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Mis en chômage temporaire en 2020, Stéphane doit rembourser 2.000€ après un an et demi: "On nous donne des aides, pour ensuite les réclamer"

Stéphane (nom d’emprunt) apprend après un an et demi qu'il doit rembourser des allocations de chômage temporaire coronavirus, auxquels il n’avait pas droit. L’Office national de l’Emploi réalise des contrôles et va récupérer au moins 34 millions d’euros.

Stéphane, 28 ans, est révolté. En décembre 2021, il a reçu un cadeau amer : une invitation à rembourser le chômage temporaire coronavirus qu’il a perçu pour les mois de mars et d’avril 2020. Via le bouton orange Alertez-nous, il explique avoir reçu un courrier de l’Onem, l’Office national de l’Emploi, indiquant qu’il avait reçu des allocations indues. L’ouvrier demande à être convoqué pour avoir des éclaircissements. Lors de ce rendez-vous, on lui apprend que son ancien patron ne s’est pas présenté à la convocation qui avait été fixé pour justifier la mise en chômage temporaire. Une semaine plus tard, il reçoit la décision de l’office : une exclusion du droit aux allocations pour la période et une demande de remboursement des sommes perçues.

En colère, Stéphane ne comprend pas ce qui lui arrive: "Le patron me met en chômage coronavirus, moi je suis ce qu’on me dit, je reste chez moi. On nous donne des aides, pour ensuite les réclamer après enquête… Après un an… c’est quand même fou, surtout que les formulaires entre l’Onem et le syndicat ont circulé, que le paiement avait été accepté, le paiement est fait et puis après on nous dit : Ben non, finalement ce qu’on vous a donné ça ne va pas".

On vit avec le coronavirus depuis 2020, ça devient de plus en plus dur donc ça encore par-dessus… C’est très compliqué

Stéphane a touché environ 2.400 euros d’allocations pour trois périodes de chômage temporaire en 2020, chez deux employeurs différents. L’Office national de l’Emploi a donc refusé la mise en chômage coronavirus car il considère que le travailleur devait être couvert par une rémunération durant ces périodes. Après correction de la décision, l’Onem réclame désormais un peu plus de 1.900 euros à Stéphane.

"Je trouve ça fou et si on ne fait pas appel au syndicat, on se retrouve face à une dette de plus de 2.000 euros. Et je vais avoir des lettres de relance pour la somme", lance Stéphane. Dépité, il ajoute: "Là, j’ai l’impression d’être un peu une victime de l’état. On vit avec le coronavirus depuis 2020, ça devient de plus en plus dur donc ça encore par-dessus… C’est très compliqué".

L’Onem a fait preuve de peu d’empathie

En théorie, l’Onem dispose d’un délai de trois ans pour récupérer des montants. "Nos collaborateurs font tout ce qu’ils peuvent pour prendre les décisions le plus rapidement possible parce qu’on comprend que ce n’est pas très agréable de recevoir une décision de récupération après une période assez longue", commente Marc Rogiers, le directeur général de l’Office national de l’Emploi.

Stéphane s’est donc adressé à son syndicat, la FGTB, l’organisme qui lui a payé ses allocations. Le syndicat socialiste a lancé une procédure via sa centrale métal. Des démarches sont entreprises pour que l’employeur paie les salaires au travailleur. Dans le cas où le patron ne s’exécuterait pas, la FGTB introduira un recours auprès du tribunal du travail.

En attendant, le président de la FGTB, Thierry Bodson, estime tout de même que "c’est un peu cavalier de réclamer 2.000 ou 3.000 euros aux gens. Vu la situation totalement exceptionnelle, l’Onem aurait dû prendre l’initiative de demander de pouvoir accorder des délais. L’office a fait preuve de peu d’empathie".

Du côté de l’Office national de l’Emploi, on justifie ces contrôles à posteriori par la situation inédite vécue au début de la pandémie. Le gouvernement a voulu garantir un paiement rapide à tous ces travailleurs concernés pour la première fois dans leur vie au chômage temporaire. 1.733.727 travailleurs ont eu au moins 1 jours de chômage covid en 2020 et 2021. Les procédures ont été simplifiées, les cartes de contrôle ont été temporairement suspendues, ainsi que certains mécanismes de contrôle (qui s’effectuent normalement avant ou au moment du paiement).

Le coût du chômage corona: 4,346 milliards en 2020, 2,182 milliards en 2021

Marc Rogiers, le directeur général de l’Onem explique que cette simplification a "malheureusement aussi quelque part facilité les possibilités d’abus". Vu les montants importants : 4,346 milliards d’euros alloués en 2020, 2,182 milliards d'euros en 2021, "il est nécessaire de contrôler". Ces contrôles se font sur base de la comparaison de banques de données, ou sur le terrain.

Exemples de contrôle auprès des employeurs :

- Vérifier si la demande de chômage temporaire était légitime. "Si quelqu’un a été engagé juste au moment de la pandémie, quand la fermeture obligatoire a commencé en mars 2020, c’est clair qu’il s’agit d’un abus", estime Marc Rogiers.
- Vérifier si les activités normalement exercées par les travailleurs en chômage temporaire ne sont pas des activités sous-traitées.
- Vérifier si les travailleurs pouvaient en bénéficier (les fonctionnaires sont par exemple exclus)

Exemple de contrôle auprès des travailleurs :

- Vérifier s’ils sont bien liés par un contrat de travail.
- Vérifier s’il n’y avait pas de cumul avec d’autres allocations, par exemple des allocations de maladie, d'incapacité de travail mais aussi des activités d’indépendants.

Ce n'est pas une chasse aux fraudeurs

A la suite de cette enquête, une décision de conformité ou de non-conformité est prise. La non-conformité, c’est la décision de refus de chômage temporaire notifiée à l’employeur d’une part (il peut bien sûr introduire un recours) et d’autre part au travailleur puisque c’est lui qui a perçu les allocations indues.

88.000 enquêtes réalisées et 38.000 infractions constatées

Marc Rogiers rejette le terme de "chasse aux fraudeurs": "On a effectué 88.000 enquêtes (56.000 auprès des travailleurs et 32.000 chez les entreprises), 43 % des dossiers se sont révélés non conformes. 38.000 infractions, c’est beaucoup effectivement par rapport à des années hors covid je dirais mais quand on voit les montants d’allocations qui ont été payés, je ne pense pas qu’on puisse parler d’une chasse".

Sur les 38.000 infractions constatées jusqu’à présent, il y a eu 28.000 décisions de récupération pour un montant de près de 34 millions et demi d’euros, précise Marc Rogiers.

Mais dans le cas de Stéphane, pourquoi l’Onem ne réclame-t-elle pas les allocations à l’employeur?

"D’un point de vue juridique, c’est la seule façon de récupérer cet argent", souligne Marc Rogiers, "car c’est le travailleur qui a perçu les allocations indues".

Le travailleur a des possibilités de recours. "Si c’est l’employeur qui n’a pas fait les choses de manière légitime, le travailleur devra s’adresser à son tour à son patron pour obtenir ce à quoi il a droit". D'ailleurs, comme indiqué plus haut, Stéphane a décidé de lancer une procédure, via son syndicat.

En cas d’erreur matérielle ou si c’est manifestement injuste, le travailleur peut éventuellement demander une révision au directeur du bureau du chômage, mais c’est plus exceptionnel.

Un recours peut également être introduit auprès du tribunal du travail. Le travailleur dispose d’un délai de trois mois. Et si la décision est malgré tout confirmée, il y a toujours la possibilité de demander un plan d’apurement, pour rembourser les montants.

Et maintenant? Stéphane attend des nouvelles de son dossier. "Si on m’oblige à rembourser ? Je n’aurai pas d’autre choix que de payer. Ce sera un paiement sur plusieurs mois, ce n’est pas une petite somme qu’on me réclame."

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