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"Ça a été un choc": l'arrêt cardiaque de la star danoise Christian Eriksen, qui s'apprête à faire un retour miracle en Premier League, a poussé de nombreux Danois à s'engager avec les "coureurs du coeur", un programme de secours lancé dans le pays scandinave.
Pour Nikolaj Christensen, la soirée du 12 juin 2021 a tourné au cauchemar, quand il a vu le numéro 10 de la sélection danoise s'effondrer sur le terrain en plein match de l'Euro de football, restant inconscient pendant de longues minutes devant un stade et des millions de téléspectateurs sidérés.
"Pour les Danois, et tout le monde qui regardait ce match, ça a été un vrai traumatisme national", se souvient le jeune homme de 24 ans, qui regardait la rencontre chez lui.
C'est l'intervention rapide de ses coéquipiers - dont certains ont pu effectuer les premiers gestes de secours - puis l'arrivée d'un défibrillateur pour le réanimer qui ont changé la donne pour éviter la mort subite d'Eriksen sur la pelouse, soulignent des médecins.
Une leçon pour Nikolaj et des centaines d'autres, soucieux de vouloir être de ceux qui "pouvaient aussi aider", dit-il.
Lancé en 2017 à Copenhague, le concept des "coureurs du coeur" est simple: recenser des volontaires aux premiers secours et les contacter en cas d'arrêt cardiaque dans le voisinage.
Les vingt volontaires les plus proches sont prévenus et généralement la moitié acceptent la mission.
- Intervenir rapidement -
Pour intégrer l'annuaire, il suffit de renseigner son identité et de télécharger une application.
Aucune formation n'est nécessaire puisque tous les Danois ont des cours de premiers secours à l'école et au moment de leur permis de conduire.
Des systèmes similaires existent dans certaines régions de Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
Au Danemark, plus de 2.000 personnes se sont manifestées après l'accident du milieu de terrain vedette. Le jour même, 641 personnes ont rejoint le programme sous le coup de l'émotion, contre 150 à 200 inscriptions hebdomadaires en temps normal.
La vague d'émotion a "ouvert les yeux du grand public", résume Fredrik Folke, l'un des responsables du programme.
"Ce ne sont pas des médicaments sophistiqués ou des équipements de réanimation avancés à l'hôpital, mais des choses basiques qui ont sauvé Christian Eriksen", à savoir l'intervention rapide de ses coéquipiers puis l'utilisation d'un défibrillateur, explique-t-il à l'AFP.
Pour Nikolaj, la course du coeur est définitivement une histoire de ballon rond.
Le 11 juillet, il est à nouveau devant son poste de télévision pour la finale de l'Euro.
"Les Italiens n'avaient même pas soulevé la coupe que j'ai entendu une alarme insoupçonnée sur mon téléphone, ça m'a pris quelques secondes pour comprendre que je devais courir pour aller aider quelqu'un", dit-il.
Il s'est alors précipité vers le défibrillateur le plus proche - 20.000 appareils sont disposés dans l'espace public à travers le pays - et s'est rendu sur le lieu de l'incident.
Sur place, ils étaient quatre coureurs et ont commencé les premiers secours avant l'arrivée de l'ambulance deux minutes plus tard.
Les volontaires ne sont pas prévenus de la réussite, ou non, de l'opération.
"Mais je pense que la personne s'en est sortie. La science nous dit que plus on intervient vite, plus on a de chance de sauver une vie", avance Nikolaj.
- Taux de survie quadruplé –
Sur les vingt dernières années, le Danemark a quadruplé le taux de survie après un arrêt cardiaque en dehors de l'hôpital (628 sauvés pour 5.000 cas). Et quadruplé également la fréquence des premiers secours prodigués par un passant, passée à 80% aujourd'hui.
"La course, c'est d'atteindre le patient aussi vite que possible" après un appel reçu par les services d'urgence, résume M. Folke.
En cinq ans, le nombre de coureurs est passé de 14.500 à 130.000 (en janvier 2022).
"Dans un pays comme la France, ça correspondrait à 1,4 million de personnes", souligne le médecin.
Publicité involontaire pour le programme, l'arrêt cardiaque de Christian Eriksen a aussi tourné les Danois vers les cours de secourisme.
La Croix-Rouge, qui propose des formations de premier secours, a vu ces cours pris d'assaut avec une demande multipliée par trois au début de l'été.