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Lisa obligée de prendre un architecte pour repeindre l'extérieur de sa maison dans une autre couleur: "Je trouve ça totalement injustifié"

En Wallonie, depuis juin 2017, c'est le Code du Développement Territorial de la Région Wallonne, le CoDT, qui régit tous ce qui concerne les immeubles et travaux que l'on peut y faire avec ou sans permis. Et quand on touche à la façade, même si ce n'est que pour une couche de peinture, on ne peut pas faire ce qu'on veut, comme l'a appris une habitante du Hainaut qui va devoir faire appel à un architecte, ce qui devrait coûter au minimum... 2.000 euros.

Lisa habite à Houdeng-Goegnies, une section de la ville de La Louvière. Elle souhaite repeindre sa façade et son toit, qui commencent tout doucement à perdre de leur superbe. Un petit coup de frais donc, pour lequel elle ne s'attendait pas du tout à devoir faire autant de démarches. C'est en allant se renseigner auprès du service urbanisme de sa commune qu'elle fait connaissance avec le fameux CoDT.

Face à l'agent communal, elle n'en croit pas ses oreilles: "L'employé me dit être désolé, mais depuis juin 2017, je vais devoir prendre un architecte!"

Un architecte pour un coup de peinture? Lisa n'en revient pas. "Il me dit que c'est parce que la surface à repeindre dépasse 25% de "l'enveloppe" de la maison. Je n'avais évidemment pas prévu cela dans mon budget. Et en plus, je devrais attendre 135 jours minimum une fois le dossier bouclé pour avoir une réponse. Je trouve ça totalement injustifié", nous dénonce-t-elle via notre bouton orange Alertez-nous.

Et pourtant, l'agent communal n'a pas menti. Tout ici est question de couleur...


Pas besoin de permis pour repeindre l'extérieur de votre maison dans les mêmes couleurs

Si Lisa avait souhaité simplement repeindre façade et toiture à l'identique, sans changer les couleurs, elle n'aurait pas eu besoin de permis. En effet, "dans le cas où vous repeignez dans même couleur, pas besoin de passer par un architecte et d'obtenir un permis. Dès l'instant où vous ne changez pas l'apparence du bâtiment, son aspect architectural, aucun permis n'est nécessaire", nous précise Marie Minet, la porte-parole du ministre wallon de l'Aménagement du territoire Carlo Di Antonio. Repeindre sa façade dans les mêmes tons qu'avant est donc permis sans permis.

Une disposition pas si évidente que ça à déduire du texte du CoDT, qui stipule seulement ce qui nécessite un permis, et pas ce qui n'en nécessite pas: "Sont soumis à permis d’urbanisme préalable (…) les travaux d’aménagement (…) extérieur d’un bâtiment (…) en ce compris les travaux d’entretien (…) qui impliquent une modification (…) de son aspect architectural." (Art. D.IV.4. 5° du CoDT, page 81, si vous souhaitez en savoir plus)

Par conséquent, ne pas toucher à l'aspect architectural ne demande pas de permis.


Besoin d'un permis avec architecte si vous changez la couleur de plus de 25% de l'enveloppe de la maison

Le problème pour Lisa, c'est que "c'est une très vieille maison avec une moitié de la façade beige et l'autre moitié blanche". Et idéalement, elle aurait souhaité uniformiser ça d'une même couleur, ce qui va changer son aspect architectural.

Elle se retrouve alors soumise à une autre règle du CoDT. Pour synthétiser, transformer en touchant à l'aspect architectural initial plus de 25% de l'enveloppe du bâtiment n'est pas permis sans permis, et sans l'intervention d'un architecte.

Pour comprendre ce que représentent ces 25%, il faut se référer à ce deuxième document de la Région wallonne. Il précise que l'enveloppe, c'est la superficie cumulée des façades, des murs mitoyens, des toitures et des dalles de sol du volume principal, en ce compris les éventuelles annexes (remises, buanderies) si on peut y accéder par l'intérieur de la maison.

Et dans le cas de Lisa, la superficie couverte par ses travaux de peinture dépasse ces 25% fatidiques.


Un architecte "pour rien" qui coûte 2.000€ minimum : "On passe pour des malhonnêtes"

Résultat : Lisa va devoir faire appel à un architecte. Quel pourrait bien être son rôle dans un "simple" coup de peinture? Nous avons posé la question au président de l'Union Wallonne des Architectes, Robert Treselj, qui a récemment eu un cas similaire du côté de Dinant. "L'architecte aura un rôle purement administratif, celui de dresser un dossier à remettre à la commune. Je ne vois pas l'apport de l'architecte là-dedans, à moins qu'il y ait un changement de matériau, donc d'isolation. Là ça a son importance", explique-t-il.

Mais ce simple dossier purement administratif va coûter très cher. Car "la charge administrative d'un dossier de permis d'urbanisme reste la même", peu importe l'importance des travaux à réaliser. "Dans un dossier comme celui-ci, l'architecte doit se rendre sur place, procéder au mesurage, au relevé du bâtiment, il doit retracer tous les plans, puis il y a toute la partie administrative qui risque de prendre plus de temps que le tracé du plan, avec des formulaires statistiques à remplir, des notices d'incidence, des extraits cadastraux à vérifier, des plans de secteur... En tout, ça devrait prendre environ 4 jours de travail, ce qui devrait certainement coûter aux alentours de 2.000 à 3.000€."

Pour M. Treselj, il s'agit d'une des failles du CoDT qui pénalise les architectes eux-mêmes. "On ne court par après ce genre de dossier car on n'a pas de réelle utilité et on est mal à l'aise quand on reçoit une demande comme ça, parce qu'on passe pour des malhonnêtes." Pour lui, "il faudrait des permis allégés pour ce genre de demande. Ici, on utilise un bazooka pour tuer une mouche !" 


Besoin d'un permis simplifié si vous changez la couleur de 25% maximum de l'enveloppe de la maison

Ces permis simplifiés existent, mais tant qu'on ne touche qu'à un quart maximum de son bâtiment. Si on veut changer l'aspect architectural sur 25% maximum, on peut alors bénéficier d'un permis d'urbanisme simplifié avec procédure plus facile et rapide qu'un permis classique, car cela rentre dans les conditions de travaux dits "d'impact limité", une des nouveautés apportées par le CoDT. Et là, pas besoin d'architecte.


Certaines règles bientôt revues

On le constate, il y a un déséquilibre dans la réglementation actuelle. Voilà pourquoi les services du ministre Di Antonio vont changer certaines règles. "Nous travaillons à la modification de la partie réglementaire en ce moment", détaille la porte-parole du ministre. "L’évaluation du CoDT est prévue en juin et les modifications devraient être approuvées en première lecture à l’automne – avec un aboutissement en 2019." Le but est de rendre le texte plus compréhensible et d'en corriger les éventuels défauts... comme le recours obligatoire à un architecte pour une raison aussi futile qu'un changement de couleur sans toucher aux matériaux utilisés.


Conseil: adressez-vous à votre commune car il y a des exceptions

Si ces règles sont déjà complexes à comprendre pour les professionnels, elle le sont encore plus pour le citoyen. Voilà pourquoi le Service Public de Wallonie a publié une brochure explicative à l'adresse des citoyens wallons. Si vous comptez réaliser des travaux, c'est celle-là qu'il faut lire.

Mais quoi que vous souhaitiez entreprendre, il n'y a qu'un seul conseil à suivre: "Prenez toujours contact avec le service urbanisme de votre commune", résume Marie Minet. "D'autant qu'il se peut qu'une commune ait des règlements d'aménagement du territoire indépendants des règles wallonnes. Il n'y aura pas les mêmes règles d'urbanisme dans le piétonnier de Namur et dans un nouveau lotissement à la campagne par exemple. D'ailleurs, il faut aussi prendre en compte le fait que dans les lotissements existent aussi les permis de lotissement. Ce sont ceux-ci qui s'appliquent quand on veut, comme dans ce cas-ci, changer la couleur de son bâtiment."

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