protégés et garantis", déclare l'association belge de défense de consommateurs dans un communiqué.

Chez Brussels Airlines, d'importants retards pour les remboursements

Les plaintes que nous avons reçues concernant Brussels Airlines ne sont pas tout à fait du même ordre que celles visant TUI. La compagnie aérienne belge laisse la possibilité aux voyageurs dont les vols ont été annulés de demander un remboursement. Mais la tâche est loin d'être évidente... "On vous dit qu'un remboursement est toujours possible mais pour trouver l'information sur le site, pour trouver le formulaire de remboursement. c'est un parcours du combattant", déplore Julie Frère.

En outre, les délais pour effectivement obtenir le remboursement posent problème. "Pour le moment, nous sommes un peu surchargés. Nous avons choisi de donner la priorité à ceux qui veulent une autre réservation. C'est pour ça que cela prend très longtemps pour faire des remboursement", explique Maaike Andries, porte-parole de la compagnie. Actuellement chez Brussels Airlines, plus de la moitié des employés sont au chômage partiel. "Ceux qui sont là sont tellement débordés", note la porte-parole.

Les États appelés à renflouer des compagnies aériennes plombées par la crise

Brussels Airlines, filiale de la compagnie aérienne allemande Lufthansa, demande à l'État belge une aide de 290 millions d'euros pour survivre à la crise du Covid-19. La compagnie belge est loin d'être la seule à réclamer des aides publiques. À titre d'exemple, la France et les Pays-Bas ont annoncé un plan de sauvetage de 12 milliards d'euros pour Air France-KLM. En Italie, le gouvernement va reprendre en main Alitalia, que la crise du coronavirus a poussé à la faillite. 

"Il est inacceptable que les compagnies aériennes bénéficiant d’aides d’Etat très importantes n’utilisent pas ces dernières pour faire face à leurs obligations vis-à-vis des passagers", s'indigne à cet égard Test Achats.

M. Schvartzman vice-président de l'association internationale du transport aérien (Iata) déplore pour sa part que les compagnies "supportent toujours en Europe le poids de 10 milliards de dollars pour le remboursement de vols annulés en raison des restrictions de déplacements", rapporte Capital.

La semaine dernière, Ryanair a annoncé la suppression de 3.000 emplois. British Airways prévoit de supprimer jusqu’à 12 000 emplois.

Chez Brussels Airlines, un plan de licenciement a été annoncé, mais "il est trop tôt pour dire combien de postes vont disparaître", dit la porte-parole. Dans le cas de Tui, les suppressions d'emploi ne sont "pas du tout d'actualité".

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