Accueil Sport

A Dortmund, un derby sans euphorie mais "c'est mieux que rien"

Pour la troisième fois seulement en 12 ans, Nicole Bartelt n'a pas assisté au match de son équipe fétiche de Dortmund contre Schalke samedi depuis les tribunes du Signal Iduna Park mais, huis clos oblige, depuis le salon d'amis.

Habituée à encourager son équipe au milieu du bouillant "Mur jaune", plus grande tribune debout d'Europe avec ses 24.500 places, elle se contentera de hurler devant la télévision pour la reprise de la Bundesliga, arrêtée depuis début mars en raison de l'épidémie de Covid-19.

"Mieux vaut des matches à huis clos pour freiner la progression de l'épidémie qu'une catastrophe sanitaire, c'est mieux que rien", professe la supportrice arborant le maillot noir extérieur du BVB, interrogée par l'AFP avant le toujours très passionnel "derby de la Ruhr".

"Même si on déteste Schalke, une saison sans un tel derby n'a pas la même saveur", explique cette femme de 44 ans.

Cette fois-ci, et sans doute pour les semaines à venir, elle regardera le match chez un couple d'amis, en respectant les règles sanitaires n'autorisant les réunions qu'entre deux foyers différents, et avec une distance de sécurité minimale d'1,50 m.

Le calme relatif qui régnait samedi dans l'ex-cité industrielle, qui ne vit toute l'année que pour le football, témoigne bien de ce contexte particulier. Quelques maillots et écharpes éparses apparaissent dans les rues, mais rien à voir avec l'euphorie des jours de match où la ville déborde de supporters jaunes et noirs.

- "La vie doit reprendre" -

Jamais un derby contre le rival historique de Schalke, club de la ville voisine de Geselkirchen éloignée de seulement 30 kilomètres, n'avait aussi peu déchaîné les passions.

La présence policière reste pourtant relativement importante pour un match à huis clos, notamment dans le centre historique, même si les forces de l'ordre sont surtout mobilisées pour encadrer une manifestation non-autorisée de partisans hétéroclites exigeant la fin des restrictions sanitaires.

L'association regroupant les fans de la tribune sud de Dortmund avait promis que les supporters ne se rassembleraient pas devant le stade.

Résultat: seuls les chants des oiseaux perturbaient le silence aux abords de l'enceinte sportive. Et dans le centre-ville, même les bars ne sont pas remplis.

"On ne peut recevoir que 50 personnes, contre 500 normalement. Les gens ne sont de toute manière pas forcément rassurés de se regrouper dans le contexte actuel", explique Jörg Kemper, gérant du bar de supporters Wenkers au centre-ville.

Dans son établissement, qui a pu rouvrir lundi et où trônent des dizaines de maillots des Jaunes et Noirs au mur, un strict marquage au sol et des vitres en plexiglas rappellent constamment aux clients l'omniprésence de la pandémie. Le port du masque n'est cependant obligatoire que lorsqu'on quitte sa place assise.

"Borussia champion!", chantent la quarantaine de valeureux au coup de sifflet final pour saluer la victoire 4-0 des leurs, la plus large depuis 1966 face à Schalke. Certains entament une ola, en tentant difficilement de garder leurs distances devant leurs verres vides.

Mais celles-ci avaient carrément disparu lorsque Guerreiro a marqué le dernier but à la 63e, les fans se laissant alors aller à quelques embrassades. L'espace d'un match, une inespérée escapade rappelant le "monde d'avant".

"C'est important que la vie reprenne tout doucement. Et même si on est contents que cela se passe bien en Allemagne, il faut rester prudents", avertit Georges Gourlay, 57 ans.

- Economie en danger -

Fervent supporteur du BVB, dont il possède une carte de membre depuis 1987, Marco Perz trouverait "absurde et dangereux" que la saison n'aille pas à son terme, notamment sur le plan économique.

"Je ne me fais pas de souci pour les sportifs, qui devront peut-être acheter une Lamborghini en moins, mais pour toute l'économie qui en dépend autour, les techniciens, jardiniers, magasins de fans...", explique, bière à la main et blouson arborant des dizaines de stickers du club sur le dos, ce passionné de 45 ans avant le match. Il suivra, lui aussi, la rencontre chez des amis.

A l'inverse, certains supporters ultras n'ont pas caché ces derniers jours leur scepticisme sur une telle reprise.

Peu importe le résultat samedi, "le football ne sera pas au centre de l'attention", regrette Nicolai, l'un des contributeurs du très consulté forum "Schwarz-gelb" (Noir et jaune), qui boycottera la rencontre.

A défaut de "Mur jaune", ce mythique virage sud du stade, il revient aux supporters d'imaginer d'autres manières d'encourager leur équipe favorite. A Dortmund comme ailleurs, c'est bien la première fois depuis 1989 qu'un Mur a fait autant parler de lui en Allemagne.

À lire aussi

Sélectionné pour vous