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Un Belge parvient à faire plier un site de bourse en ligne frauduleux: il va récupérer ses 65.000€ grâce à une contre-attaque audacieuse !

Etienne (nom d'emprunt) pensait faire fructifier rapidement un capital qu'il avait à disposition durant quelques mois. Manipulé par un 'chargé de compte' sur un site de trading d'options binaires, il a fini par perdre 65.000€. Avant de les récupérer, prochainement, car il ne s'est (vraiment) pas laissé faire. La FSMA, l’Autorité des services et marchés financiers en Belgique, a confirmé le danger de ce genre de produits, mais elle a une bonne nouvelle à nous annoncer !

Vous avez forcément déjà aperçu une publicité de ce genre, en parcourant le web: la promotion d'un site internet permettant de gagner facilement beaucoup d'argent en misant sur les variations du cours des devises, souvent le taux de change Euro / Dollar.

On appelle cela du trading d'option binaire (pour faire simple, il n'y a que deux possibilités avec ce genre de jeux dangereux en bourse: on gagne ou on perd, d'où le nom 'binaire').

Il est très prisé des particuliers car il est relativement simple à appréhender, à comprendre. Et surtout parce qu'il existe d'innombrables sites web qui mettent à disposition des plateformes pour exercer ce type de trading déconseillé par tous les spécialistes, car très risqué.

Comme vous allez le voir, la plupart des gens perdent (beaucoup) d'argent sur ces sites, quand ils ne se sont pas purement et simplement manipulés. Il est même difficile de savoir si l'argent "misé" est effectivement placé sur le marché des devises, ou bien s'il reste en permanence sur le compte de ces sociétés, qui "truquent" les cours et les graphiques pour mieux dépouiller les Occidentaux qui espèrent faire fructifier leur épargne.

1. COMMENT ETIENNE S'EST FAIT ARNAQUER
2. COMMENT ETIENNE A CONTRE-ATTAQUE
3. CE QUE VONT FAIRE LES AUTORITES BELGES POUR NOUS PROTEGER


Beaucoup de sites ont des pseudo-académies.

Etienne tombe sur une publicité

Nous allons évoquer un cas à part dans cet article. Celui d'Etienne. Il s'agit d'un prénom d'emprunt car ce Belge, qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous, a signé un accord à l'amiable avec le site web qui l'a arnaqué, ce dernier acceptant finalement de lui rendre son argent, moyennant son silence...

L'histoire d'Etienne est assez banale. Il est salarié, habite en Wallonie, est âgé de 33 ans et a un petit business dans l'informatique comme activité complémentaire. Tout a commencé au début de l'année 2016. "J'ai eu à disposition une somme d'argent assez importante, mais de manière temporaire. Je me suis dit: 'Pourquoi ne pas essayer de la faire fructifier?' d'une manière ou d'une autre".

Etienne l'avoue: il n'a pas de connaissances financières et "pas de background dans le monde de l'investissement".

En surfant, il tombe sur une publicité d'un site de trading d'options binaires, entièrement en français. "C'était une vidéo assez bien faite, cela faisait la propagande du site et des moyens d'y gagner de l'argent".


Il prend ses précautions

On l'a dit, notre témoin a de solides connaissances en informatique. Il sait donc que sur internet, on trouve de tout, et surtout des requins prêts à arnaquer le premier venu.

"Je me suis renseigné sur la société qui se cachait derrière le site, et c'était une société régulée par la FSMA (l’Autorité des services et marchés financiers en Belgique) et l'AMF (l'Autorité des marchés financiers en France)".

"J'ai même téléphoné (aux autorités dont on vient de parler, NDLR) pour être sûr qu'elle était autorisée à opérer", et c'était le cas. "Je me suis dit: c'est réglo".

Nous avons vérifié, la société est, toujours aujourd'hui, reconnue par la FSMA comme "prestataires de services financiers".

La société en question, que nous ne pouvons pas citer afin de ne pas mettre en péril l'accord signé par Etienne pour récupérer son argent, a reçu un agrément de la Cysec, l'équivalent chypriote de la FSMA ou de l'AMF.

Magie de l'Union européenne, une société autorisée à Chypre peut exercer dans toute l'Europe, même si la Cysec est beaucoup plus laxiste que ses homologues...


Immédiatement pris en charge par un "chargé de compte"

Etienne a confiance, est tout ce qui va suivre contribue à le mettre à l'aise. "Après avoir introduit mes coordonnées sur le site, j'ai immédiatement été appelé par mon 'chargé de compte', un francophone qui s'exprimait très bien. Les contacts se faisaient par téléphone ou par Skype (un service de messagerie mêlant la vidéo, les messages, les pièces jointes de Microsoft)"

Cette personne explique très clairement le fonctionnement du site, et leur stratégie 'par palier' pour gagner de l'argent. "Il m'a sorti un tableau, un graphique montrant qu'une tendance ne se répète jamais plus de 6 ou 7 fois", ce qui veut dire, par exemple, que le dollar ne va jamais baisser 7 fois d'affilée par rapport à l'euro.

La technique des paliers consistent à miser chaque fois plus du double si on perd. Du coup, on finit toujours par gagner, théoriquement, si on en croit le graphique présenté à Etienne.


30.000€ pour avoir accès à un outil

Etienne crédite son compte de 200€ dans un premier temps. Accompagné en permanence par son 'chargé de compte', il gagne relativement facilement.

Mais ça, c'est pour les petits joueurs. Ceux qui veulent gagner vraiment gros doivent utiliser un outil (soi-disant) spécialement conçu par le site, et qui s'appelle 'Autochartist'. "On m'a dit qu'il donnait des informations sur les tendances à venir, en provenance directe des analystes du site, présents en salle de marché".

Une sorte d'information exclusive, des prédictions sur les tendances de fluctuation d'un taux de change, permettant de miser plus juste. "On voit les signaux en direct, et en théorie, si on les suit, on a plus de chance de gagner".

Mais cet outil n'est accessible qu'à ceux qui créditent leur compte sur le site de la somme de 30.000€. Etienne ayant cette somme à disposition et souhaitant la faire fructifier, il décide de l'investir.

"J'ai viré 30.000 euros sur un compte en Allemagne, le lendemain mon solde sur le site était de 45.000€ car j'avais reçu un bonus de 15.000€".

On précise alors bien à Etienne que son capital de 30.000€ peut être retiré à tout moment, mais que pour toucher le bonus et tous les gains accumulés par la suite, il faut qu'un grand volume de mise ait été atteint. Pour faire simple, si vous avez 1.000€ de bonus, il faut miser au total 30.000 € ou 40.000€ pour pouvoir le toucher. Cela prend donc beaucoup de temps... ou beaucoup de risque.


Le genre d'outil de prédiction qu'on trouve sur les sites d'options binaires

Etienne continue de gagner et atteint... 130.000€

Dès le lendemain matin, le 'chargé de compte' d'Etienne l'appelle pour des séances quotidiennes de trading, le nom plus financier pour parler de la notion de 'jouer en bourse'.

"Je tradais jusqu'à une heure par jour, lors de mon temps libre", nous explique ce Wallon d'une trentaine d'années. "Soit mon chargé de compte me téléphonait, soit on communiquait par Skype. Je ne misais jamais seul, il était toujours avec moi et me disait ce qu'il fallait faire".

C'est donc Etienne qui effectue toutes les actions, mais en suivant constamment des conseils, qu'ils soient humains ou informatiques (via l'outil 'Autochartist' dont on a parlé).

Et les conseils sont sacrément avisés. "Mon compte est monté à 130.000 euros en quelques semaines". La stratégie du site semble donc efficace...


Le ton change quand Etienne veut retirer son capital

C'est à ce moment-là qu'Etienne souhaite retirer de l'argent. "J'avais besoin de récupérer mon capital, mais je voulais garder le reste sur mon compte".

Mais les choses ne se passent pas comme prévu. "Mon chargé de compte me dit que je ne peux pas retirer mon capital", évoquant des raisons confuses. "Sur le site, ma demande de retrait a disparu".

Finalement, Etienne n'a plus de réponses durant quelques temps. "Je n'ai pas su joindre leur service financier".

Jusqu'à ce que son chargé de compte parvienne à le convaincre de continuer. "Il a insisté en disant qu'on allait gagner plus, et que je risquais de perdre mes bonus si je retirais mon capital".

Confiant, Etienne accepte de réinvestir environ 30.000€ supplémentaire. "Au total, j'ai placé 64.100€". L'optique est toujours la même: débloquer le bonus amassé au fil des mises gagnantes, et empocher donc, au final, beaucoup d'argent (environ 100.000 euros).


La dernière ligne droite pour toucher le bonus

Etienne est donc de retour sur le site de trading, épaulé par un chargé de compte "qui met les bouchées doubles" pour gagner plus et plus vite. "Il me dit que l'outil d'analyse Autochartist a des taux de fiabilité exceptionnels, qu'il a rarement vu ça, et qu'on va gagner facilement de l'argent".

Les séances se passent toujours aussi bien, mais Etienne "sent que son interlocuteur devient nerveux, et met la pression pour miser toujours plus".

Car entretemps, les montants des "paliers" investis ont grandi. Quand on a un solde de plus de 100.000€, on mise plus que 20€, logique. "On était à 40 fois la mise de départ, les paliers augmentaient à chaque fois, même si je ne voulais pas".

C'est à ce moment que le 'chargé de compte' d'Etienne veut aller encore plus loin, encore plus vite. "Il m'a dit qu'on allait utiliser une nouvelle stratégie, en enlevant un palier. Je lui ai dit que je n'étais pas très chaud, car même si le rendement est plus élevé, on enlève de la sécurité".

Par téléphone, il se laisse cependant convaincre à nouveau, car son interlocuteur, qui lui a déjà fait gagner beaucoup d'argent, lui dit que tout ira bien, "que c'est OK". Et que, à nouveau, "on est sur le point de débloquer le bonus". C'est-à-dire la possibilité pour Etienne de retirer son capital de départ, mais également tout l'argent qu'il a gagné en tradant, donc plus de 100.000€.


La catastrophe

Le lendemain, pensant atteindre son bonus, Etienne se lance dans la dernière ligne droite, bien épaulé par son chargé de compte, plus motivé que jamais. "Tout se passe relativement bien, je suis ses instructions comme d'habitude".

Mais au moment de placer son dernier palier, donc sa dernière mise, nettement plus élevée que les autres et qui est supposée gagnante pour rembourser les précédentes et générer un bénéfice, "c'est le drame".

"Le système me bloque, je clique comme d'habitude pour placer un ordre, mais il y a un message d'erreur. J'avais perdu les 5 premiers paliers et pour le 6e, je n'ai pas su prendre de position".

Etienne est énervé. "Ce problème était déjà apparu la veille mais heureusement sans conséquence. J’avais interpellé mon chargé de compte au téléphone sur ce problème, lui disant que ça ne pouvait et ne devait jamais arriver. Il m’avait à nouveau rassuré en me disant que le problème était réglé".

Dans l'urgence, "je prends mon téléphone et je l'appelle", poursuit notre témoin. "J’entends une sorte de brouhaha. Tout le monde crie et semble s’énerver derrière. La tension est palpable. Mon chargé de compte me donne des tas d’instruction dans la cohue la plus générale. Celles-ci s’avéreront par la suite désastreuses".

Résultat: notre témoin a placé pratiquement tout son argent d'une mauvaise manière. "Mon capital tombe à 0, il me reste 10.000€ de bonus que je ne peux pas toucher".

Une proposition indécente et puis... "J'arrête tout"

Choqué, Etienne a une discussion animée avec son chargé de compte. "A la fin, je raccroche, et j'écris au service de réclamation". Une réponse lui revient rapidement... de son chargé compte, fâché qu'Etienne se plaigne ouvertement. "Il me passe un savon".

On lui propose une solution de secours improbable. "Ils ont un fond d'urgence, et ils veulent bien me donner 30.000€ en bonus sur mon compte".

Le franc d'Etienne vient de tomber. "C'est à ce moment-là que j'ai décidé de tout arrêter, je trouvais ça très suspect qu'ils me donnent 30.000€ de bonus comme ça".


Le site de Warning Trading a aidé Etienne et touchera 10% des montants recouvrés.

Etienne contre-attaque

Mais Etienne n'est pas du genre à se laisser faire. Doué en informatique (on vous rappelle qu'il exerce une activité complémentaire dans le domaine), il a fait des recherches poussées sur les sociétés qui se cachent derrière le nom de domaine du site, et leur responsable.

Il s'est tourné vers quelques associations de professionnels qui n'avaient "jamais vu ce genre de pratiques avec un courtier régulé", et qui étaient étonnées "de voir toutes les preuves, copies d'écran et enregistrement de conversations". Elles l'ont orienté vers une société privée qui aide les victimes semblables à Etienne.

"Je me suis finalement tourné vers Warning Trading, une société basée en Bulgarie mais dirigée par des Français. On paie 800€ et ils prennent tout en charge: mise en demeure, plainte par avocat, suites à donner à l'enquête, etc. Si je récupère de l'argent, ils prennent une commission".

Très vite, des manquements sont constatés. "Ils ne peuvent pas faire de publicité en Belgique, ni donner des conseils financiers directement".

Le site sur lequel Etienne a perdu 64.000€ ne semble pas impressionné, et utilise à nouveau des méthodes très louches. "Ils nous ont fait parvenir un accord à l'amiable via un avocat, mais on m'a déconseillé de l'accepter, car il n'était pas possible d'identifier cet avocat".

"J'ai refusé, car il y avait un risque que je ne sois jamais payé".

L'avocat de Warning Trading qui s'occupe d'Etienne rédige alors son propre accord à l'amiable, mais celui-ci restera sans réponse.

Il y va seul, avec le culot

La voie traditionnelle des avocats restant sans réponse, Etienne opte pour une stratégie nettement plus audacieuse. "J'ai commencé ma propre offensive, grâce à mes compétences informatiques".

Il a d'abord acheté le nom de domaine belge du site qui l'a dépouillé: imaginons que le site était options-bidons.com, Etienne a donc acheté le site options-bidons.be, qui était libre.

Sur ce site, il a raconté toute son histoire, publié plusieurs conversations et plusieurs noms de personnes et de sociétés impliquées.

"J'ai ensuite créé une campagne Google AdWords", pour que son témoignage apparaisse au-dessus des résultats de recherche sur Google, lorsque les gens tapent le nom du site qui a dépouillé Etienne. "J'ai eu beaucoup de visites et des contacts avec d'autres victimes".

Des menaces physiques: "Ils m'ont dit de m'occuper de ma famille"

Etienne a également monitoré le site, c'est-à-dire qu'il avait accès aux statistiques des visites. "J'ai vu que la plupart des visites étaient originaires d'Israël, de Tel Aviv plus particulièrement".

Il a également découvert qu'il y avait plusieurs visites d'une grosse société chypriote qui monte les dossiers d'agrément de 60% des sociétés financières régulées, "avec un taux de réussite important". Ce gros poisson fait donc partie du système qui permet à des sociétés israéliennes d'opérer en Europe via une régulation accordée à Chypre (voir plus bas).

Lorsque Etienne mentionne le nom de ce gros poisson sur son site-témoignage, la situation prend une tournure effrayante. "J'ai reçu des appels téléphoniques, et des menaces physiques. Ils m'ont dit qu'ils avaient ma carte d'identité et mon adresse, et que je ferais mieux de m'occuper de ma famille".

Mais notre trentenaire ne se laisse pas démonter. "Je raccroche et j'écris immédiatement tout ce que je sais" sur cette société de consultance en services financiers.

Etienne arrive à ses fins

La technique d'Etienne est la bonne: ce mystérieux intermédiaire financier arrête les menaces odieuses et entre à nouveau en contact avec lui.

Après quelques échanges entre avocats, une solution honnête à l'amiable est trouvée. Etienne est sur le point de signer un accord qui lui permet de retoucher 65.000€ en échange de son silence, raison pour laquelle nous n'avons pas pu citer les sociétés et sites web impliqués.

Etienne devra cependant céder 10% de cette somme à Warning Trading. Il perdra donc tout de même un peu d'argent dans cette mésaventure. Mais beaucoup moins que des milliers de Belges et de Français qui se font avoir chaque année, comme Etienne (voir ci-dessous).


La FSMA va bientôt interdire les sites d'options binaires

Nous avons contacté la FSMA, l’Autorité des services et marchés financiers en Belgique. Régulièrement, la FSMA met en garde les Belges contre des sociétés d'options binaires qui n'ont pas le droit d'exister sur le territoire belge. 

Concernant le cas d'Etienne, elle nous a confirmé que "si elle a un agrément dans un pays qui fait partie de l'espace économique européen, une société peut offrir ses produits financiers dans un autre pays", selon Jim Lannoo, porte-parole. C'est pour ça qu'on la retrouve sur la liste des sociétés agréées du site de la FSMA.

Mais il tempère: "ce qui est spécifique à la Belgique, c'est qu'il ne suffit pas d'avoir un agrément pour pouvoir commercialiser des produits financiers, il faut aussi un prospectus qui doit être approuvé par la FSMA". Pour faire simple, "un prospectus est un document qui reprend toutes les caractéristiques du produit, et qui explique également les risques liés". Bien entendu, la FSMA "n'a jamais approuvé le moindre prospectus" pour les sites de trading d'options binaires.

Heureusement, les choses sont sur le point d'être plus claires pour tout le monde. "Nous voulons aller plus loin en proposant un règlement de la FSMA qui va interdire purement et simplement la commercialisation d'options binaires sur le territoire".

Ce devrait être le cas dans quelques semaines, on l'espère. Cela n'empêchera pas les sites de faire de la publicité, et les Belges de se faire approcher. Mais au moins, ceux qui prennent la peine de se renseigner sur le site de la FSMA par rapport à un site de trading d'options binaires, verront clairement que ce genre d'activité est interdite.

Gageons surtout que les sites de ce genre, qui montrent patte blanche avec des liens prouvant leur autorisation d'exercer leur activité dans chaque pays, n'oseront évoquer leur disponibilité en Belgique où seront donc prochainement officiellement interdites les options binaires.

"Si j'avais lu ce genre de chose, jamais je ne me serais lancé dans le trading d'options binaires", a confirmé Etienne, qui a tenu a témoigné pour "prévenir les gens, et éviter que d'autres personnes ne se fassent avoir".

Quant aux dessous de l'arnaque, qui nous font voyager d'Israël à Chypre, vous pouvez les découvrir en lisant l'article du Times of Israël traduit en français ('Les Loups de Tel-Aviv'), et le récent reportage d'Envoyé Spécial baptisé 'La ruine à portée de clics'.

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