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Édito: il était une fois Kevin De Bruyne, le Super Saiyan du football belge

En mars 2019, je vous racontais comment j'allais devoir expliquer à mes enfants que Marouane Fellaini était une icône du football belge. Je ne vous cache pas que ce sera nettement plus simple de leur décrire Kevin De Bruyne. Une machine à masterclass qui vous donne l'impression de jouer à FIFA avec un joueur de niveau 100. L'indécence comme on l'aime tous.

Kevin De Bruyne. Voilà, rien que la lecture de ce nom fait frissonner n'importe quel fan de football en Belgique. Et en Europe. Et dans le monde (soyons chauvins, à un moment !). Que dire de ce joueur ? La première fois que je l'ai vu jouer, c'était à Genk. Il ressemblait à un ado perdu qui savait juste compter deux par deux et lasser ses chaussures. Limite, j'avais envie de me moquer. Puis je l'ai vu jouer. Et là, ton petit égo de spectateur assis dans son canapé prend un coup de boule. Très vite, j'ai compris qu'on avait à faire à quelqu'un qui n'était pas normal.

Mais j'ai un peu lâché l'affaire, je ne vous mens pas. Je le voyais enchaîner les performances et dans le même temps, je me disais qu'il était juste bon. Voilà pourquoi je ne serai jamais recruteur, d'ailleurs. Puis il a signé à Chelsea. Je me souviens très bien m'être dit qu'aligner 9 millions d'euros sur lui, c'était beaucoup. Et qu'on se le dise, le début d'aventure à Chelsea m'a clairement donné raison, en tout cas c'est ce que je pensais jusqu'à ce que le petit Kevin De Bruyne termine sa croissance et commence à faire ses dents. Sur le cuir, à coup de crampons et de délices placés devant le but.

Le voilà au Werder Brême. Je commence à lire des articles intéressants, qui disent qu'on tient là une vraie pépite. Je rappelle qu'à ce moment-là, Kevin De Bruyne n'a que 21 ans. Comment j'ai pu douter ? Bref, passons à autre chose. Il cartonne: 45 matchs, 13 buts et 15 passes décisives. Pas mal pour un mec qui débarque en Bundesliga. Là, je commence à me chauffer. Je le vois déjà briller à Chelsea et faire rêver la Belgique comme le faisait Eden Hazard à l'époque. Mais ça ne marche pas. On parle de flop. Mon cerveau part en vrille. Et si j'avais vu juste ? Et si en fait il n'était pas prêt pour le haut niveau ? Avec le recul, vous avez le droit de me gifler aujourd'hui, parce que la suite va me donner tord et m'humilier puissance 1000.

Kevin De Bruyne a quelque chose à prouver. Et ça, le monde n'y était pas préparé. Notre rouquin national va se transformer en Super Saiyan et personne ne va plus rien comprendre. Il débarque à Wolfsburg sur la pointe des pieds, le flop de Chelsea espère enfin exploser. C'est là que l'on découvre en Kevin De Bruyne un joueur de football de classe mondiale. En trois ans, il dispute 87 matchs. Ses statistiques me font toujours tomber dans les pommes: 24 buts et 40 passes décisives dans une équipe moyenne de Bundesliga. 40. Passes. Décisives. Ce n'est pas normal, il fallait que je regarde ça. Je me souviens de cette soirée mémorable où il a mis la misère au Bayern Münich. Mon coeur d'amoureux de la Belgique a explosé, mais dans le bon sens du terme. Pas de douleur, juste de joie. Là, mon cerveau a déconnecté. Plus la peine d'analyser, je n'ai plus qu'à profiter. 

Ce flegme qui te rend fou et qui se calme quand il sort deux caviars trois étoiles en baillant, ou presque

C'est aussi là que Kevin De Bruyne prend vraiment son envol avec les Diables Rouges. Vous saviez qu'à une époque, on osait l'opposer à Eden Hazard ? Nous, en Belgique ? Qu'est-ce que c'est que cette blague ? Nos deux génies n'ont rien à opposer. Deux talents complémentaires, deux approches différentes mais deux génies que l'on doit chérir avant qu'il ne soit trop tard. Heureusement que tout le monde le fait enfin. Rappelez-vous ces assists à la pelle sur la route du Mondial 2014. Il a eu son petit trou d'air. Puis il y a eu la Coupe du Monde 2018.

Vous les sentez monter, les frissons ? Ce but contre le Brésil. Cette passe sur le but contre le Japon. Cet assist sur le premier but de Lukaku contre le Panama. L'intelligence de jeu à son paroxysme. N'oublions jamais à quel point ce joueur a marqué l'histoire de notre football. Ce serait lui manquer de respect. Ce serait oublié qu'au-delà du talent, Kevin De Bruyne est aussi un super mec.

Son interview à l'Euro 2016, son récital sur la Grand-Place de Bruxelles. Ce flegme qui te rend fou et qui se calme quand il sort deux caviars 3 étoiles en baillant, ou presque. Cette facilité me rend toujours dingue. D'où ? Comment ? Quelle est la sorcellerie qui lui permet de voir des espaces, de doser ses ballons à la perfection ? Je n'essaie même plus de comprendre, je me contente de sourire, seul, comme un malade devant ma télé. Et ça, je ne vous cache pas que ça fait plaisir. La simplicité du football réside dans ses chaussures.

Et que dire de cette image, répétée à de maintes reprises ? Elle est si belle. Doigt vers le ciel, pointant l'étoile qu'il était en train de devenir, en compagnie d'un des attaquants les plus souvent sous-estimé de notre histoire footballistique. Masterclass, je vous dis, sur le terrain et dans les coeurs. Si après ce genre de choses, vous voulez encore d'une Belgique divisée, je ne peux plus rien pour vous.  

Comme il le dit si bien, 'on s'en bat les couilles'. Mais on l'adore.

Depuis son arrivée à Manchester City, avec le statut de "flop de Chelsea" à gommer, Kevin De Bruyne est encore devenu un autre homme. Pour expliquer ce qu'il représente à mes enfants, je leur donnerai l'exemple d'un médecin qui vous fait un vaccin en vous parlant pour détourner votre attention. Vous n'avez pas le temps, vous êtes focalisé sur autre chose, mais là, sans le voir, vous venez de vous faire piquer. De Bruyne, c'est ça, mais avec un ballon. Vous vous concentrez sur lui ? Trop tard, le ballon est déjà dans les pieds d'un coéquipier qui transformera l'offrande avec plaisir. Vous vous concentrez sur le ballon ? Trop tard, il est déjà parti. Sincèrement, ça doit être insupportable pour un joueur adverse.

Plus sérieusement, il est temps de mettre du respect sur le nom de Kevin De Bruyne. Il est sans aucun doute l'un des meilleurs joueurs belges de sa génération. Ce sera le seul qui, dans 20 ans, pourra aller voir Eden à Braine-le-Comte et se dire qu'il a réalisé une carrière à la hauteur de son talent: de classe mondiale. On lui reproche son franc-parler ? Je lui envie son élégance. On lui reproche sa mauvaise humeur ? Je lui envie sa détermination. Kevin De Bruyne est un génie. Et le pire dans tout ça, c'est comme il le dit si bien, "on s'en bat les couilles". Mais on l'adore. Un paradoxe comme on les aime.

"Oui mais ce n'est que du football, on se calme", diront certains. Mais le football est un art. Certains font des milliers de kilomètres pour voir une femme de 77/53 cm dans un musée. J'en ferais des milliers pour voir le rouquin le plus talentueux de l'histoire du football belge, capable de transformer un simple sport en une démonstration artistique. Pas de doute, quand un joueur transcende à ce point votre motivation et votre passion, quand rien que la lecture de son nom vous donne le sourire, c'est qu'il a quelque chose en plus. Guess What ? Il n'a même pas encore été élu meilleur joueur de Premier League... Comble de l'indécence. 

Il était une fois, Kevin De Bruyne. Ouvrez le livre et profitez de l'intrigue. Quelque chose me dit que l'on tient déjà un best-seller.

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