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Près de 10.000 cyclistes victimes d'un accident l'an dernier: comment faire pour augmenter leur sécurité?

Samedi 2 juin. Un soleil de début d’été baigne les rues de Vilvorde. Nour et sa copine Sandra profitent encore de l’extérieur pendant quelques minutes. Il est 19h, il va être temps de rentrer à la maison. "Un dernier tour et on arrive" négocie Nour. Une camionnette plus tard, cela a bien failli être vraiment le dernier.

La photo envoyée par le papa de Nour à la rédaction laisse peu de place au doute. On y voit un vélo d’enfant, bleu et blanc. La roue avant pliée en trois, broyée par le pneu avant droit d’une camionnette. Dans le message qu’il nous a transmis, le papa se veut rassurant quant à l’état de santé de Sandra. "Heureusement, la petite fille n’a pas été blessée grièvement" précise-t-il. Mais il tient tout de même à mettre le doigt sur une situation dangereuse. "Ma fillette de 10 ans et une amie à elle faisaient du vélo. Son amie s’est fait renverser par un automobiliste sur une piste cyclable. C’est scandaleux".



Les accidents sans blessé...c'est plutôt rare

La mésaventure vécue par les deux fillettes se termine bien : des dégâts matériels, une grosse frayeur mais pas de dommages physiques. Tous les cyclistes accidentés en Belgique n’ont pas cette chance. Pour l’année 2017 et pour l’ensemble du pays, en ce qui concerne les accidents corporels impliquant un cycliste, les statistiques de l’ancien Institut Belge pour la Sécurité Routière (désormais Vias) recensent près de 9200 victimes pour un peu plus de 9100 accidents. C’est plus qu’il y a dix ans (9003 victimes pour 8839 accidents en 2008) mais moins qu’il y a cinq ans (9827 victimes pour 9574 accidents en 2014).

Que faut-il en conclure ? Que l’année 2014 était particulièrement dangereuse pour les deux roues ? Non, plutôt qu’il faut prendre en compte une multitude de variables. "C’est toujours difficile de tirer des conclusions sur base d’un seul chiffre parce que le nombre de cyclistes augmente lui aussi. En 2016, les médias avaient mis en avant une augmentation importante du nombre d’accidents avec des vélos à Bruxelles mais le nombre d’usagers avait explosé de près de 30%... Avec beaucoup plus de cyclistes sur les routes, c’est logique que le nombre d’incidents évolue également à la hausse" précise Aurélie Willems, secrétaire générale du Gracq, l’asbl des cyclistes quotidiens.


L'exemple de Nidia

Parmi ces "nouveaux cyclistes", il y a Nidia. Bientôt la quarantaine, elle a abandonné les transports en commun au profit d’un vélo électrique il y a un peu moins d’un an. "Je n’y vois que du positif : j’arrive au travail avec la pêche, je n’ai plus le petit coup de mou du matin et surtout, je gagne un temps monstre !" En tram et en bus, elle mettait parfois une heure pour rejoindre son lieu de travail. Désormais, dans le pire des cas, le trajet lui prend vingt-cinq minutes.

Quand on pose la question de la sécurité à Nidia, elle enchaîne avec une estimation. "Sans exagérer, je dirais que je pourrais avoir un accident au moins une fois par semaine. Heureusement, j’essaie d’anticiper au maximum le comportement des autres". Les autres. Les autres usagers de la route. Qu’ils soient piétons, automobilistes, pilotes de moto ou…autres cyclistes, tous représentent un danger potentiel. Et pour le Gracq, la sécurité des cyclistes passe par une modification de leur comportement à tous. "On donne des conseils aux cyclistes comme être bien visible et ne pas hésiter à annoncer un changement de direction. Mais l’attitude de tous doit changer. Les automobilistes doivent être plus attentifs aux usagers faibles, les piétons doivent se rendre compte que parfois, ils partagent le trottoir avec les vélos,…" explique Aurélie Willems. L’association qui représente les cyclistes estime que le code de la route devrait aussi être adapté. "Il a été conçu pour les voitures mais il faut évoluer vers toutes les formes de mobilité".


L'accident le plus fréquent? La portière ouverte sans regarder

La typologie des accidents qui concernent les cyclistes confirme cette impression que "le danger, c’est l’autre". Une étude menée par Bruxelles-mobilité montre que la majorité des accidents impliquant un cycliste consiste en une collision. Dans une grande majorité des cas, le cycliste percute...une portière qui vient d’être ouverte. A titre de comparaison, les accidents où le cycliste tombe seul ne représentent qu’un cas sur dix.

Les Belges ne sont pas tous égaux face à la dangerosité de la pratique du vélo. En observant les statistiques détaillées de l’accidentologie cycliste, une proportion saute aux yeux. Sur les 9112 accidents répertoriés en 2017 sur le territoire national, 7669 ont eu lieu en Flandre contre seulement 685 en Wallonie et 758 à Bruxelles. Parce que les routes sont particulièrement dangereuses au nord du pays ? "Evidemment non, s’amuse Aurélie Willems. Plutôt parce que la proportion de cyclistes y est beaucoup plus importante". Et d’une région à l’autre, l’évolution à travers les années est plus ou moins la même. Le nombre d’accidents et de victimes en Flandre a très légèrement diminué sur dix ans. Il a augmenté, un petit peu, en Wallonie et il a presque doublé à Bruxelles. Mais une fois de plus, il faut mettre ces chiffres en relation avec l’augmentation (très importante à la capitale) du nombre d’utilisateurs des deux-roues.


Plus d'investissements, la solution miracle ?

Il n’y a pas que le nombre d’accidents qui différencie les régions. Au niveau des budgets consacrés aux développements cyclistes, il y a aussi des différences. "Il y a beaucoup plus de cyclistes en région flamande donc il y a un investissement qui est plus important de la part des pouvoirs publics, détaille Aurélie Willems. Cela ne veut pas dire que la situation est parfaite en Flandre mais c’est clair que la Wallonie est en retard". Par budgets consacrés, on entend souvent la mise en place d’infrastructures dédiées aux cyclistes. "L’état des routes ne me donne pas toujours envie d’enfourcher mon vélo, précise Nidia. Dans le quartier européen par exemple, là où je travaille, c’est souvent la foire". 

Ce lien entre infrastructure développée et risque réduit, le Gracq le fait également. "Des pistes cyclables protégées par un séparateur, cela nous parait indispensable le long de routes où la vitesse maximale dépasse les 50km/h" ajoute, comme exemple, la secrétaire générale de l’association. "Mais de nouveau, il y a tout un tas de variables. On ne peut pas mettre tous les accidents sur le dos des infrastructures. Plus de sécurité pour les cycliste, c’est une question de vivre ensemble" conclut Aurélie Willems.

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