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Edito: il était une fois, Marouane Fellaini

Depuis que je suis cette génération des Diables Rouges, j'angoisse. Je panique parce que je sais qu'un jour, je devrai parler de cette équipe à mes enfants en leur rappelant à quel point c'était fou de la voir évoluer. Hier, le départ de Marouane Fellaini a fait remonter cette crainte en moi.

Je suis désolé de vous l'apprendre, mais nous, supporters des Diables Rouges, nous aurons un jour l'air de vieux nostalgiques quand nous parlerons de notre équipe nationale. Vous savez, quand nous pourrons dire à nos enfants ou petits-enfants "vous savez, moi, j'ai connu la Belgique d'Eden Hazard, Vincent Kompany, Kevin De Bruyne et Thibaut Courtois". Je suis certain que je glisserai un petit tacle au passage, une phrase du genre "et ça, c'était du football. La Coupe du Monde 2018, vous ne revivrez jamais quelque chose comme ça". Un sentiment de déjà vu, non ?

En vérité, ça faisait longtemps que je n'avais plus pensé à cela. Mais hier, lorsque Marouane Fellaini a annoncé sa retraite internationale, je me suis pris une claque en pleine figure. Parce que, quand je parle de cette génération, je ne pense pas souvent à lui. Je n'y pense pas parce qu'il fait partie de ceux qui se fondent dans la masse du groupe. Et pourtant, quand je parlerai de la Belgique, je serai forcé de parler de lui.

"Tu sais, le premier frisson que j'ai eu en Coupe du Monde, c'était contre l'Algérie", voilà ce que je dirai à mon enfant (ou mes enfants, on ne sait jamais!). Et là, je serai obligé de penser à ce mec, avec ses cheveux incroyables. Celui qui a libéré la Belgique alors que la situation était devenue catastrophique.

Et pourtant, il y a fort à parier que j'en vienne au but de Dries Mertens, que je qualifierai sans scrupule de génie du football belge. Mais Marouane n'en-est-il pas un lui-même ? Ce serait lui manquer de respect que de dire le contraire.

Alors je m'engage à leur expliquer ce qui a fait de lui un joueur si important. Un joueur bizarre, indescriptible ou presque. Le genre de joueur qui a provoqué un tsunami contre le Japon alors même qu'il ne fait jamais de vagues. Celui qui nous a régalés de ses reprises de la tête et de ses contrôles de poitrine, "le meilleur au monde dans ce domaine", selon Louis Van Gaal. Comment leur expliquer que ce joueur-là était un remplaçant parfait ? Comment leur transmettre cette angoisse ressentie dans des matchs compliqués ou des millions de Belges ont crié "il est temps de lancer Fellaini !" ? Je n'en ai aucune idée, mais je trouverai.

Et puis, avec une pointe de nostalgie, je me souviendrai de la première fois que je l'ai entendu à l'interview. Je m'attendais à une voix virile, à voir un guerrier face au micro. Et j'ai entendu sa petite voix timide, ce petit "boaaah" qu'il fait à chaque fois. Et j'ai ri. Je vous promets, j'ai ri. Et c'est là, au fond, que j'ai compris qui il était. Un gars simple mais batailleur. Un guerrier gentil, c'est poétique, ça plaira à mes enfants.

Alors oui, il avait aussi ses faiblesses et ses lacunes. Combien de fois je me suis pas dit "mais qu'est-ce qu'il fait avec ses coudes lui?!". Et combien de fois les arbitres ne se sont-ils pas demandé ce qu'un bourrin pareil faisait sur un terrain. Ce serait oublier que son jeu rugueux a servi les intérêts nationaux à de nombreuses reprises. Parce qu'il était souvent juste, bien dosé. L'adversaire craignait d'aller au duel avec Marouane, et c'était une arme de première importance pour les Diables Rouges.

Je ne le connais pas personnellement, mais je n'ai entendu que du bien sur sa personnalité. Fellaini transpirait l'expérience et semblait avoir une aura dans ce vestiaire. Ce but contre le Japon l'a élevé au rang de légende dans le cœur de tous les Belges.

Un profil inimitable, c'est rare. Marouane est de ceux-là. Alors sans doute que, dans quelques années, devant une vieille rétrospective devant lesquels les enfants se moquent des adultes nostalgiques, je reverrai ces buts de Fellaini. Et eux, du haut de leur innocence enfantine, me diront sans doute "Papa, pourquoi tu pleures ?" Alors j'éteindrai la télé, et je regarderai mes enfants. "Vous savez, je vais vous raconter une histoire. Il était une fois, Marouane Fellaini...". Et vous savez quoi ? Je suis prêt à parier que je ne serai pas le seul.

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