Oh non, le football européen, ce n'est pas pour tout le monde. Quelle idée ! La Superleague vient d'être annoncée par 12 clubs européens, qui se sont autoproclamés historiques malgré, pour certains, un passif européen comparable à un paillasson sur lequel s'essuient des clubs qui se sont fait un nom sur la dernière décennie. Cette compétition, un mini-championnat qui doit concurrencer, écraser même, la Ligue des Champions est donc devenue réalité.
Qu'elle est belle cette mascarade. Pour mieux comprendre, prenons un exemple, et ça me permettra en plus de mettre la lumière sur un secteur à l'arrêt depuis plus d'un an. Imaginez que le football européen, ce soit une boîte de nuit. Au départ, tout le monde y entre. Sauf que la Superleague va y installer un videur qui va vous juger, non pas sur la personne que vous êtes, mais sur ce à quoi vous ressemblez. Vous allez vous prendre des refus sous prétexte que vous portez un vulgaire pull acheté chez Carrefour. Pire ! Si vous avez par miracle un pull de marque, ils verront bien que vous n'avez pas le pantalon du même standing. A défaut d'avoir la tenue complète, vous ne rentrerez pas. Désolé, ici, ce sont les mieux sapés qui s'amusent, les autres se contenteront du barbecue dans le jardin à gros coup de Kidibul. Le caviar, ça ne se mérite pas, mais ça s'achète dans ce monde.
La Superleague, c'est l'élitisme. Vous savez, quand vous commenciez le football et que vos parents vous disaient de vous amuser avant tout ? La Superleague, c'est l'extrême inverse: d'abord, vous me rapportez de l'argent, après on verra pour l'amusement. C'est le football business exacerbé, c'est FIFA avec cheat code, c'est les Sims sous Motherlode. C'est l'exacerbation de l'argent au dépend de l'esprit. C'est ignorer délibérément que les "petits" clubs ont parfois plus de mérites que ces mastodontes, parfois artificiels, qui s'autoproclament rois d'Europe autour d'un bon gâteau de billets.
Ces gens vont jouer avec des billets, les autres auront le ballon. Et si vous pensez que vous pourrez regarder cette compétition facilement, que finalement, condamner le principe, c'est être hypocrite. N'oubliez pas que les fans sont l'essence même du football. Les abonnements européens vont exploser, alors que papa, maman, le fiston et la petite fille pouvaient encore s'offrir une place pour un match de poules sans avoir à sacrifier un mois de salaire, il faudra maintenant se contenter d'y aller en classe affaire, parce que vous savez, la plèbe, ça ne rapporte rien.
Idem sur votre abonnement TV. Oh non, non, que diable ! Rendre le football accessible et populaire, c'est has been si ça ne remplit pas le portefeuille des présidents d'élite. Et les joueurs, eux, se retrouveront peut-être privés de sélection, alors même qu'ils n'ont strictement rien eu à dire sur ce projet de réforme. La grande classe.
Le football tel qu'on le connaît est devenu inintéressant, visiblement. Je suis content de voir que n'importe quel club est désormais considéré comme un club de village, et qu'au même titre, on les prive d'Europe et donc de rentrées financières. Vous savez, cet argent qu'ils n'ont pas et dont ils auraient besoin pour évoluer. La chance de devenir grand, cela n'intéresse pas ceux qui prétendent l'être en ce moment. Un cercle, ça se ferme, ça se verrouille. Quitte à laisser derrière les valeurs du sport le plus populaire au monde.
Alors que tout le monde n'attend qu'un signal d'ouverture à l'heure où la crise sanitaire mondiale nous enferme, 12 clubs ont décidé qu'ils avaient le droit et la légitimité de prendre le pas sur n'importe qui. Mais quelle honte. Au fond, ces clubs me dégoûtent. Ensemble, ils ont réussi l'exploit de miner les rares plaisirs du football: celui de voir un club inattendu éliminer une équipe prétendument supérieure. Sans les compétitions européennes, ces mastodontes aux pieds d'argile ne seraient rien. Mais ça n'a aucune importance, l'argent façonne l'histoire mieux que le palmarès.
Pour éviter de devoir se confronter à ces miséreux dignes de clubs de village dans notre continent, ces fameux géants vont se réunir et s'enfoncer un peu plus loin dans leur déni. Vous êtes une honte à notre sport. Une honte à notre esprit. Vous n'êtes plus des clubs de football. Aujourd'hui, je vous déteste. Et bien entendu, comme on dit, toute ressemblance avec la réalité ne serait que fortuite. Tu m'étonnes, la réalité, ça fait longtemps qu'ils en sont déconnectés. Et même si ça ne venait qu'à être un coup de bluff.

